Chantier des JO 2024 : des modules bois préfabriqués acheminés par la Seine

Le projet de la future résidence sociale étudiante.

Préfabrication et transport fluvial pour le futur Village des Athlètes : zoom sur le bâtiment modulaire en bois du Village, future résidence étudiante sur l'Île-Saint-Denis.




Imaginée par EGA-Erik Giudice Architecture, la future résidence sociale étudiante en R+8  comptera 142 appartements. © EGA

 

Dans la ZAC de l’écoquartier fluvial de l’Île-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) qui accueillera les athlètes des JO en 2024, les bâtiments poussent comme des champignons ces deux dernières années !

 

Les 22 bâtiments de l’opération “Empreintes”, portée par le groupement composé par les promoteurs immobiliers Pichet et Legendre, totaliseront une surface de plancher de 47.600 m² (16 sont réalisés par Legendre Construction).

 

Le projet se veut réversible, mixte et vertueux. D’abord “Village des Athlètes", cette partie de l’île sera requalifiée dans sa phase “Héritage” en un écoquartier sans voiture qui mixera des logements, un hôtel, une résidence étudiante, des commerces, un pôle nautique, une Cité des Arts et de la Culture, deux immeubles de bureaux et une “centrale de mobilité” (la SEM Plaine Commune Développement réalise deux de ces parkings à étages à chaque extrémité du quartier).

 

 

le futur écoquartier, vu du ciel

Image aérienne du futur éco-quartier. © EGA

 

La construction bois plébiscitée

 

16 des 22 bâtiments du projet sont réalisés en structure bois ou façades à ossature bois (soit plus de 10 000 m²). En plus de stocker du carbone, ce matériau renouvelable offre également d’excellentes performances thermiques. Les quelque 9.000 m³ de bois utilisés proviennent de forêts gérées durablement et 30 % sont issus de forêts françaises.

 

L’un des bâtiments qui doit servir à loger les athlètes et leurs accompagnants à l’été 2024 deviendra une résidence sociale étudiante portée par le bailleur social Espacil. A terme, ce bâtiment composé à 90 % de modules en bois imaginés par EGA-Erik Giudice Architecture, comptera 142 appartements de 18 à 37 m² (dont huit T2 PMR). Cette résidence R+8 sera le deuxième bâtiment modulaire le plus haut en France.

 

L'interieur d'un module d'habitat de 18 mètres carrés

La plupart des modules (7,50 m X 3,20 m ; 8 tonnes) font 18 m² habitables, avec salle d’eau-WC et un espace de vie avec kitchenette. ©EJH

 

 

La préfabrication, un gain de temps et de qualité

 

Fabriquer hors-site permet une meilleure gestion des matériaux (qui limite le gaspillage et facilite le recyclage des chutes et copaux).

 

Les 141 modules habitables ainsi que les quatre modules “cages” dans lesquels sera posé l’escalier de secours métallique, sont fabriqués de A à Z à Haulchin (Nord), par l’entreprise bretonne Pincemin. Pour ce projet, une unité de fabrication a été créée dans un entrepôt proche du fleuve Escaut, appartenant à son actionnaire, le groupe Etex, ce qui simplifie l’acheminement par voie fluviale.

 

La résidence R+8 est le premier chantier de cette importance pour le constructeur de maisons individuelles à ossature bois Pincemin (de Ploufragan, Côtes-d’Armor), inventeur du concept e-loft et fabricant de modules depuis 2014.

 

Le fabricant a rationalisé les plans et les méthodes de travail. Il préfabrique et assemble dans ses usines les différents composants pour constituer des module "finis" prêts à être livrés. Cette approche industrielle permet de relever le triple défi de la qualité (le travail est beaucoup plus efficace en atelier que sur un chantier), de la productivité et des délais courts.

 

Chaque module prêt à habiter demande environ 150 heures de travail (les panneaux de sapin CLT sont isolés puis assemblés. Une toile tendue cache les cheminements de câbles électriques et les gaines VMC dans le plénum.

 

 

Un module, encore enveloppé dans une enveloppe protectrice pour l'acheminement.

Le bureau d’études conçoit un projet millimétré, puis l’atelier produit des modules parfaitement ajustés. Ils sont ensuite numérotés pour respecter l’ordre d’assemblage. ©EJH

 

On notera également le travail du bureau d'étude spécialisé bois : Gustave, qui a réalisé l'ensemble de la conception de la structure et des façades en bois, des premières esquisses jusqu'aux études d'exécution. Luc Boyer, associé du bureau d'étude, précise : "les enjeux techniques et règlementaires sur un ouvrage de ce type sont extrêmement variés et leur synthèse demande un travail d’une grande rigueur.

Parmi eux : grande hauteur, préfabrication à son maximum, réversibilité, sécurité incendie, acoustique, thermique, sont autant de domaines que les ingénieurs de Gustave ont eu à appréhender dans les moindres détails, avec la complexité de l’environnement règlementaire français que l’on sait.

Il était impensable pour un ouvrage de cette portée démonstrative qu’un de ces aspects puisse être détérioré au profit d’un autre."

 

 

Le transport fluvial, idéal pour livrer sur une île

 

Grâce à l’optimisation des livraisons, le modulaire limite considérablement les nuisances du chantier et son impact carbone. L’usage de deux automoteurs (des péniches qui transportent cinq ou six modules à chaque voyage, à raison d’une rotation par semaine) permet de diviser par 5 les émissions de CO2 liées à la logistique de transport.

 

Les modules protégés de leur double pare-pluie et d’une membrane EPDM sur le dessus, naviguent quatre jours sur le fleuve L’Escaut, le Canal Seine-Nord, l’Oise, puis la Seine. Le transport fluvial permettra d’éviter, à terme, 1 820 trajets en camion et l’émission de plus de 196 tonnes de CO2.

 

Les huit modules PMR, d’environ 25 m² et pesant 10 tonnes, auraient été particulièrement difficiles à transporter par camion (en convoi exceptionnel, de nuit, avec autorisation préfectorale etc.). Déchargés sur le lieu même de la construction qui s’élève tout au bord de la Seine, les modules sont aussitôt empilés au moyen d’une grue, selon un ordre d’assemblage bien défini.

 

 

péniche transportant les modules

Un ponton et une grue dédiés à la logistique fluviale ont été installés au plus près du chantier en août 2021. Ici, une péniche vient d’être déchargée. ©EJH

 

La grue amène les modules sur le chantier

En quelques minutes, la grue positionne très précisément le module. Il est ensuite solidarisé aux autres par ses quatre coins. ©EJH

 

 

Un chantier plus rapide et plus propre

 

La construction hors site permet d’accélérer d’environ 30 % la réalisation du chantier grâce à une mise en oeuvre simplifiée. Moins de 13 mois seront nécessaires pour réaliser ce bâtiment modulaire, contre 18 mois pour une construction classique. Ce procédé répond parfaitement à l’impératif de livrer le Village des Athlètes dans les temps.

 

  • L’assemblage in-situ se fait sur le socle béton qui forme le rez-de-chaussée. Chaque module est solidarisé aux autres à ses quatre coins.
  • Les modules sont précablés (sorties de réseau côté coursive), isolés entre eux par de la laine de verre, et sur leur face extérieure par de la laine de roche.
  • Une fois l’étage achevé, reste à raccorder les réseaux pour la mise en service, en bout de coursive.
  • En façade, le bardage bois extérieur, posé avec une lame d’air de 6 cm, sera le seul bois visible dans toute la construction.

 

 

système d'accrochage au pied des modules

Ancrage par ferrures métalliques qui sont boulonnées aux modules des étages supérieur et inférieur, et par de grandes croix métalliques en façade.

 

 

Les modules, mis en place en fonction de leur numérotation.

Le plancher en CLT 100 mm est préusiné en atelier pour faire les réservations (posé sur solives de 160 x 160 mm). Il servira de support à un plancher en panneau de particules bois qui recrée un support plan, sur lequel sera posé le revêtement de sol.

 

 

montage en cours

Le montage et le raccordement des modules sera achevé avant la fin mars.

 

 

Pichet et Legendre ont "une volonté commune de créer un lieu emblématique en termes d’écoconstruction, un véritable démonstrateur de décarbonation de l’immobilier (…) La résidence sociale étudiante est très emblématique des enjeux environnementaux du projet : le recours au bois et à la construction modulaire en fait un bâtiment particulièrement éco-responsable, la logistique fluviale rajoute à cette exemplarité. Mais n'oublions pas que cette logistique est extrêmement liée au territoire exceptionnel dans lequel notre opération prend place", a déclaré Pascal Martin, directeur général du groupe Legendre.

 


Source : batirama.com/ Emmanuelle Jeanson

L'auteur de cet article

photo auteur Emmanuelle JEANSON
Collaboratrice de longue date de Batirama, elle est journaliste indépendante dans la presse pro du bâtiment et de l’énergie depuis ses débuts dans le métier (qui remontent à la dernière décennie du siècle dernier !). Ses sujets de prédilection : tout ce qui contribue à une construction plus soutenable ; les techniques anciennes remises au goût du jour ; les énergies renouvelables ; aller à la rencontre des artisans et de leur quotidien, mais aussi comprendre les enjeux de l’activité industrielle.
1 Commentaire
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  • par MathieR
  • 03/05/2023 10:19:53

C'est intéressant de voir comment les constructeurs tentent de s'adapter aux nouvelles normes environnementales : ils arrivent à proposer des solutions innovantes avec des procédés bas carbone plutôt ancien. La technique ossature bois semblent idéale ici et cumuler tous les avantages. C'est donc pour le moins étonnant qu'E-Loft soit passé en redressement judiciaire à peine un mois après cet article ! Peut-être avez vous des informations sur un éventuel repreneur et l'avenir de ce projet ?

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