Analyse du Cycle de Vie (ACV) : qu’est-ce que c’est et à quoi ça sert ?

Analyse du Cycle de Vie (ACV) : qu’est-ce que c’est et à quoi ça sert ?

L’ACV est la seule méthode facilement utilisable pour calculer l’impact environnemental d’un bâtiment et comparer différentes méthodes constructives.




Nous vous proposons un court feuilleton en trois épisodes pour expliquer l’ACV, les données nécessaires et les outils disponibles. Voici le premier épisode. L’ACV (Analyse du Cycle de Vie), selon la norme ISO 14040 , est une « compilation et évaluation des intrants, des extrants et des impacts environnementaux potentiels d’un système de produits au cours de son cycle de vie ».

 

Les impacts environnementaux considérés dans l’ACV sont le changement climatique, l’eutrophisation et l’acidification des sols et des milieux aquatiques, l’écotoxicité, la toxicité humaine, la consommation d’énergie, d’eau et l’occupation des surfaces. L’analyse des impacts environnementaux d’un bâtiment procède de l’idée simple selon laquelle la performance énergétique n’est pas un critère suffisant pour évaluer sa vertitude.

 

En effet, depuis la première réglementation thermique française en 1974, un consensus portait vers la réduction de la consommation d’énergie. Il s’agissait d’abord d’éviter les ruptures d’approvisionnement en énergie, de réduire les coûts d’exploitation des bâtiments face à l’envolée des prix de l’énergie et, enfin, de protéger l’environnement.

 

 

Le 15 mars 2017, Ecolocost a reçu le premier label E+C- pour une maison individuelle. Construite à Eermont (95), cette maison sera également labellisée BEPOS Effinergie 2017. Ce dernier Label englobe les exigences E+C- et les enrichit de ses propres exigences. Ecolocost. Les deux labels imposent une ACV. ©Ecolocost

 

L’ACV sert à aller plus loin que le BEPOS

 

La Directive Européenne sur l’efficacité énergétique et sa traduction dans la réglementation RBR (Règlementation Bâtiments Respectueux) en 2021 vont imposer le Bepos (Bâtiment à Energie Positive). La démarche de réduction de consommation d’énergie des bâtiments touchera alors pratiquement à son terme, puisque les bâtiments devront produire plus d’énergie dans l’année qu’ils n’en consomment.

 

Ce ne sera pas une mince affaire, mais cela n’épuise pas le débat sur l’impact environnemental des bâtiments. Pour réduire l’empreinte environnementale des construction, l’ACV est le meilleur outil disponible. Dès la conception, l’ACV évalue différents types d’impacts environnementaux, à chaque étape du cycle de vie d’un bâtiment : construction, exploitation et fin de vie.

 

L’ACV aboutit à des informations techniques qui ne sont pas toujours très claires et avec lesquelles il est difficile d’établir une hiérarchie des solutions. Par exemple, à l’issue d’un ACV, comment décider quel bâtiment est globalement le plus vert ?  Celui qui contribue un peu plus à l’eutrophisation des eaux ou celui dont l’effet sur l’acidification des sols est plus accentué ?

 

 

 

Certivea est l’un des certificateurs du Label E+C- qui oblige le Maître d’Ouvrage à réaliser un ACV et à soumettre une note de calcul de deux indices environnementaux. ©Certivea

 

Le rôle des référentiels

 

Répondre à cette question est le rôle des référentiels des labels environnementaux. Ils sont nombreux HQE, BBCA et Effinergie, E+C- en France, DGNB en Allemagne, BREEAM et LEEDS partout dans le monde, ... Les référentiels de ces Labels contiennent explicitement une hiérarchie des impacts environnementaux et permettent de décider si – en l’absence de construction à impact environnemental nul -, un peu d’eutrophisation est préférable à un chouïa d’acidification.  

 

Dès à présent, tous ces labels - HQE, BBCA, Effinergie, E+C-, DGNB, BREEAM et LEEDS – imposent la réalisation d’une ACV. Si une version du label E+C-,, dont les caractéristiques et la sévérité restent à définir, devient la future règlementation RBR 2021, l’ACV sera obligatoire pour toute construction neuve, au même titre que le calcul de structure, le calcul thermique, le calcul sismique, le calcul acoustique, le calcul des débits de ventilation pour maintenir une bonne qualité d’air intérieur, etc.

 

Bref, concepteurs, si vous n’avez pas encore réalisé d’ACV, il est temps de vous y mettre. On ne calcule pas une ACV en général, on le fait toujours en application d’une méthode et d’un référentiel précis. Le résultat de l’ACV d’un bâtiment pour un calcul de label BREEAM n’est pas le même que pour un Label E+C-.

 

 

 

Cerqual s’est également mis sur les rangs pour la certification des différents Labels environnementaux en logements collectifs, dont le Label E+C-. ©Cerqual

 

La fixation d’un objectif environnemental change la manière de concevoir et de construire

 

Quels que soient le label et le référentiels retenus, l’ACV est une démarche itérative qui s’inscrit dans les buts fixés par le Maître d’Ouvrage pour un bâtiment précis. L’ACV permet de comparer différentes méthodes constructives, différents revêtements de sols, de systèmes de chauffage et de rafraîchissement pour minimiser l’impact environnemental d’un bâtiment au sens d’un référentiel précis, tout en respectant le coût de construction fixé par le Maître d’ouvrage, le niveau de confort esthétique, olfactif, thermique, lumineux, etc. qu’il souhaite pour son bâtiment, ainsi que toutes les diverses règlementations du bâtiment.

 

Pour être efficace, l’ACV est donc un travail itératif, un dialogue entre différents concepteurs, un débat modéré par le Maître d’Ouvrage et les Maîtres d’œuvre. Ce n’est sûrement pas un truc qu’on calcule rapidement au début pour viser un label, puis que l’on refait à la fin pour s’assurer que le niveau requis est bien atteint.

 

Si le résultat de l’ACV est un critère important, cela signifie aussi que la conception du bâtiment – un peu comme l’impose le BIM dans autre ordre d’idée – doit être très détaillée avant tout début des travaux. Chaque produit de construction, équipement technique et solution de second œuvre aura été choisi en fonction de son aspect environnemental.

 

Par conséquent, durant les travaux, il n’est pas question de remplacer la moquette X par la moquette Y, un peu moins chère ou plus rapidement disponible, sans refaire tout le calcul d’ACV, sous peine de voire le bâtiment ne pas atteindre le but environnemental fixé. Les caractéristiques environnementales des produits, exprimées à travers les FDES (Fiches de Déclaration Environnementale et Sanitaire) pour les produits de construction et les PEP (Profil Environnemental Produit) pour les équipements électriques, les automates et les équipements de CVC (Chauffage, Ventilation et Conditionnement d’Air), deviennent importantes. Cet aspect est traité dans le second épisode du feuilleton.

 

 

 

OBM, un constructeur bois qui fabrique ses propres panneaux CLT (Cross-Laminated Timber ou panneaux pleins structurels), a bâti les bureaux de la DREAL Centre, certifiés BBCA réalisation. L’ACV a été réalisé par le BE BED. OBM revendique la possibilité de démonter ses bâtiments en fin de vie et de les reconstruire ailleurs. C’est une toute autre manière d’aborder l’économie circulaire. ©OBM

 

 

Les trois étapes du calcul d’une ACV

 

Pratiquement, une ACV se déroule en trois moments différents, chacun important et indispensable. La première phase, presque exclusivement du ressort du Maître d’Ouvrage, consiste à définir les objectifs, le périmètre de l’ACV et la durée d’analyse retenue. Si le Maître d’Ouvrage décide que son but est d’atteindre le niveau E3C2 (Energie 3, Environnement 2) du label E+C-, cela fixe le périmètre pour les concepteurs et la durée d'analyse. 

 

Ils s’appuient sur le référentiel et sur la méthode du Label E+C- pour leurs conceptions. Le label E+C- spécifie, par exemple, que l’ACV est mené sur une période de 50 ans et seulement sur le bâtiment, sans considérer le voisinage, mais en comptabilisant tous les entrants. Cela devient nettement plus complexe si le Maître d’Ouvrage, pour séduire des investisseurs, décide que le bâtiment sera E3C2, BREEAM Excellent, mais aussi BBCA et NF HQE Bâtiments Tertiaires, par exemple. Tous les labels français - Effinergie, BBCA et autres - utilisent désormais la méthode E+C-, mais fixent des objectifs différents. Les labels non-français disposent chacun de leur propre méthode de calcul et de leur propre référentiel. Le nombre d’itérations du calcul ACV sera plus important pour satisfaire ces diverses exigences.

 

Seconde étape, le Maître d’Ouvrage, encore lui, doit préciser son programme et décider, par exemple, que son bâtiment assurera sa mission sans rénovation lourde du clos-couvert pendant 30 ans, ni de rénovation des équipements techniques pendant 20 ans. Ce qui, pour le calcul d’ACV sur une période de 50 ans du label E+C-, signifie qu’il faut prévoir une rénovation lourde du clos-couvert et deux rénovations des équipements techniques. La troisième étape consiste à calculer les indicateurs de l’ACV. Ce sont les différentes grandeurs à partir desquelles le référentiel E+C- hiérarchise la vertitude des bâtiments.

 

Comme en témoigne ce rendu graphique issu du logiciel d’ACV Elodie du CSTB et qui compare l'impact environnemental de 4 maisons, l’expression des résultats d’une ACV requiert une interprétation par des spécialistes. ©CSTB

 

Les indicateurs de l’ACV

 

Ces indicateurs résultent de la norme NF EN 15804 A1 et de son complément national NF EN 15804/CN pour les produits de construction. Ce sont une quinzaine de grandeurs tout à fait inhabituelles pour les concepteurs de bâtiment et pour les entreprises, exprimées, pour l’essentiel, dans des unités qui ne parlent à personne, pour l’instant :

 

- consommation totale d’énergie exprimée en énergie primaire (kWhEP), en distinguant l’énergie renouvelable de l’énergie non-renouvelable,

 

- l’épuisement des ressources, exprimée en kea (kg équivalent antimoine),

 

- les consommations d’eau en litres,

 

- les déchets solides en kg, en distinguant les déchets solides valorisés et les déchets solides éliminés. Ces derniers sont à leur tour éclatés en déchets éliminés Dangereux, DIB (Déchets Industriels Banals), Inertes, radioactifs. Le Maître d’Ouvrage fixe un objectif de valorisation des déchets en % et un calendrier : par exemple, 80% de déchets valorisés en 2025.

 

- le changement climatique évalué en kg équivalent CO2,

 

- l’acidification atmosphérique en keSO2 (kg équivalent SO2),

 

- la pollution de l’air en m3,

 

- la pollution de l’eau en m3,

 

- la destruction de l’Ozone stratosphérique en keCFC (kg équivalent CFC),

 

- la formation d’ozone photochimique en keE (kg équivalent Ethylène).

 

Pratiquement tous les certificateurs, dont Promotélec, ont créé leurs propres labels qui englobent les exigences du label E+C-, dont celle de réaliser une ACV, dans une somme d’obligations complémentaires. ©Promotélec

 

Synthèse de la vertitude

 

Dans quinze ans, tous les acteurs de la construction auront sans doute des ratios en tête : un bâtiment de bureaux de 15 000 m² aboutit à telle valeur de keE, en moyenne, s’il est construit en CLT et à telle autre s’il est en béton banché. En attendant, ce n’est clair pour personne, sauf pour le petit nombre de défricheurs qui pratiquent l’ACV depuis une quinzaine d’années.

 

Heureusement, le référentiel et la méthode des différent labels environnementaux traduisent tout cela en expressions plus faciles à comprendre. Le label E+C- synthétise cette quinzaine de valeurs en seulement deux indices environnementaux et indique des seuils de valeurs pour ces indices, selon le niveau de C à atteindre.

 

Les deux indicateurs du label E+C- - Eges et EgesPCE. - synthétisent tout en émissions de GES (Gaz à Effet de Serre). Les autres Labels proposent leurs propres synthèses et niveaux d’exigences. Voilà, le premier dégrossissement de l’ACV est terminé. Notre prochain article porte sur l’évolution et le développement des PEP et des FDES. Le troisième traitera des outils de calcul disponibles pour les concepteurs.

 

 

Conçue par l’Atelier des Deux Anges - Architecture & Urbanisme pour Habitat 76, construite à Malaunay (76), la résidence Alizari accumule les preuves de performance. Elle est certifiée Passivhaus, BEPOS Effinergie et E3C2. Elle compte 32 logements, fait appel à une structure en béton avec ITI ou ITE selon les parois, une chaufferie collective bois, une ventilation centralisée double-flux. Le chauffage est assuré par le vecteur air avec une batterie à eau chaude montée dans la veine d’air insufflé à l’entrée de chaque logement. Le bâtiment porte aussi 31 kWc de panneaux photovoltaïques. Le tout pour un coût de travaux de 3 582 234 € HT. ©Atelier des Deux Anges

 

 

Le bâtiment de bureaux Le Themis conçu par Corinne Vezzoni & Associé pour Icade - 10 655 m² construits dans la Zac Clichy-Batignolles à Paris pour 30,5 millions d’Euros HT - porte la double labellisation BBCA et E2C2. ©Corinne Vezzoni & Associés


Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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