Les Boutours, un cas d’école de construction bois paille à Rosny-sous-Bois

Les Boutours, un cas d’école de construction bois paille à Rosny-sous-Bois

L’ingénieur bois Olivier Gaujard a accompagné la première phase de construction de l’école des Boutours, à Rosny-sous-Bois près de Paris. La seconde phase montre que la bouture a pris. 




 

Olivier Gaujard, Constructions régénératrices (AMO) : « Méfions-nous des raccourcis ravageurs ». ©JT

 

Qu’est-ce qui fait la particularité de l’école des Boutours ?

 

Olivier Gaujard :Il s’agit d’une opération en deux temps, une première école a été réalisée sur une parcelle très étroite qui servait autrefois comme mur à pêches, l'autre a consisté à transformer la halle de marché voisine en établissement scolaire. La première phase s'est achevée il y a maintenant 3 ans et une nouvelle halle de marché a été construite à proximité de la gare RER.

 

L’objectif de la municipalité était déjà de faire un effort particulier en termes de performance énergétique et de recours à des produits biosourcés, une sorte de E+C- avant l’heure. J’étais là dès la programmation et j’ai suivi cette première opération de bout en bout. Elle a permis de recourir une nouvelle fois à des solutions d’isolation en bois paille, mais aussi, entre autres, à relever le défi de l’exiguïté en installant un immense jardin potager sur le toit du bâtiment.

 

La ville de Rosny-sous-Bois est en pleine croissance démographique, au point qu’elle doit livrer une école tous les deux ans. Leur volonté a été de prendre en charge la maîtrise d’œuvre en interne, ce sont deux architectes de la Ville qui ont conçus le projet. Pour la deuxième école, l'approche initiale a été poussée encore plus loin.

 

De fait, la municipalité a de nouveau assuré la maîtrise d’œuvre, embauchant cette fois-ci deux ingénieurs pour les études de structure et les fluides. Elle ne s’est pas contentée d’un niveau passif en paille. Elle a souhaité mettre en œuvre des procédés innovants de ventilation naturelle, des cloisons en briques de terre crue et, pour la première fois en ERP, des parois en paille porteuse.

 

Les tours de ventilation naturelle ont été égayées avec talent, et le dispositif d’apport d’air par la façade subtilement masqué.

 

Que pensez-vous de la perspective d’une réglementation énergétique et environnementale qui s’éloignerait ?

 

O.G : Je ne suis pas dans le secret des Dieux. Tout ce que je sais, c’est que les objectifs ambitieux fixés par le Plan Climat européen et relayés par le lancement du label expérimental E+C- sont tenables. Qu’il s’agisse de construire des bâtiments à énergie positive, le fameux Bepos, ou des bâtiments qui réduisent sensiblement l’impact carbone. Il faut se méfier des raccourcis ravageurs.

 

Certes, il existe des catégories de bâtiments tertiaires où il sera difficile d’atteindre, du moins pour l’instant, une performance positive. Mais de là à remettre en cause l’objectif pour le tertiaire en général, ce n’est pas sérieux. Les exemples d’écoles ou de bureaux à énergie positive se multiplient. Il en va de même de l’habitat.

 

Estimer que l’habitat urbain parviendra difficilement au niveau BEPOS parce qu’il est souvent mal orienté en termes bioclimatiques, c’est un autre raccourci ravageur. Il est vrai que plus les bâtiments s’élèvent en étages, et moins la surface de toiture disponible pour le captage de l'énergie solaire ne permet de compenser les besoins en énergie pour le bâtiment lui-même et pour les usages.

 

Mais il faut bien comprendre qu’un bâtiment à énergie positive doit être d’abord un bâtiment passif, donc peu gourmand en énergie. De plus, pour ce qui concerne la production d’énergie par les bâtiments, les capteurs photovoltaïques ne sont pas la seule solution. Il y a aussi la géothermie, les réseaux de chaleurs. Sans parler d’autres sources d’énergie encore insuffisamment développées comme l’éolien domestique.

 

L’extension de l’école intègre une charpente bois plus ancienne, et le préau intérieur est équipé d’un poêle à bois pour créer un point de chaleur et de bien-être.

 

Le gouvernement parle de sa volonté de ne pas aller plus loin que ce que font les voisins européens. L’approche carbone est-elle menacée ?

 

O.G : Là encore, je ne peux que souligner à quel point les choses avancent en la matière. Depuis l’été, les FDES (Fiches de données environnementales et sanitaires) doivent être vérifiées par une tierce partie indépendante, ce qui devrait les rendre plus fiables. La filière bio-sourcée, dont le bois fait partie, multiplie les initiatives pour valoriser ses performances en matière de bilan carbone.

 

Une synthèse de l’ACV (Analyse du Cycle de Vie) de la filière forêt-bois de Corse est attendue pour la fin de l’année, et une démarche vient d’être lancée pour le bois des Alpes. Ces initiatives sont importantes pour mieux comprendre les enjeux.

 

Dans le cas de la Corse, il apparaît que le facteur transport si souvent décrié n’intervient qu’en 4e position en termes d'énergie grise et de pénalisation du bilan carbone. La première chose que doit faire un transformateur, c’est de s’assurer que ses machines consomment de l’électricité d'origine renouvelable et qu'elles ont un bon rendement énergétique.

 

A l’avenir, il faudra aussi tenir compte de l’impact carbone des colles utilisées notamment dans le monde de la construction bois. Ainsi, pour les produits lamellés-collés, elles ne représentent que 2% des produits en volume, mais 10 à15 % de l’impact carbone et 15 à 30 % de l’impact en énergie grise. Cependant, des recherches sont déjà en cours pour identifier des molécules issues de la biomasse verte.

 

Dans les 20 ans qui viennent, les papeteries vont se transformer en usine chimiques vertes. Le recours à la paille porteuse n’est pas anecdotique : il s’agit de préserver les ressources renouvelables lentes comme le bois, au profit de ressources renouvelables rapides. Bref, des pas de géant ont été accomplis depuis le Grenelle de l’environnement, il y a dix ans. L’école des Boutours donne foi en l’avenir.

 

La brique de terre crue offre un complément apprécié de la construction bois en termes d’inertie.

 

Du jamais vu ! Les citoyennes de la ville de Rosny tricotent une trentaine de gilets en laine à l’attention des élèves de maternelle, sachant que la meilleure isolation est près du corps.

 

Le concept écologique du groupe scolaire des Boutours

 

 

Dans un premier temps, une école maternelle a été bâtie sur une parcelle étroite et allongée d’anciens murs à pêches. Au sein de la programmation, Olivier Gaujard a mis à profit l’expérience de l’école Montessori d’Avignon, pour installer notamment un jardin potager sur le toit, rendu compatible avec des murs en bois-paille.

 

Compte tenu de la croissance démographique du quartier, la parcelle attenante a pu être dégagée. Elle abritait notamment un marché couvert à charpente en bois du début de ce siècle, qui a été conservée et incorporée dans le projet, tandis qu’un nouveau marché à structure et façade bois a été érigé tout près, en bordure de la voie du RER.

 

La nouvelle école, en principe une école élémentaire, a été raccordée à la maternelle. De plain-pied, c’est maintenant elle qui abrite la maternelle qui est devenue une école élémentaire. Le nouveau bâtiment pousse le concept écologique de l’ancienne encore plus loin. Non seulement des murs en bois-paille, mais quelques murs en paille porteuses, et des cloisons en brique de terre crue.

 

Une approche pionnière en ventilation naturelle

 

Surtout, l’école s’inspire très largement de l’approche pionnière de l’architecte Pascal Gontier en matière de ventilation naturelle avec récupération de chaleur. Le projet vise un niveau passif qu’il n’atteint pas pour l’instant en termes d’étanchéité à l’air, et pour ce qui est de la performance thermique, la mairie attend les mesures in situ.

 

Mais, comme le précise l’équipe des architectes de la ville de Rosny-sous-Bois, au moins, il s’agit d’une ventilation vraiment naturelle, contrôlée, mais sans extraction mécanique. C’est d’autant plus possible que chaque classe est ventilée séparément, sans risques d’interphonie.

 

Dans d’autres configurations, la prévention de l’interphonie entraîne l’installation de pièges à sons qui freinent le débit naturel et induisent parfois l’installation d’extracteurs. Le niveau Bepos était envisagé à l’origine mais dans l’urgence d’un bâtiment monté en 8 mois, la mairie a finalement renoncé à installer des panneaux photovoltaïques sur le toit.




Source : batirama.com / Jonas Tophoven / Photo d'ouverture : La paille devient porteuse par une certaine compression et aussi en système avec les parements enduits : un système masse-ressort-masse dont les propriétés acoustiques restent à évaluer.

1 Commentaire
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  • par jules
  • 19/12/2017 17:48:21

Bonjour, Bravo pour ce chantier exemplaire, d'une performance et simplicité remarquable. Enfin un ingénieur qui s'empare des lowtechs, seules réponses viables à la problématique du bâtiment à la différence des hightechs et autres smart bidule connecté pas très smart (intelligent) en réalité. Bien à vous.

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