Dégâts miniers en Moselle : l'État condamné à verser 3 millions d'euros aux sinistrés

La cour d'appel de Metz a condamné l'État à verser 3,2 millions d'euros à une trentaine d'habitants de Rosbruck (Moselle). © Uretek

La cour d'appel de Metz a condamné l'État à verser 3,2 M€ à une trentaine d'habitants de Rosbruck (Moselle), dont les maisons ont subi d'importants dégâts, suite à l'arrêt de l'activité minière dans la région.




Ce mardi 14 mai, la cour d'appel de Metz a condamné l'État à verser 3,2 millions d'euros à une trentaine d'habitants de Rosbruck (Moselle), dont les habitations ont subi d'importants dégâts, conséquence de la fin de l'activité minière dans la région.

 

 

 

Le bassin houiller lorrain, bref historique

En Lorraine, la présence de charbon était connue depuis de le XVIe siècle. Toutefois, son exploitation n'a démarré qu'au début du XIXe siècle.

Le bassin houiller lorrain se situe au nord du département de la Moselle, s'étendant sur une superficie de 49 000 hectares et grossièrement délimité par le triangle Villing - Faulquemont - Stiring-Wendel. Entre 1818 et 1987, 58 puits y seront construits, sur environ 70 communes.

 

Le chevalement de Sainte-Fontaine, sur la commune de Saint-Avold, témoigne du passé minier de la région. Construit en 1954 par les HBL (Houillères du Bassin de Lorraine), le puits ferma une première fois en 1972, pour reprendre du service en 1979, avant de fermer définitivement en 1986. Unique en Lorraine, ce chevalement-portique est inscrit à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques. © Saint-Avold

 

 

 

En avril 2004, les dernières tonnes de charbon sont extraites du sous-sol français, ce qui met un terme à huit siècles d'histoire minière. Dans la foulée, le puits de la Houve, à Creutzwald, en Moselle, ferme.

Cependant, et même si leur exploitation est désormais arrêté, les bassins miniers continuent à faire parler d'eux, posant pléthore de problèmes, principalement celui de l'eau, qui s'engouffre dans les galeries et cause des affaissements de terrain, dont certains peuvent être spectaculaires.

 

Incroyable effondrement minier survenu sur la mine d'Elura, située à 600 km à l'ouest-nord-ouest de Sydney, en Australie, découverte dans les années 1970. Les mineurs y extrayaient de l'or, de l'argent, de l'ilménite, du leucoxène, du zircon, du cuivre, du zinc et du plomb. © Wikipédia

 

 

 

Affaissement et effondrement miniers

Les affaissements et effondrements miniers sont des phénomènes mécaniques résultant des comblements spontanés ou provoqués des vides souterrains laissés par l'exploitation minière. Ils provoquent deux types de désordres en surface :

– des affaissements, sans ouverture de cavité en surface, qui sont d'ordre progressif (pouvant, par exemple, durer des décennies), se produisant plutôt lorsque les terrains sont plastiques et que la profondeur d'exploitation est importante par rapport à l'épaisseur de la taille, résultant principalement de la méthode d'exploitation dite du "foudroyage" ;

– Des effondrements qui, à l'inverse, peuvent être fulgurants, et se traduisant par une cuvette d’affaissement, voire un trou béant en surface, qualifié de "fontis".

 

Dans le cas particulier du bassin houiller lorrain (environ 800 millions de tonnes extraites de 1856 à 2004 !), l'exploitation minière a laissé, du fait de la méthode utilisée "par chambres et piliers" de vastes volumes de galeries et cavités abandonnées, estimées à environ 200 millions de m3 ...

Ces 200 millions de m3 se trouvent à des profondeurs variant entre quelques mètres à près de deux cents mètres de profondeur. La nappe remontante les ennoie progressivement depuis l'arrêt des pompages d'exhaures, en 2006. La méthode d'exploitation était basée sur le principe que, en laissant des piliers de dimensions conséquentes, ces derniers seraient pérennes et ne s'effondreraient pas, ce qui fut une erreur des experts de l'époque, qui sous-estimèrent la perte de résistance de ces piliers dans le temps.

De fait, sur le triangle d'exploitation minière, des dégâts sur la voirie et les constructions firent leur apparition. Dans l'affaire des maisons endommagées, comme l'explique Christophe Mackowiak, le premier président de la cour d'appel de Metz, les "propriétaires concernés faisaient état de deux séries de désordres" : des préjudices matériels (coût des réparations) et des "préjudices immatériels (gêne subie à vivre dans un immeuble en pente, perte de valeur lors de la revente...)".

 

En janvier 2021, une crevasse s’est formée rue Émile-Zola, à Freyming-Merlebach, un phénomène lié pour beaucoup à l’exploitation minière, qui continue de faire des dégâts, de Forbach à Freyming-Merlebach, en passant évidemment par Rosbruck et Cocheren. © Michel Levillain / Républicain Lorrain

 

 

 

À Rosbruck, les dégâts sont la conséquence de l'exploitation minière

Dans un communiqué, la juridiction messine a indiqué avoir rendu 29 arrêts dans autant d'affaires de maisons endommagés dont les propriétaires attribuaient les dégâts subis, comme des fissures récurrentes ou l'affaissement de leur immeuble, à l'exploitation minière. Et la cour adhère à cette thèse : "La plupart des dégâts observés sont la conséquence de l'exploitation minière".

L'Agent judiciaire de l'État, qui a succédé à l'établissement Charbonnages de France après sa liquidation, a donc été enjoint de verser plus de 3,2 millions d'euros dans le cadre de 28 dossiers sur 29. Le dernier plaignant a vu sa demande rejetée, la maison ayant été vendue et "la preuve de la baisse du prix de vente n'était pas rapportée", tel que le précise Christophe Mackowiak.

Dans la plupart des dossiers, la cour a fixé des indemnités correspondant à la valeur vénale de l'immeuble ou bien des indemnités "permettant d'effectuer des travaux de relevage". Pour d'autres, elle a fixé des indemnités permettant "d'effectuer des travaux de réparation plus légers que des travaux de relevage mais estimés suffisants par l'expert judiciaire", comme le rapporte Christophe Mackowiak. Dans le montant de ces indemnités, "les magistrats ont tenu compte de quelques transactions déjà conclues dans les années 1990 entre certains propriétaires et les Houillères du Bassin de Lorraine".Quant au "préjudice de jouissance", les indemnisations ont été accordées selon "l'importance de la pente qui affecte l'immeuble", indique la cour.

Une quinzaine d'affaires doivent encore être jugées, lorsque les rapports d'expertises judiciaires seront déposés et que "les avocats des parties auront pu en débattre contradictoirement", a précisé la juridiction.

 

Pour les plaignants, Rosbruck, cette ville de l'est de la Moselle, tout près de la frontière allemande, "a été sacrifiée par l'arrêt du remblayage traditionnel des galeries minières à partir de 1985", indiquait à l'AFP en janvier Joëlle et Gaston Pirih, deux époux (ici, devant leur maison penchée, à Rosbruck) dont la maison penchent. Ils en ont quasiment fait le combat d'une vie. © François Pelleray / Radio France

 



Source : batirama.com / AFP / Laure Pophillat

L'auteur de cet article

photo auteur Laure Pophillat
Laure Pophillat est rédactrice web polyvalente depuis plusieurs années. Curieuse, éclectique et investigatrice, tous les thèmes pertinents (et donc passionnants) l’intéressent ! Pour Bâtirama, elle rédige avec bonheur sur un large spectre de sujets couvrant l’entièreté de la filière BTP (actualités, conjoncture, réformes, innovations, etc.). Elle apprécie notamment réaliser des portraits de femmes et d’hommes engagés, inspirés et inspirants, dans un environnement, celui du BTP, toujours en mouvement.
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