Pompes à chaleur : les fabricants sont aux anges, mais quelque peu inquiets

Pompes à chaleur : les fabricants sont aux anges, mais quelque peu inquiets

Le marché des pompes à chaleur air/air est dopé par la canicule. Les pac air/eau pourraient dépasser 200 000 ventes par an d’ici deux ans.




Le 27 juin, l’AFPAC (association française pour les pompes à chaleur) a présenté l’évolution du marché de janvier à mai 2019.

 

Les résultats enregistrés sont quasi-pharamineux. Le marché est orienté à la hausse sur tous ses segments. Les industriels membres de l’AFPAC sont confiants quant à leur possibilité d’approvisionner ce marché en très forte croissance. Panasonic a même publié un communiqué expliquant que les rumeurs sur une pénurie de pompes à chaleur étaient parfaitement infondées.

 

Les fabricants s’inquiètent, en revanche, quant à l’installation des pac : la croissance du marché attire des installateurs non-qualifiés, voire des éco-délinquants, et l’AFPAC fait tout ce qu’elle peut pour les décourager, améliorer la qualification des entreprises et orienter le client final vers des professionnels RGE.

 

La chute des pac géothermiques et eau/eau semble enrayée : il s’en est vendu 4% de plus entre janvier et mai 2019 que durant la même période en 2018. ©Weishaupt / Nibe

 

 

Pac Air/air : canicules et chauffage

 

L’AFPAC traite de toutes les pompes à chaleur : air/air, air/eau, géothermiques, sur boucle d’eau, hybrides, etc. Les pac géothermiques pèsent peu : 759 unités vendues entre janvier et fin avril. Ces maigres chiffres représentent tout de même une amélioration de 4% par rapport à la même période en 2018. Les pac hybrides – 1300 systèmes vendus de janvier à fin avril – ne décollent pas du tout.

 

Poussées par les canicules successives, par le remplacement des systèmes installés au tournant des années 2000 et par le fait que des utilisateurs finaux prennent de plus en plus l’habitude de se chauffer à l’aide de climatiseurs réversibles, le marché des pac air/air (mono- et multisplits réversibles à détente directe) se porte bien, vraiment bien même.

 

De janvier à fin 2019, le nombre de groupes extérieurs air/air vendus a augmenté de 25 à 30% pour les gammes domestiques. Les multisplits progressant plus vite que les monosplits.

 

Si l’on extrapole cette croissance au total de l’année 2019, le record de 2018 (500 000 groupes extérieurs) devrait être largement battu. L’AFPAC tient comme parfaitement possible la vente de 700 000 groupes extérieurs en 2019.

 

Les pac hybrides, associant une pompe à chaleur et une chaudière gaz ou fioul, pilotées par un même régulateur, n’ont pas encore trouvé leur marché. Pour le remplacement de chaudières fioul dans des maisons à fortes déperditions, une hybride propane + pac peut constituer une bonne solution. ©Daikin

 

Le R32 s’impose

 

Sur ce segment des pac air/air, le R32 (GWP = 675) est en passe de s’imposer largement. Sur les premiers mois de 2019, sa part dans les ventes est proche de 50%.

 

En fin d’année, il faut s’attendre à ce que plus de la moitié des pac air/air vendues en France fonctionne au R32, selon Eric Bataille d’Atlantic, le nouveau président de l’AFPAC.

 

Les DRV (Débit de Réfrigérant Variable), les grands systèmes de climatisation centralisés qui équipent les bâtiments tertiaires, voient également leurs ventes progresser d’environ 15 à 20% de Janvier à fin Mai 2019.

 

En revanche, ils continuent d’utiliser du R410A. Aucun fabricant ne commercialise pour l’instant de DRV au R32 sur le marché français.

 

 

Le R32 se diffuse rapidement. Il représentera plus de la moitié des ventes de pac air/air en 2019 et de plus en plus de constructeurs présentent des pac air/eau au R32, avec une liaison en eau vers la maison. ©PP

 

Les pac air/eau s’envolent

 

Quant aux pac air/eau, l’AFPAC considère qu’il n’est pas absurde d’envisager un marché de 220 000 unités par an en 2020 ou 2021. Cette idée mérite une déconstruction.

 

Premièrement, les pac air/eau continuent de gagner des parts de marché en construction neuve. En effet, le nombre de pac vendues dans le neuf, essentiellement en maisons individuelles, continue de croître alors que le marché des maisons neuves est en baisse. Les pac dans le neuf représenteront environ 70 000 machines en 2019, auxquelles s’ajoutaient jusqu’à présent environ 30 000 pac en rénovation.

 

Mais, deuxième point, les aides publiques, dont l’opération « Coup de Pouce Chauffage » qui débouche sur des pac à 1€, ont véritablement dopé le marché. Et l’AFPAC prévoit que l’on pourrait poser jusqu’à 150 000 pacs en rénovation d’ici deux ans : passer de 30 000 pac en rénovation en 2018 à 150 000, c’est une multiplication par 5.

 

70 000 pac en neuf + 150 000 pac en rénovation = un marché annuel de 220 000 pac air/eau en 2020 ou 2021, si tout va bien.

 

Les chauffe-eau thermodynamiques sont bien installés en maisons individuelles, tant en neuf qu’en rénovation, . En neuf, le taux de pénétration est déjà élevé. La rénovation fournit un relai pour continuer la croissance des ventes. 32 897 chauffe-eau thermodynamiques ont été vendus de janvier à fin avril. Les ventes devraient atteindre 100 000 pièces en 2019, contre 85 000 en 2018. ©Bosch

 

 

Les ambitions du gouvernement se traduisent dans les faits

 

Rappelons que le gouvernement a décidé en novembre 2018 de supprimer le fioul en tant qu’énergie de chauffage d’ici 10 ans et d’accélérer fortement le rajeunissement du parc de chaudières, toutes énergies confondues. Environ 3,2 millions de chaudières individuelles sont installées en France.

 

Le rythme « naturel » de remplacement est d’environ 120 000 générateurs par an. En 2018, ces 120 000 remplacements se répartissaient en 45 000 chaudières fioul (chiffre de ventes 2018), 15 à 20 000 chaudières gaz, environ 30 000 pompes à chaleur et des chaudières biomasse.

 

Accélérer le remplacement pour atteindre les objectifs du gouvernement signifie passer de 120 000 chaudières « naturellement remplacées » par an à 250 000, puis à 300 000 chaudières remplacées par an.

 

 

L’AFPAC s’intéresse aussi aux pompes à chaleur en collectif, en chaufferie pour produire ECS et chauffage en remplacement des chaudières collectives, mais aussi dans les logements en remplacement des chaudières murales gaz. ©PP

 

Les effets inespérés du programme « Coup de Pouce Chauffage »

 

Selon l’AFPAC, qui a eu accès au premier bilan de l’opération Coup de Pouce Chauffage réalisé par les Pouvoirs Publics, ce programme dépasse les attentes.

 

A fin 2019, 60 000 remplacements de chaudières ont été engagés, dont 27 000 (47%) ont été remplacées par des pac. Encore plus spectaculaire, sur les 60 000 changements de chaudières, 22 000 portaient sur des chaudières fioul : elles ont été remplacées par des pac à 86%.

 

Donc, extrapolant ces premiers résultats, l’AFPAC estime que si le marché du remplacement accélère, passe à 150 000, 250 000, puis à 300 000 chaudières par an et que les pac prennent 50% de ce marché – ce que l’AFPAC considère comme une estimation conservatrice, mais ne le dit pas trop fort pour n’effrayer personne -, cela se traduira d’ici deux ans par des ventes de pac air/eau en rénovation de l’ordre de 150 000 pièces par an : un pactole, une manne ! Mais aussi un danger.

 

 

Les industriels membres de l’AFPAC avouent que les délais de livraison sont « un peu tendus », mais ils ne craignent pas de réelle pénurie de pac, ni air/air, ni air/eau, soulignant qu’ils ont entamé le développement de leurs capacités de production et qu’il n’existe aucune tension sur la fourniture des composants nécessaires. ©Daikin

 

L’installation est le maillon faible

 

Pour poser 220 000 pac par an (70 000 en neuf + 150 000 en rénovation), la France ne compte au 6 juin 2019 que 8400 installateurs RGE détenant une qualification sur les pac. Soit moins d’une pac posée par semaine et par entreprise RGE, sur la base de 48 semaines travaillées par an. Pour bénéficier des aides publiques, l’installateur doit être qualifié RGE.

 

Or, rappelle l’AFPAC, pour conserver cette qualification, une entreprise RGE ne peut sous-traiter plus de 30% de son Chiffres d’Affaires sans justification ou bien pas plus de 50% en fournissant les explications nécessaires lors des audits RGE auxquels l’entreprise est régulièrement soumise.

 

La crainte des membres de l’AFPAC est que ce marché très porteur n’attire des installateurs non-qualifiés pour la pose de pac et même de francs éco-délinquants, comme cela s’est déjà produit à plusieurs reprises à propos des pac, mais aussi du solaire thermique et du solaire photovoltaïque. L’AFPAC est déterminée à ne pas laisser la croissance des ventes ralentir et l’image des pac se ternir à nouveau à cause de séries de contre-références.

 

Les préconisations de l’AFPAC

 

L’AFPAC a donc décidé de s’adresser à la fois au public et aux professionnels. Au public, elle rappelle qu’il ne faut pas se laisser aveugler par les offres de pac à 1€ : au bout du compte, le reste à charge peut être largement plus important si l’installation s’avère plus complexe que prévu.

 

L’AFPAC rappelle également que tout devis doit être précédé par une étude thermique pour dimensionner la pac correctement. Elle souligne aussi que le délai de rétractation n’existe pas en cas d’achat sur une foire ou dans un salon et elle demande au public de ne pas s’engager fermement sur une foire ou dans un salon.

 

Aux professionnels, l’AFPAC rappelle que les pac air/eau et air/air sont des systèmes particuliers qui requièrent une attention particulière quant à l’acoustique lors de l’installation et qu’il faut entretenir pour maintenir leurs performances dans le temps.

 

L’AFPAC a réalisé et gratuitement mis en ligne sur son site plusieurs outils destinés aux professionnels et aux public : un simulateur d’aides financières, mis à jour chaque mois, qui recense toutes les aides locales et nationales en fonction du lieu du projet, un rappel sur l’acoustique, … L'AFPAC a également lancé avec le laboratoire EDF des Renardières et le Lycée Technique La Martinière à Lyon, un banc comparatif de pac entretenues et de pac « stressées » ( filtres encrassés, …) pour prouver au Pouvoirs Publics que l’entretien induit une réelle différence de performance dans le temps. Le but étant de pousser les Pouvoirs Publics vers, sinon une obligationn, du moins une forte recommandation de l’entretien des pac.

 

Dernier point : la millionième pac installée en France devrait être posée cette année.


Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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