Notre-Dame enlève le bas

La charpente de Notre-Dame de Paris. © Atelier Perrault

Les statues de la flèche commencent à montrer leurs têtes, même si les échafaudages masquent encore la silhouette de la cathédrale. De même, les détails de la reconstruction émergent tout en laissant quelques ombres.




Le fût de la flèche vient d’être libéré, le beffroi Sud dispose d’un nouvel escalier en chêne et le beffroi Nord devrait être ouvert au public à la rentrée, avec possibilité de jeter un œil sur la charpente de la cathédrale. Huit mois après la réouverture de l’édifice, l’ampleur des échafaudages montrent qu’il reste à faire, mais le travail va bon train.

 

Les plans de la flèche de Notre-Dame sont une œuvre en eux-mêmes. © Forum International Bois Construction/ECSB

 

 

 

Une diffusion universelle

Dédié à : « La reconstruction du savoir : la charpente de la cathédrale Notre-Dame de Paris », l’atelier final A8 du dernier Forum International Bois Construction, au Grand Palais en février 2025, a duré presque 3 heures (record absolu) et permis de passer en revue quasiment toutes les étapes de la reconstruction de la charpente. Cet automne, toutes des conférences de l’atelier seront disponibles sur la playlist de la chaîne YouTube du Forum International, ce qui permettra de les lire partout dans le monde avec les sous-titres adaptés. Une transmission du savoir, mais aussi une rencontre avec les sympathiques acteurs de la reconstruction.

 

La flèche de la cathédrale Notre-Dame de Paris au 21 août, une bonne partie des échafaudages qui masquaient le fût a été démonté la veille. © Jonas Tophoven

 

 

 

Là où la technique devient pure beauté

Le modérateur Gaëtan Genès, patron du BE bois ECSB et président de l’association des BE bois IBC, a été très sobre, conscient du programme gigantesque. En fin de parcours, ses deux collaborateurs Soline Pierrot-Bonneval et Thibaut Benistand ont secondé Valéry Calvi (BE Calvi) dans la vulgarisation des études d’exécution. En particulier, les planches présentées par Soline Pierrot-Bonneval sont à couper le souffle, comme d’immenses fresques de la technicité de la reconstruction de la flèche.

 

 

 

Écouter Rémi Fromont

Après l’introduction de Philippe Jost, président de l’Établissement public Rebâtir Notre-Dame, c’est bien la présence de Rémi Fromont, l’architecte en chef des monuments historiques, qui a marqué cet atelier-fleuve. Au Forum, on l’attendait depuis 2021. Sous l’architecte Villeneuve acquis à la reconstruction à l’identique, l’axe Fromont-Auger, associant un architecte en chef qui avait pu analyser en détail la charpente de la cathédrale avant l’incendie, et l’un des meilleurs compagnons charpentiers de France agissant au niveau de la maîtrise d’œuvre, a été primordial.

 

Rémi Fromont, architecte en chef des monuments historiques, la chance de ce chantier tant cet architecte connaît et apprécie le bois. © Forum International Bois Construction

 

 

 

Parler le même langage

Une étroite collaboration professionnelle s’est nouée ensuite entre François Auger et les entreprises de charpente, notamment le Gâcheur de Le Bras Frère Patrick Jouenne. Ce qui ne signifiait pas une connivence. En amont, la maîtrise d’œuvre a imposé que les groupements en lice montrent patte blanche en réalisant une maquette d’une partie du tabouret. Et Valéry Calvi, dont le BE (avec ECSB) seconde le groupement d’entreprise en charge de la reconstruction de la flèche, cite la situation suivante : "Nous avions un problème avec un assemblage pour lequel les épures existantes (du 19e siècle) n’étaient pas suffisantes au regard de la résistance. Et donc on a dû proposer des améliorations sur cette interprétation des épures et nous avons fini par travailler ensemble et trouver au bout de la 17e fois une solution qui satisfasse tout le monde".

 

 

 

Le trait comme trait d’union

Il faut comprendre que la Médiathèque de l’architecture et du Patrimoine, avec Jean-Charles Forgeret, avait conservé les épures de l’entreprises Bellu pour la flèche et que François Auger les a identifiées comme telles. Ces épures ont été adaptées en épures actuelles, puis transformées en digital, puis moulinées pour contrôler les résistances mécaniques, avec optimisation parfois des assemblages, et prise en compte dans les calculs des stades d’évolution de la charpente, verte à la pose, puis séchant progressivement. Un processus "itératif", fait d’aller et retour et de re-calcul, entre les différentes instances impliquées, qui ne devait pourtant pas remettre en cause la tenue des délais du chantier.

 

François Auger et Patrick Jouenne, deux parmi les meilleurs ouvriers de la charpente en France. © Forum International Bois Construction

 

 

 

Le bois vert, plus une nécessité qu’une opportunité

En ensuite, tout était simple, il suffisait d’usiner en atelier les pièces en fonction des plans qui avaient satisfait les architectes en termes de fidélité à l’identique, des BE en terme de résistance mécanique et des charpentiers en termes de faisabilité en atelier et sur site ?  Ben non, car le bois vert, comme cela a été précisé durant l’atelier, évoluait au cours de sa transformation. Ce qui veut dire qu’il fallait ajuster la taille en fonction de l’état de siccité final, sachant que les charpentiers ont bluffé les BE par une pose hyper-ajustée (les assemblages "bichent"). Valéry Calvi explique que les poutres de 1,14 m de haut vont rétrécir de 5 à 6 cm, et précise aussi que la résistance mécanique du bois vert est inférieure à celle du chêne sec d’un tiers.

 

 

17 versions pour un assemblage complexe pas suffisamment spécifié dans les épures d'époque. © ECSB

 

 

 

La reconstitution du savoir commence tout juste

C’était un supplice que de suivre cet atelier qui, alors qu’il arrivait à l’essentiel, ne cessait d’accélérer et de passer sur le principal dont on ne sait s’il sera abordé un jour à nouveau. Au moins, tout le monde comprend qu’il serait bon d’inviter notamment les BE Bois à des cycles de conférences plus fouillés. L’exploitation de l’atelier A8 sur Youtube n’est finalement qu’un amuse-gueule.

 

 

 

Interrogations

Pour autant, il reste deux questions sans réponse. Que sont devenus tous les cintres en douglas, a-t-on pu les réutiliser ? Et puis, qu’est-ce que ce travail nous apprend sur les perspectives de construction en feuillus ? Une question qui doit tout de même tarauder des BE bois comme Calvi, présent sur les projets contemporains les plus difficiles, ou ECSB qui tient son rôle de spécialiste des calculs pour les monuments historiques tout en accompagnant partout en France la construction biosourcée moderne.

Les conférences de l'atelier A8 sont sur Viméo et toutes sont progressivement publiée sur la playlist des conférences 2025 de la chaîne YouTube du Forum International Bois Construction.



Source : batirama.com / Jonas Tophoven / © Atelier Perrault 

L'auteur de cet article

photo auteur Jonas TOPHOVEN
Jonas Tophoven est journaliste de la presse professionnelle de la construction et du bois en France et en Allemagne depuis 30 ans. Le thème qui lui tient particulièrement à cœur est la réduction drastique des émissions de GES dans la construction, première émettrice humaine du monde devant l'agriculture, avec un impact renforcé en France. Il a d'abord travaillé pendant 12 ans sur la construction sèche, puis depuis 15 ans sur la construction bois préfabriquée et il collabore depuis 10 ans à la programmation des quelque 150 conférences annuelles du Forum Bois Construction, congrès des acteurs de la construction biosourcée.
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