Les fâcheuses conséquences de la dérogation de la RT 2012

Les fâcheuses conséquences de la dérogation de la RT 2012

Le prolongement de la dérogation concernant les logements collectifs est-il bien raisonnable ? Retour sur la réalité du coefficient Cepmax en collectif neuf.




La dérogation provisoire de la RT 2012, fixant la consommation d’énergie à 57,5 kW par m2 et par an (au lieu de 50 kW, voir ci-dessous) est prolongée pendant 3 ans pour les logements collectifs. Une annonce fait par le premier ministre lors du 3e sommet de la construction organisée par la Fédération française du Bâtiment.

 

Rappelons que la RT2012 introduit trois coefficients exprimant la performance d'un bâtiment : Bbio max, Cep max et Tic ref. Un bâtiment est considéré comme réglementaire si ses coefficients calculés sont inférieurs ou égaux aux trois coefficients ci-dessus.

 

L'arrêté du 26 octobre 2010 "relatif aux caractéristiques thermiques et aux exigences de performance énergétique des bâtiments nouveaux et des parties nouvelles de bâtiments" avait prévu une période de transition pour les logements collectifs neufs.

 

Son article 11 prévoit en effet un Cep max = 50 x M ctype x (Mcgéo + Mcalt + Mcsurf + M cGES) pour bâtiments de logements collectifs dont le permis de construire serait déposé après le 31 décembre 2014. Son article 12 introduit une formule différente : Cep max = 57,5 x M ctype x (Mcgéo + Mcalt + M csurf + M cGES), valable pour les bâtiments collectifs dont le permis de construire avait été déposé avant 31 décembre 2014.

 

 

Pas de transition avec l’application du Bepos

 

Le coefficient Cep max est donc majoré pour tous les logements collectifs jusque fin 2014. Cédant au lobbying efficace des promoteurs privés, Manuel Valls a annoncé en clôture du 3e Sommet de la Construction, organisé par la Fédération française du bâtiment (FFB), que cette dérogation à 57,5 serait maintenue pendant trois ans encore, jusqu’au 1er janvier 2018.

 

Pourtant, selon la directive européenne sur l'éfficacité énergétique des bâtiments, dès 2018 les bâtiments publics neufs devront être Bepos et, dès 2020, tous les bâtiments neufs devront l'être aussi.

 

Il aurait été utile, avant l’effort Bepos, de ménager une petite transition. Les promoteurs privés et la FFB qui protestent aujourd'hui contre le surcoût de la RT2012 devront absorber d'un seul coup, la grande marche technique et financière que représentera pour eux le passage d'une RT2012 finalement peu exigeante à des bâtiments neufs Bepos. Nul doute qu'ils protesteront encore davantage.

 

Mauvais coup pour les ENR

 

Depuis l'avènement de la RT2012, les marchés du solaire thermique et photovoltaïque en collectif neuf s'effondrent, d'une part, en raison de cette dérogation à 57,5 au lieu de 50, d'autre part, à cause du fait que dans la RT2012, les ENR ne sont pas obligatoires en collectif neuf.

 

En 2018, puis en 2020, il faudra mettre du solaire thermique et ou photovoltaïque sur tous les bâtiments neufs pour atteindre le Bepos. Faute de marché pendant 6 ans, une bonne partie des entreprises auront perdu le savoir-faire nécessaire.

 

On pourra donc s'attendre à une augmentation des coûts et à des contre-références. Ce qui permettra de développer tout un discours sur le fait que le solaire ne fonctionne pas et qu'il est trop cher. Et qu'il faut par conséquent renoncer à cette absurde idée de Bepos généralisé. Quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la gale.

 

Le Gouvernement aurait pu éviter tout cela en publiant dès 2012 des labels incitatifs et non-obligatoires, incitant à construire dès maintenant des bâtiments neufs Bepos en échange d'un dépassement des gabarits de construction. C'est-à-dire en échange du droit de construire plus de m².

 

Pourquoi ne pas encourager une démarche volontaire ?

 

Cette méthode avait assuré le grand succès du label BBC 2005 et préparé efficacement Maîtres d'ouvrages, Maîtres d'oeuvre et entreprises à la RT2012. Il ne l'a pas fait, paralysé par l'idée sans cesse rabâchée qu'en France, les normes sont trop contraignantes et tuent l’emploi.

 

Le gouvernement fait semblant de ne pas comprendre qu'un Label n'est pas une norme obligatoire, mais une démarche volontaire : aucun promoteur n'est contraint de s'y engager. Les promoteurs, pour leur part, semblent ne pas avoir fait leurs calculs financiers correctement.

 

Comment peuvent-ils hésiter entre un bâtiment RT2012 classique de surface X et un bâtiment Bepos de surface X + 20% ? Dans toutes ces zones que l'on dit tendues du point de vue du logement, ils refusent l'idée, et seulement s'ils le veulent, de construire, donc vendre ou louer 20% de surface en plus en échange du Bepos ? Bepos qui sera de toute manière obligatoire, sans aucune incitation, dès 2020 pour tous les bâtiments neufs…

 

 


Source : batirama.com / Pascal Poggi

 

La réalité du coefficient Cep maxen collectif neuf

 

On dit toujours que sous la RT2012, le Cepmax des logements neufs ne doit pas dépasser 50 kWhEP/m².an. Ce n’est absolument pas vrai. Dans la réalité des calculs RT2012, la valeur du Cep max pour les logements collectifs neufs varie de 30 kWh EP/(m².an) – ce qui est très sévère – à plus de 140 kWh EP/(m².an).

 

Dans la formule de calcul du Cepmax en logements collectifs neufs, apparaissent plusieurs coefficients de modulation. M cgéo corrige en fonction de la zone climatique, Mcalt en fonction de l’altitude, M cGES introduit une correction en fonction de l’émission de gaz à effet de serre en cas de raccordement à des réseaux de chauffage urbain ou de froid urbain. Mcsurf apporte une correction en faveur des petits logements, considérés à juste titre, comme plus difficiles à traiter. Tandis que M Ctype vaut 1 pour les logements de catégorie CE1 et 1,2 pour les logements de catégorie CE2.

 

Bref, si l’on prend en compte tous ces coefficients correcteurs et que l’on applique les formulesdecalculdel'AnnexeVIIIdel'arrêtédu26Octobre2010, il s’avère que le Cepmax est d'autant plus exigeant que la surface moyenne des logements est importante. Ensuite, sa valeur varie beaucoup en fonction des zones CE1 ou CE2. 

 

Photo : Les Vergers de Grimoire

La poursuite de la dérogation à 57,5 condamne le marché du solaire thermique et photovoltaïque en construction neuve. Florissant grâce au label BBC RT2005, il a disparu depuis l’entrée en vigueur de la RT2012.



 

6 Commentaires
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  • par Willy FURTER
  • 26/11/2014 11:12:57

Bonjour Commençons par lutter contre la frilosité. Si votre but est de lutter contre les gaspillages énergétiques et les émissions de CO2, alors il est de votre devoir de m'accompagner dans ma démarche consistant à utiliser la pluie et le soleil comme moyen de climatiser gratuitement les habitats. J'ai breveté une solution concernant les maisons neuves et développe actuellement une adaptation aux habitations existantes, quelque soit leur mode constructif. Avec en prime la suppression du transfert de l'humidité au travers des murs, ce concept lutte contre les déperditions caloriques, puis apporte l'appoint nécessaire en calories ou en frigories, afin de permettre de vivre sainement, à l'abri de l'humidité, de la chaleur et du froid. 1€ d'apport électrique, dans un premier temps, en attendant la gratuité par les calories solaires, obtenue en modifiant les façades et toitures, suffit pour assurer, en plein hiver, le chauffage d'un T4 de 90 m2. Que d'économies de gaz, de fuel, de bois ou de charbon, pour le bien de notre porte-monnaie ainsi que pour la planète. Rien n'est inventé, les techniques et les matériaux existent, employés couramment dans l'industrie, que j'applique au Bâtiment. Ecoutez le pape, il a dit BOUGEZ VOUS. Plus d'infos sur: willyfurter@sfr.fr Cordiales salutations Willy FURTER 21 rue Saint Vincent de PAUL 81600 GAILLAC

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  • par Laurent Vincent
  • 25/11/2014 09:52:36

Excellent article de Pascal Proggi sur l'effet destructeur de l'abandon des mesures d'incitation pour conduire au BEPOS en 2020, indispensable pour ne pas interrompre la pratique de mise en oeuvre de productions d'ENR dans le bâtiment. 2 observations néanmoins: - l'incitation de construire 20% de surfaces supplémentaires sont à repenser en regard de la suppression du COS dans les autorisations de construire, les critères de gabarit et d'emprise au sol restant les limitations qui peuvent empêcher une augmentation possible des surfaces - la question du facteur échelle qui impacte mathématiquement le rapport volume/surface n'est pas correctement pris en compte dans les normes RT 2012 et de perméabilité à l’air; cela me parait être une anomalie de la norme qui n'a pas été réellement identifiée.

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  • par Eric
  • 25/11/2014 09:01:07

Bonjour, Travaillant dans une entreprise sociale et solidaire dédiée à l'accession abordable, juste quelques vérités : les coûts de construction ont considérablement augmenté ces 5 dernières années, rendant impossible l'accession à la propriété d'une frange importante de jeunes ménages, Certains y parviennent quand même en s'éloignant considérablement des centres d'emploi, (plus de 30km), on les voit revenir en surendettement à cause des frais de transport. La norme RT 2012 peut difficilement être qualifiée de passoire énergétique, la consommation d'un logement des années 70 est régulièrement supérieure à 250kWH/m²/an, à comparer au 57kW de la norme. Plus on se rapproche du Bepos, plus chaque kW gagné coûte cher. La même somme, investie dans la réhabilitation du parc existant, permettrait une réduction beaucoup plus importante des GES. Collectivement, il serait donc beaucoup plus vertueux et efficace en terme environnemental de mettre un effort nettement plus important sur le parc existant.

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  • par jcljoseph
  • 25/11/2014 02:01:58

Effectivement, tout est dit. La pierre d'achoppement, c'est: - la difficulté d'un investissement rentable en ENR solaire, - la dépréciation de l'énergie nucléaire par la conversion fausse en équivalent pétrole, qui prive encore plus de moyens pour mettre enfin au point l'électricité issue de la fusion nucléaire, ou développer du photo-thermo-voltaique sans silicium (sans parler des centrales à sels fondus...).

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  • par Jacques Marouen
  • 25/11/2014 00:17:46

Si je résume, d'un coté on met en place un dispositif qui coute cher aux entreprises , et plus cher aux petites qu'aux grosses pour aller vers une sois disant efficacité énergétique!!! Et de l'autre on autorise à construire jusqu'en 2018 des futures passoires énergétiques. aucune logique donc autre que celle de faire le jeu des grandes entreprises. cela tombe bien c'est un des objectifs de la feuille de route éditée par l'Ademe en 2009 (évincer les petites entreprises du marché de la performance énergétique) Ce faisant, on fragilise un tissu artisanal local qui contribue aux finances des collectivités territoriales. Quand ces entreprises artisanales auront mis la clé sous la porte faute de marché, et que les dotations de l'état auront réduit comme peau de chagrin, que restera t'il aux collectivités territoriales pour faire "bouillir la marmite"? Le mur arrive, vite, très vite, très très vite!!!!

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  • par J. ALLIER
  • 24/11/2014 19:23:39

Ajoutons, qu'en même temps on a abandonné les labels qui auraient pu constituer la marche nécessaire aux bâtiments RT 2012. Cette décision est incompréhensible lorsque l'on sait qu'il est bien plus facile de passer de la RT 2005 à la RT 2012 dans les collectifs plutôt que dans les maisons individuelles. Enfin j'attends que l'on nous explique que c'est une mesure de justice mettant fin à une inégalité profonde…

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