AART, trois tours de logements et un bâtiment de bureaux à Strasbourg

Dès 2013, la ville de Strasbourg et l’Eurométropole de Strasbourg avaient décidé de l’aménagement du quartier Wacken Europe, à proximité du Parlement Européen, en un quartier mixte à vocation tertiaire dominante : bureaux, équipements sportifs et culturels, commerces, logements. Le développement a progressé en plusieurs étapes.

Le quartier Wacken Europe, situé à moins de 4 kilomètres au Nord-Est de l’hypercentre strasbourgeois, s’organise autour de cinq grandes opérations : l’extension et la restructuration du Palais de la musique et des congrès (PMC), réalisée en 2016 ; la création d’une nouvelle liaison Est-Ouest mise en service en 2018 ; la construction d’un nouveau Parc des expositions (PEX) ; la construction d’un quartier d’affaires international (QAI) pratiquement achevée et l’opération Archipel 2.

Le concours Archipel 2

Après une première phase très tertiaire, l’Eurométropole a lancé en le concours Archipel 2. La zone concernée se structure autour de deux équipements publics, le nouveau théâtre du Maillon et le hall Rhenus Sports, et d’un point de vue paysager la confluence de l’Aar, de l’Ill et du Canal, au nord du site.

Ce concours s’adapte au contexte économique post-pandémie, marqué notamment par le ralentissement du marché du tertiaire, lié au fort développement du télétravail. En gros, la demande de bureaux neufs s’effondre partout en France, sauf dans les hypercentres des grandes villes. Le projet de l’Eurométropole de Strasbourg privilégie donc d’autres axes de développement, comme l’aménagement durable et la qualité de vie.

Dans son cahier des charges, l’Eurométropole insiste sur quatre points :

• un fort volet environnemental avec une très grande place donnée aux espaces verts et à leur continuité avec d’autres zones vertes alentour,
• l’obligation de se raccorder au réseau de chauffage et de froid urbain, de développer les Energies Renouvelables, d’obtenir le label E+C- pour chaque bâtiment, …
• la mixité sociale,
• la priorité accordée aux mobilités douces et aux transports en commun.

Quatre projets ont été retenus en 2019 à l’issue du concours, dont AART Immobilier, présenté par "Les Promoteurs d’Aujourd’hui", un rassemblement de 8 promoteurs strasbourgeois : Avantgarde Promotion, Bartholdi Promotion, Boulle, Joël Ohayon Promotion, Perspective, Scharf Immobilier, Topaze Promotion et Weller Immobilière. ©AART Immo

Quatre bâtiments

Le projet AART renverse les habitudes et montre un net parti-pris. Il consiste en quatre bâtiments, dont trois tours de logements, deux en R+17, une en R+8, et un bâtiment de bureaux en R+2. Contrairement aux usages, les bâtiments de logements s’élèvent haut, tandis que les bureaux demeurent près du sol.

Les promoteurs expliquent ce choix par leur souci de laisser la plus grande surface de terrain libre et végétalisée, tout en construisant 141 logements neufs en accession à la propriété, du T1 au T5, de 21 à 250 m².

Du coup, sur une parcelle d’une surface totale de 2.916 m², AART propose une surface habitable totale de 7863,9 m², une surface extérieure de 1500 m², dont 655 m² en terre pleine.

Ce choix marque peut-être le premier pas d’une nouvelle tendance : pour épargner le terrain, construisons en hauteur.

Regardons de plus près ces quatre bâtiments. Ils sont tous construits sur un sous-sol commun en béton, fondé sur pieux et radier destiné à reprendre la pression d’eau de la nappe phréatique, toute proche de la surface.

ARRtPÈGE et AARtMONIE, deux tours de logements R+17

Conçu pour Topaze Promotion, mandataire du Groupement "Les Promoteurs d’Aujourd’hui", par loci anima architecture https://www.loci-anima.com/fr, une agence créée en 2002 par Françoise Reynaud, associée à DEArchitectes, le projet des deux tours ARRtPÈGE et AARtMONIE pro­pose une vision de ce que pour­rait être habi­ter en hau­teur, en tenant compte des évo­lu­tions cli­ma­tiques, un chan­ge­ment de para­digme de la tour d’habitation.

L’une des deux tours propose à ses occupants d’entrer ou de sor­tir de chez eux par un che­min exté­rieur végé­ta­lisé. Comme le décrit Françoise Reynaud, avec un lyrisme indéniable : "La hau­teur est un pro­lon­ge­ment du Parc, la végé­ta­tion se pro­page dans les étages depuis le sol, c’est un sen­tier-pay­sage qui se par­court depuis l’extérieur. A chaque niveau, elle est jalon­née d’espaces végé­ta­li­sés et par­ta­gés, connec­tés entre eux, véri­tables îlots de frai­cheur en hauteur pour se poser, admi­rer les vues, cher­cher de l’ombre ou de la lumière en fonc­tion des sai­sons ou des heures de la jour­née. Cette pro­me­nade, ce par­cours exté­rieur, per­met à cha­cun de retrou­ver le sens de l’horizon, la sen­sa­tion du corps et de l’espace, les bien­faits de l’exercice phy­sique, mais aussi de ren­con­trer ses voi­sins, de se recon­nec­ter aux élé­ments. Et d’habiter en ville, comme dans un pay­sage à la cam­pagne."

Tous les logements de ces tours, jusqu’au R+16, peuvent profiter des terrasses. Au total, ARRtPÈGE propose 3.767,5 m² habitables pour une surface de plancher de 4.494 m², une surface extérieure de 114,5 m², dont 132 m² d’espaces partagés, répartis entre 4 jardins suspendus. ©AART Immo

La tour AARtMONIE offre, quant à elle, 4.096,4 m² de surface habitable, 4.384,1 m² de surface de plancher et 867 m² de surfaces de terrasses et loggias. Les deux tours contiennent 108 logements en accession à la propriété.

La tour AARtMONIE est construite en "plan libre" : une structure poteaux-poutres-dalles en béton, sans refends intérieurs, à l’exception du noyau central. Cette conception facilite le réaménagement des logements, puisque les cloisons ne sont pas porteuses. ©AART Immo

Les tours sont équipées de plancher chauffant basse température, raccordé au réseau de chaleur de la ville de Strasbourg, alimenté à) 87% par de la biomasse. La production d’eau chaude est également assurée par la sous-station de chauffage urbain.

Il n’est pas prévu de rafraîchissement actif. A l’Est, au Sud et à l’Ouest, des brise-soleil orientables apportent une protection efficace, à la fois contre l’éblouissement et contre la chaleur, tout en laissant pénétrer la lumière naturelle.

Du point de vue thermique, elles atteignent un niveau RT2012 – 30% en ce qui concerne le Cep et les niveaux E3 (60 kWh/m².an) et C1 du label E+C-.

Tour de logement R+8

Le troisième bâtiment de logement est une tour de logements R+8, avec 1.795 m² de surface habitable, pour une surface de plancher de 2.260 m². Conçue par loci anima architecture , cette tour comporte 29 lots. Particularité majeure, les appartements sont commercialisés en BRS ou Bail Réel Solidaire. Créé par la loi Macron du 6 août 2015, le BRS distingue le foncier du bâti. L’acquéreur ne devient propriétaire que du logement et loue le foncier à un Organisme Foncier Solidaire (OFS) pour un faible loyer, en signant un bail réel solidaire, d’une durée comprise entre 18 et 99 ans.

L’Organisme Foncier Solidaire, pour sa part, détient uniquement le terrain. Pour l’acquéreur, devenir propriétaire seulement de la partie bâtie du logement, représente une économie de 20% à 40% par rapport à l’accession à la propriété classique foncier + bâti.

Le logement vendu en BRS doit être utilisé comme résidence principale et les revenus des ménages acquéreurs sont soumis à un plafond de ressources établi à partir du revenu imposable de l’année N-2, variable selon la zone géographique et selon le nombre de personnes au foyer.

Le BRS offre plusieurs avantages dont :

• Une garantie de rachat du logement par l'OFS.
• Une TVA réduite à 5,5 % au lieu des 20 % habituels.
• La possibilité de financer l’achat du bien avec un prêt à taux zéro (réservé aux primo-accédants).
• Dans certaines collectivités, la possibilité d'un abattement de taxe foncière de 30 % à 100 %.

La ventilation des tours est en simple flux hygroréglable. Mais comme le soulignent les concepteurs, la plupart des logements bénéficient de deux, parfois de trois, orientations. Ce qui facilite grandement la ventilation naturelle. Une étude de qualité de l’air préalable avait déterminé que la pollution dans la zone était réduite et ne nécessitait pas de filtration de l’air neuf introduit. Traduction : les concepteurs ont pensé au double flux, mais ont estimé que ce n’était pas nécessaire pour atteindre une bonne qualité d’air intérieur. ©AART Immo

Comme la surface de toiture disponible était réduite, en raison de la présence des groupes de ventilatiopn, les concepteurs ont, en quelques sorte, inventé les ombrières de toitures : des structures métalliques passant au-dessus des systèmes de ventilation pour récupérer assez de surface pour l’installation de panneaux photovoltaïques. ©AART Immo