Le Grand Paris va-t-il stimuler l’acheminement fluvial ?

Le Grand Paris va-t-il stimuler l’acheminement fluvial ?

Cantonné pour l’heure aux matériaux en vrac, le réseau fluvial qui traverse Paris pourrait à l’avenir servir à acheminer des éléments de construction plus élaborés.




photo ©F. Leroy

 

Lorsque la construction de la cathédrale de Paris a été décidée, vers 1160, l’une des premières actions a été de récolter des chênes dans le Morvan, et de les flotter vers Paris.

 

Le bois de charpente était indispensable à l’architecture gothique, non seulement pour la toiture mais comme coffrage des voûtes. Les poutres équarries séchaient ensuite à l’air libre pendant une vingtaine d’années…

 

Depuis le Moyen-âge, les chantiers de Paris ont été largement approvisionnés par les voies d’eau. Et quand la route a commencé à prendre timidement le relais, au 17e siècle, dans le cadre de l’aménagement du Louvre et des Tuileries, les bastaings d’angle des cargaisons étaient percés afin que les cordes en chanvre ne s’usent pas trop vite sur les chemins de la proche forêt de St Germain-en-Laye.

 

D’ores et déjà indispensable au BTP

 

Les temps ont changé, le transport routier des matériaux du BTP est devenu omniprésent et les quais de la Seine ont perdu leur fonction portuaire, à quelques exceptions près. Pourtant, chaque année, quelque 14 millions de tonnes de matériaux du BTP sont acheminés vers Paris par la Seine. S’y ajoutent les déblais et les déchets de chantier.

 

Le BTP représente un domaine d’activité majeur de Haropa, l’union des ports de Paris, Rouen et le Havre. Christophe du Châtelier, responsable de ce marché auprès d’Haropa, précise qu’actuellement, la Seine est utilisée notamment pour acheminer vers le port de Gennevilliers des granulats marins.

 

Par ailleurs, des vraqueurs remontent le fleuve chargés de grumes du port de Honfleur. Selon lui, la voie d’eau dispose d’atouts spécifiques : une logistique éprouvée, réactive et fiable qui permet de massifier les flux.

 

Une logistique « bio-sourcée »

 

Haropa cherche à développer l’acheminement fluvial de produits de consommation de tout ordre et ne demande qu’à prendre en charge des produits de construction plus élaborés. Toutefois, le transport de vrac pondéreux est particulièrement adapté au trafic fluvial. Quand les granulats ne sont pas d’origine fluviale, ils sont marins.

 

Tout converge vers des centrales à béton implantées sur les berges, et qui font la fierté d’une filière souvent montrée du doigt à cause du bilan carbone désastreux du ciment.

 

A l’inverse, les filières bio-sourcées recourent exclusivement au transport routier. Parfois, des éléments préfabriqués en bois traversent toute l’Europe en camion. Et ce n’est pas prêt de changer.

 

Equivalent 200 camions

 

Qu’il s’agisse des berges de la Seine ou du port de Gennevilliers, la grande tendance actuelle n’est pas le mini-port de conteneur mais plutôt l’aménagement de loisir. Ne serait-ce que pour se remettre de ces norias infernales de camions…

 

Pour autant, un retour vers l’acheminement fluvial de matériaux élaborés du BTP n’est pas impossible à concevoir. Selon Christophe Le Châtelier, une barge équivaut à 200 camions. Le réseau fluvial est calibré et la norme n’est pas le conteneur maritime, mais des formats modulaires plus réduits.

 

Rien ne s’oppose au transport de sciages bâchés, même si la mise en place de tels flux demandera des études, des expérimentations et des adaptations majeures des circuits de production.

 

 

Péniche sur le Rhin, donnant une idée du potentiel de transport bâché, y compris en dimensions hors gabarit routier.

 

Le gisement de Douglas du Morvan

 

En principe, rien ne s’oppose à ce que le riche gisement de bois d’œuvre de la Bourgogne, notamment ses douglas qui arrivent à maturité, rejoignent la région parisienne par voie fluviale sous forme de sciages et soient transformés aux portes de Paris en éléments de construction bois qui pourraient derechef être acheminés par voie d’eau à destination, du moins dans de nombreux cas.

 

Pour l’heure, des projets de construction bio-sourcée de grande ampleur comme ceux de l’aménageur Epamarne dans l’Est parisien, de la Zac des Groues à Nanterre et du Village olympique sur l’Ile St-Denis, sont tous situés à proximité directe des voies d’eau, sans parler de plusieurs projets franciliens de tours en bois.

 

Le bois, pas toujours « vert »

 

Ces grands projets peuvent agir comme levier pour changer les pratiques au sein de l’agglomération. Cependant, le moment ne semble pas encore venu. Pour l’heure, l’objectif affiché serait d’augmenter nettement la part des matériaux bio-sourcés dans la construction neuve.

 

En la matière, il reste fort à faire pour raccorder les intentions et la pratique. La filière bio-sourcée peine à devenir compétitive et mettre le doigt sur sa contribution à l’engorgement routier risque de la pénaliser encore plus.

 

Il n’empêche qu’au-delà de ces considérations économiques, l’exploitation judicieuse du bassin versant des massifs boisés qui entourent Paris est une question de bon sens. A moins que l’on s’accommode de voir ces grumes et sciages partir en conteneurs vers d’autres destinations.

 


Source : batirama.com/ Jonas Tophoven

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