Conférence de presse Pôle Habitat FFB : 2023, l’annus horribilis du logement neuf !

la situation cataclysmique du logement neuf pour l'année 2023. ©Freepik

Lors de la conférence de presse du 22 février 2024, Grégory Monod, le président du Pôle Habitat FFB, fait un constat sans appel de la situation : "l'année 2023 a été cataclysmique !"




Même s'il ironise sur la situation ("comme le logement, mon dos est bloqué" !) afin d'expliquer que cette conférence de presse du 22 février 2024 se tienne en distanciel, Grégory Monod, le président du Pôle Habitat FFB, n'en fait pas moins un constat sans appel de la situation : "l'année 2023 a été cataclysmique !". Et pourtant, il ne cesse de rappeller que depuis "2017, on rabâche aux acteurs de la filière de changer de logiciel. Mais ce n'est pas notre logiciel qui doit changer ! Le logiciel qui doit changer, c'est celui qui guide la politiuque du toujours plus avec toujours moins et qui assèche la demande. Tous les indicateurs sont au rouge vif. [...] La situation exige un sursaut immédiat avant qu'il ne soit trop tard et que le désarroi se fasse colère." Le ton est donné.

 

 


2023, annus horribilis du logement neuf

L'état des lieux

Depuis maintenant deux ans, le secteur du logement neuf se trouve dans l'œil du cyclone et personne ne vient à son secours, pas même le gouvernement, dont le peu de décisions tombent comme autant de coups d'épée dans l'eau. Et rien, ni nul, n'est épargné : tous les territoires et tous les types de logements sont en crise. Hausse du coût du foncier, dus à la mise en œuvre du ZAN (visant à limiter toute extension de l'artificialisation d'ici 2050), envolée des coûts de construction observée depuis début 2021 (les prix de production des matériaux sont à 30 % à 40 % au-dessus de leur niveau de 2019), surcoûts engendrés par l’entrée en vigueur de la RE2020 : tous les marqueurs sont au rouge. Ainsi, le prix moyen du terrain à bâtir décolle (+ 9,5 % entre 2019 et 2022), tandis que le prix moyen d'une construction de maison s'envole : + 23,7 % entre 2020 et 2023. Depuis l'entrée en vigueur du RE2020, ce sont + 7,4% en moyenne sur le coût de construction (d’après une enquête réalisée par Pôle Habitat FFB sur un panel de constructeurs de maisons représentatifs du marché).

 

La hausse sans fin des taux d’intérêts

La désolvabilisation des acquéreurs est accentuée par une hausse discontinue des taux d’intérêts depuis janvier 2022 : 4,20 % en moyenne fin 2023, contre 1,05 % fin 2021. Par conséquent, la perte de pouvoir d’achat immobilier des acquéreurs entre le début 2022 et la fin 2023 s’établit en moyenne à près de 57 500 euros ! En sus, les emprunteurs doivent compter sur l’augmentation du nombre de dossiers refusés par les établissements de crédit, et ce pour diverses raisons (contraintes réglementaires du HCSF, limites fixées par les taux d’usure, prudence accrue des organismes prêteurs). Sur 2023, la production de crédits immobiliers aux particuliers a donc chuté de 40,3 % dans le logement neuf, et même de 41,5 % en glissement annuel sur 12 mois à fin janvier 2024.


La dégringolade

Malgré les alertes répétées du Pôle Habitat FFB et de la FFB, aucune disposition de relance de la demande n’a été prise par le gouvernement. Au contraire, les derniers dispositifs de soutien ont été laissés à l'abandon, sans aucune alternative. Au total, on compte 76 230 logements de moins en un an, une décrue jamais observée. La vente de logements neufs aux particuliers se retrouve donc à 123 000 logements en 2023, soit moins de la moitié des logements neufs commercialisés en 2021... C'est également presque moitié moins que la moyenne de long terme (222 425 unités en moyenne sur la période 2007-2023) !


Les conséquences sur l'emploi

Les conséquences sur les entreprises et l’emploi sont bien évidemment dramatiques, comme le confirme une enquête menée par Pôle Habitat FFB (fin décembre 2023) auprès d’un échantillon représentatif de constructeurs de maisons, promoteurs immobiliers et aménageurs fonciers : - 16 % sur 2023, sur l'emploi, et une prévision à - 14 % de plus pour la fin du premier semestre 2024. En deux ans, ce sont près de 30 % des emplois qui auront été balayés pour l'ensemble de la filière.


Des disparités régionales sur la construction de maisons individuelles

Les ventes de maisons individuelles neuves ne cessent de reculer : - 39,1 % en 2023 avec, certes, des disparités régionales. Ainsi, la Bretagne, même si tout reste relatif, s'en sort bien, avec une chute des ventes de l'ordre de 27 %, contre un écroulement dévastateur pour huit autres régions, et en particulier pour les Hauts-de-France (- 56,8 %). Pour les autres régions, on relève :

- Centre-Val de Loire : - 45,8 % ;
- Auvergne-Rhône-Alpes : -45,1 % ;
- Normandie : - 44,5 % ;
- Occitanie : - 42,9 % ;
- Île-de-France : -42,7 % ;  
- Grand Est : - 42,2 %
- Bourgogne-Franche-Comté : - 40,3 %
- enfin, les quatre autres dernières régions se situent entre - 40 % et - 30 % : Nouvelle-Aquitaine (- 39,3 %), Provence-Alpes- Côte d’Azur et Corse (- 36,1 %) ainsi que Pays-de-la-Loire (- 34,2 %).

La conjoncture n'est pas meilleure pour les ventes brutes en promotion immobilière, qui décrochent à - 23,5 % ! Celles aux investisseurs institutionnels font exception, avec une croissance de 8,3 %, uniquement due aux effets des plans de soutien lancés à la fin du premier semestre 2023 par CDC Habitat et Action Logement. Les ventes aux particuliers sont en chute libre : - 37,5 %. Cette baisse des ventes en promotion immobilière s’observe là aussi dans toutes les régions, avec la Corse en tête de liste (- 45,9 %) et la Normandie, qui tire son épingle du jeu (- 7,2 %), les autres régions se situant dans l'intermédiaire.

Tout ceci a pour conséquence l'augmentation du stock de logements neufs aux particuliers : 14,5 % en moyenne annuelle sur 2023. De fait, la durée d’écoulement de l’encours bondit à 21,1 mois sur l’année contre 10 mois en moyenne annuelle de long terme et 11,7 mois sur 2022 ! Conjointement, les mises en chantier de logements neufs dégringolent de 22 % en 2023 (et même de 25 % pour le logement individuel). 287 000 logements sont commencés, soit un nombre flirtant avec les chiffres des points bas historiques de 1992 et 1993 (275 000 unités environ).


Les Français n'ont pas fini d'en baver

Si aucune mesure n'est urgemment prise, les Français (et c'est le cas pour 83 % d'entre eux aujourd'hui) vont subir durablement la crise. En effet, le manque de logements proches, disponibles et abordables freine la mobilité professionnelle : six entreprises sur dix rencontrent des difficultés à recruter à cause du logement. La crise accentue le mal-logement. Le 14 février, le Premier ministre annonçait des évidences, notamment celle que "pouvoir se loger, acquérir son logement, c'est pour tant de Français, le projet d'une vie, l'assurance d'une retraite sereine", ou encore que la maison individuelle constituait "une part essentielle du rêve français, particulièrement des familles de classe moyenne qui travaillent dur depuis leur jeunesse et aspirent à loger confortablement avec leurs enfants et leur famille". Combattif, il se déclarait prêt à "se battre centimètre par centimètre, mètre carré par mètre carré pour aller chercher du logement pour les Français". Pour Grégory Monod, tant que le Premier ministre fait des "déclarations d'amour à la maison individuelle" sans qu'elles soient suivies d'actes, elles demeurent paroles, paroles, paroles...

 

 

Grégory Monod, président du Pôle Habitat FFB. ©Pôle Habitat FFB

 

Dès lors, les prévisions de la FFB sont pessimises : alors qu'on dénombrait 12 mises en chantier pour 1 000 ménages en 1992-1993, le ratio tombera à 8 en 2024, niveau équivalent à celui relevé… au début des années 1950 ! Avec la perspective que cette chute perdure en 2025, car "absolument rien ne laisse entrevoir un quelconque rebond". En ne voulant agir que dans une seule direction, celle de l’offre, la "stratégie énoncée par le gouvernement s’apparente à celle qui consisterait à vouloir déboucher une baignoire uniquement en la rechargeant en eau" note Grégory Monod. Or, l'urgence n'est pas tant que de relancer l'offre mais bien la demande.

 


Les pistes pour relancer la demande


Pour le Pôle Habitat FFB, tout ou presque a déjà été mis sur la table pour "simplifier les procédures, permettre la densification, fluidifier l’offre et lutter contre la spéculation foncière". Les propositions, déjà formulées une pléthore de fois lors des différentes concertations et autres commissions, bien qu'elles se comptent par dizaines, méritent d'être martelées.

- Pour commencer, il faut suspendre en urgence les contraintes du HCSF, une mesure de bon sens qui peut permettre de soutenir la croissance française, dont les prévisions viennent d’être réévaluées à la baisse, en favorisant l’investissement des ménages dans l’immobilier, et ce d'autant plus que chaque logement qui n’est ni vendu ni construit fait perdre environ 50 000 euros de TVA à l’État (soit l’équivalent de 0,15 point de PIB... ).

- Ensuite, rétablir immédiatement le PTZ pour le neuf à 40 % dans tout l'Hexagone, pour la maison et pour le logement collectif (à savoir que 30 000 PTZ de moins, c’est plus de 750 millions d’euros en moins dans les caisses de l’État...) , ce qui, encore une fois, ne cesse de laisser pantois quant aux calculs effectués par Bercy.

- Mais également exonérer des droits de mutation à titre gratuit les donations numéraires (y compris cessions de PEL/CEL), de terrains et d’immeubles destinés à être démolis à concurrence d’une somme de 100 000 euros du moment qu’elles bénéficient à la construction ou l’acquisition d’un logement neuf destiné à la résidence principale du donataire.

- Et encore rétablir le dispositif Pinel dans sa version 2022.

- Puis ajuster et réinterroger le cadre de la RE2020.

- Et enfin instaurer un moratoire sur la REP Bâtiment le temps d’une mise en œuvre opérationnelle effective

 

 

À partir de là, il sera peut-être enfin permis à l'immense majorité des Français d'espérer...

 


Source : batirama.com / dossier de presse Pôle Habitat FFB / Laure Pophillat

 

L'auteur de cet article

photo auteur Laure Pophillat
Laure Pophillat est rédactrice web polyvalente depuis plusieurs années. Curieuse, éclectique et investigatrice, tous les thèmes pertinents (et donc passionnants) l’intéressent ! Pour Bâtirama, elle rédige avec bonheur sur un large spectre de sujets couvrant l’entièreté de la filière BTP (actualités, conjoncture, réformes, innovations, etc.). Elle apprécie notamment réaliser des portraits de femmes et d’hommes engagés, inspirés et inspirants, dans un environnement, celui du BTP, toujours en mouvement.
1 Commentaire
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  • par Cyrllle D
  • 26/02/2024 17:54:37

La chute est déjà engagée pour certains et se concrétise le 28 fevrier avec Domeus Constructions, petit constructeur de la région nantaise qui tire sa reverence avec 6 salariés sur le carreau.

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