L’horizon s’éclaircit pour le fluide frigorigène R32 en ERP

L’horizon s’éclaircit pour le fluide frigorigène R32 en ERP

Des modifications règlementaires sont attendues pour l’automne 2018 pour permettre l’installation de systèmes R32 multisplits et DRV en Etablissement recevant du public (ERP)




Selon les fabricants, du point de vue technique, le R32 est le seul fluide à même de remplacer le R410A dans les systèmes de climatisation par détente directe en tertiaire, notamment dans les multisplits et les DRV (Débits de Réfrigérant Variable).

 

Les autres fluides possibles, comme le CO2 ou le propane offrent des inconvénients majeurs : fonctionnement en très haute pression (>100 bar) pour le CO2, grande inflammabilité et explosivité pour le propane. L’enjeu est d’importance : en raison de son GWP élevé (2088), le HFC R410A est menacé à terme par le Règlement F-Gaz. Il faut une solution de remplacement, le R32, avec son GWP = 675, est un bon candidat.

 

Plusieurs difficultés doivent être surmontées, cependant, pour qu’il devienne possible de déployer des DRV et multisplits au R32 en tertiaire. Premièrement, les bâtiments tertiaires concernés sont largement des ERP (Etablissements Recevant du Public) : des bureaux, des hôpitaux, des maisons de retraite, etc. d’une part. Deuxièmement, le R32 est classé A2L, c’est-à-dire faiblement toxique (A) et légèrement inflammable (2L).

 

Troisièmement, la règlementation n’autorise en ERP que des fluides classés A1, faiblement toxiques et ininflammables. Le remède consiste donc à faire évoluer la règlementation nationale française qui régit la sécurité des installations dans les ERP pour autoriser l’emploi de fluides A2L : faiblement toxiques et légèrement inflammables. Uniclima, le syndicat du génie climatique, et les grands industriels de la climatisation s’y emploient, avec les Pouvoirs Publics, et ont bon espoir d’y parvenir d’ici l’automne prochain, mais la tâche est complexe.

 

 

 

Les industriels ont progressivement introduit des monosplits R32 destinés à des installations domestiques depuis déjà 3 ans. Il sont passé en 2016 à de gros monosplit (>5 kW) destinés au tertiaire (entrepôts, ateliers, locaux de grand volume), puis en 2017 à des multisplits destinés au logement. Tout l’enjeu maintenant, c’est d’obtenir une modification des règles de sécurité pour pouvoir installer des systèmes R32 dans les bâtiments recevant du public (ERP). ©PP

 

Le classement des fluides frigorigènes

 

Commençons par le début. Le classement des fluides est fixé par la norme internationale Iso 817. Une modification de cette norme en 2014 (Iso 817:2014) a introduit la catégorie A2L : faible toxicité (A), légère inflammabilité (2L). Le R32 appartient à la classe A2L, comme les HFO-1234yz et HFO-1234ze, tandis que le R410A relève de la classe A1 (faible toxicité, ininflammable).

 

Le R290 (propane) relève de la classe A3 (faible toxicité et fortement inflammable). L’ammoniaque R717 est classée B2L (toxique et légèrement inflammable). La norme Iso est traduite en Europe par la norme EN 378, publiée par le CEN (Comité Européen de Normalisation).

 

A son tour, la norme européenne a été modifiée en 2016 (EN 378:2016), publiée en 2017 par l’Afnor (NF EN 378:2017) et fait désormais apparaître la classe A2L. Remarquons au passage que EN 378:2016 et NF EN 378:2017 sont identiques.

 

Un guide télécharcheable pour tout comprendre

 

Un guide pour la mise en œuvre des appareils de climatisation et de froid commercial selon NF EN 378:2017 a été rédigé par le Cetim, Uniclima, l’AFCE (Alliance Froid Climatisation et Environnement) et l’AFF (Alliance Française du Froid) et publié début 2017. Ce guide est librement disponible en téléchargement, notamment sur le site du Cetim après s’y être inscrit gratuitement.

 

La norme NF EN 378:2017 a pour but de maîtriser les risques posés par les systèmes frigorifiques aux personnes, aux biens et à l’environnement. Le Guide du Cetim se focalise sur la sécurité des personnes et propose une méthode d’analyse des risques qui commence à la conception de l’installation, puis se termine au démontage et au recyclage des machines de climatisation et de froid.

 

 

 

Les unités extérieures des systèmes R32 sont très similaires aux unités extérieures utilisant du R410A : mêmes dimensions, mêmes puissances, mais rendement 10 à 15 % meilleur et niveau de bruit réduit. ©PP

 

 

 

Les critères retenus pour le calcul des fluides

 

Une bonne partie des recommandations de la norme NF EN 378:2017 concerne les fabricants de systèmes de climatisation et de froid. Mais pour les concepteurs et les entreprises, elle permet de déterminer la charge maximale de fluide admissible dans un bâtiment donné, notamment dans les espaces occupés, donc la puissance et la nature du système de climatisation ou de froid que l’on peut y installer.

 

Tout cela est décrit dans la partie 1, point 6 et Annexe C de la norme NF EN 378:2017. Plusieurs critères sont retenus pour effecteur ces calculs : la nature du fluide, l’emplacement des installations (enceintes ventilées ou non-ventilées, etc.), le fait que le système soit pas du tout, en partie ou en totalité sité dans des espaces occupés, la nature du fluide et son classement, etc.

 

Le type d’emplacement n’est pas toujours intuitif. Un roof-top, par exemple, bien que ce soit une machine posée à l’extérieur qui souffle et reprend dans l’air dans un bâtiment, est considéré comme partie à l’extérieure et partie à l’intérieur.

 

Toxicité et inflammabilité du fluide

 

En ce qui concerne la nature du fluide, deux critères principaux sont pris en compte : la toxicité du fluide A (faiblement toxique) ou B (toxique) et l’inflammabilité du fluide 2 (inflammable), 2L (légèrement inflammable) ou 3 (très inflammable).

 

La norme contraint les concepteurs à retenir la limite la plus stricte en fonction de ces deux critères. Par exemple, la limite de toxicité de l’ammoniac R717 est de 0,00035 kg/m3 d’air, tandis que sa limite d’inflammabilité est 0,023 kg/m3.

 

Dans un calcul portant sur du R744, on retient la limite de toxicité, plus faible que sa limite d’inflammabilité. Pour le R32, en revanche, on retient sa limite d’inflammabilité (0,061 kg/m3), car elle est plus basse que sa limite de toxicité (0,3 kg/m3).

 

 

 

Il existe déjà toutes sortes d’unités intérieures fonctionnant au R32, depuis les murales classiques jusqu’aux gainables destinées aux bureaux et à l’hôtellerie. ©PP

 

L'exemple d’un DRV au R32

 

Le cas d’un DRV au R32 est explicitement traité dans le guide du Cetim. Un DRV à condensation par air est pour partie à l’extérieur (le ou les groupes externes) et pour partie à l’intérieur (réseau et unités intérieures). Ce qui le range en classe d’emplacement II. La norme demande d’effectuer un calcul pour le plus petit local occupé et climatisé du bâtiment.

 

Dans l’exemple du guide, il s’agit d’un bureau de 20 m² et de 50 m3. La concentration de R32 admissible (baptisée QLAV) dans ce bureau est de 150 g/m3, si une seule mesure de protection est mise en œuvre et la charge maximale admissible pour l’ensemble du système est de 7,5 kg. Ce qui est bien inférieur à la charge requise pour un DRV dans un grand bâtiment de bureaux, avec des centaines de mètres de canalisation et plusieurs dizaines d’unités intérieures.

 

Il faut de toute manière poser des détecteurs de fuites de fluides, avec signal sonore et visuel. Il est admis que le système puisse dépasser une charge de 7,5 kg si au moins deux mesures de protection, activées par les détecteurs de fuite, sont mises en œuvre : une ventilation qui garantisse que le risque soit éliminé en 15 minutes, la pose de vannes frigorifiques qui segmente l’installation de manière à limiter le volume de réfrigérant susceptible de fuir.

 

Des règles de sécurité coûteuses et complexes

 

Lors du salon Chillventa 2016, Toshiba Climatisation avait présenté des vannes de ce type. Dans les hôtels, leur installation, au rythme d’une par chambre sur l’aller et sur le retour fluide ou d’une seule vanne 4 voies, est recommandée en Allemagne pour les systèmes à détente directe. En 2016, elles coûtaient environ 500 € HT pièce.

 

Avec la nouvelle norme NF EN 378:2017, les solutions de climatisation à détente directe pourront être installées dans les bâtiments tertiaire, sous réserve des règles de sécurité nationales, mais seront plus complexes et plus coûteuses : pose de détecteur de fuite de fluide, d’avertisseurs sonores et visuels, de vannes de fluides asservies aux détecteurs, … à la fois lors de l’installation et durant la maintenance.

 

 

 

Les nouvelles unités intérieures au R32 sont aussi conçues pour saitsfaires aux exigences de la Directive Européenne ecoConception, dite aussi ErP pour Energy Related Products. Elle demande un rendement accru et un niveau sonore diminué. Ce qui conduit souvent à l'augmentation des dimensions des unités intérieures, à puissance égale, équipées d’échangeurs plus importants, de ventilateurs plus grands, mais tournant à vitesse réduite. ©PP

 

L’évolution des règles de sécurité françaises

 

Parlons justement des règles de sécurité en ERP. En France, elles sont gouvernées par l'Arrêté du 25 juin 1980 portant approbation des dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public (ERP) et, plus précisément, par son article CH 35.

 

L'on perçoit immédiatement le problème : datant de 1980, ces règles ne connaissent pas les fluides A2L. Elles autorisent les fluides A1, y compris dans les locaux recevant du public (le DRV au R410A, par exemple), ainsi que les fluides A2 dans la limite de 150 kg, si le fluide est confiné à l’extérieur ou dans une salle des machines spécifique et si le système fait appel à un échange indirect : autrement dit, un groupe froid seul ou réversible avec une distribution d’eau chaude et d’eau glacée dans les locaux occupés.

 

Il interdit expressément les fluides A3 et, naturellement, ne mentionne pas les fluides A2L. C’est ce fameux article CH 35, dont Uniclima parie sur la réécriture cette année. Le processus est lancé, mais a donné lieu à une certaine cacophonie.

 

Tout a commencé par la publication d’une lettre conjointe du ministère de l’Intérieur (qui a la tutelle sur les pompiers, chargés de vérifier la conformité des installations vis-à-vis de la sécurité des personnes dans les ERP) et du ministère de la Transition Ecologique et Solidaire.

 

Cette missive annonçait que les deux ministères avaient commandé à l’Ineris (Institut national de l’environnement industriel et des risques), un rapport sur les risques liés à l’emploi des fluides inflammables et/ou toxiques en climatisation et en froid, dans le but de faire évoluer la réglementation.

Virtuellement tous les industriels de la climatisation à détente directe ont choisi le R32, dont les performances thermodynamiques sont un peu meilleures que celles du R410A. Il n’existe pas, à leur avis, d’autre fluide pour l’instant, capable de se substituer aussi efficacement au R410A. ©Toshiba, Samsung


 

 

Le rapport de l’Ineris

 

La lettre précisait aussi que l’article CH 35 traite uniquement du conditionnement d’air en ERP et non du froid en ERP. Les restrictions imposées par l’article CH 35 ne s’appliquent donc pas au froid alimentaire, par exemple. La lettre annonçait enfin la publication à venir d’une fiche pratique sur ce thème dans un guide destiné aux ERP de type M (magasins de vente et centre commerciaux).

 

Elle n’est pas parue pour l’instant, mais devrait expliquer qu’il est possible d’utiliser des fluides A2, A2L et même A3 dans les installations frigorifiques d’un supermarché situé au rez-de-chaussée d’un bâtiment ERP. Aussitôt, cette lettre a été interprétée par quelques acteurs comme témoignant d’une modification de l’article CH 35 et de la possibilité d’utiliser les fluides A2L pour le conditionnement d’air des ERP dés à présent. Ce n’est pas le cas.

 

L’article CH 35 n’a pas encore été modifié. Sa portée a juste été clarifiée : il concerne la climatisation, mais pas le froid commercial en ERP. C’est tout. Il faut attendre la réelle modification de l’article CH 35 pour mettre en œuvre des systèmes R32 en ERP.

 

La norme doit être gratuitemement accessible pour être obligatoire !

 

Le rapport de l’Ineris a été publié le 20 décembre 2017. Il porte sur l’utilisation des fluides classés A2L, A2 et A3 en ERP. Les équipements mentionnés ne sont que des systèmes de climatisation. Le cas des installations de froid n’est pas abordé. Il sera certainement traité par la fiche pratique à paraitre, évoquée ci-dessus.

 

Le rapport de l’Ineris jette tout de même un discret pavé dans la mare : « A la suite de la décision n°402752 du 28 juillet 2017, le Conseil d’Etat rappelle la nécessité d’une norme d’être gratuitement accessible pour être d’application obligatoire. Dans la mesure où la norme NF EN 378 est payante, il n’est donc, dans aucun cas, requis de s’y conformer ».

 

Toute évolution commencera donc par l’Afnor qui devra rendre librement accessible le texte de la norme NF EN 378:2017. Pour l’instant, NF EN 378-2 Avril 2017 « Systèmes frigorifiques et pompes à chaleur - Exigences de sécurité et d'environnement - Partie 2 : conception, construction, essais, marquage et documentation - Systèmes frigorifiques et pompes à chaleur - Exigences de sécurité et d'environnement - Partie 2 : conception, construction, essais, marquages et documentation » est proposée au prix de 372,24 € HT, tout de même.

 

 

 

Hardeman Distribution propose un pack outillage pour la manipulation de R410A et de R32. Il correspond à l’outillage que doivent détenir les frigoristes et les climaticiens pour obtenir leur attestation de capacité de manipulation des fluides. Il comprend une station de récupération tous fluides frigorigènes, y compris le R32 , un détecteur de fuite Teddington, un thermomètre infrarouge, une balance de charge 50 kg, un manifold R410A R32 R407C R134a avec flexibles et adaptateurs, 10 étiquettes réglementaires d'intervention, 10 étiquettes de contrôle d'étanchéité rouges, 10 étiquettes de contrôle d'étanchéité bleues et un marqueur peinture indélébile, le tout pour 1099 €. ©Hardeman Distribution




Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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