L'isolation thermique par l'extérieur face à la surchauffe réglementaire

L'isolation thermique par l'extérieur face à la surchauffe réglementaire

Pilotée par la réglementation thermique, l'évolution des complexes d'isolation par l'extérieur en façades ou en toitures tient aussi compte des nouvelles exigences en matière de sécurité incendie et de décarbonation.




Une ITE en paille, chantier à Paris © Benoit Rougelot

 

 

Panacée en terme de performance thermique et très bien installée sur le marché de la rénovation, l'isolation thermique par l'extérieur (ITE) n'est pas toujours le premier choix en neuf en particulier en maison individuelle, pour des questions de coût par rapport à l'isolation thermique par l'intérieur (ITI).

 

L'offre commerciale est très large et quasi toutes les situations et contraintes tant techniques que budgétaires, peuvent être adressées. Deux importantes évolutions réglementaires sont venues accélérer la recomposition du paysage de l'ITE, la RE 2020 avec des objectifs sur le bas carbone et le confort d'été, et la réglementation incendie qui s'est durcit en façades en particulier en moyenne et grande hauteur. Une conséquence a été de bousculer les isolants organiques type PSE (polystyrène expansé) ou PU (polyuréthane).

 

Deux matériaux ont les faveurs des industriels, la laine de roche pour son bon classement feu comme chez Edilteco qui renforce ainsi son offre EDIL-Therm, et la fibre de bois pour répondre à la nouvelle RE, avec entre autres de nouveaux produits chez Steico, Unilin, Weber ou Parexlanko. En parallèle des avancées de ces grands industriels, la démarche low tech progresse. On peut citer la très intéressante rénovation menée par les agences d'architecture Landfabrik et Trait Vivant sur un immeuble collectif en R+7 pour le compte du bailleur Paris Habitat. De la paille a été mise en œuvre en ITE sur deux pignons, suivant deux systèmes différents de pose (voir photo ci-dessus).

 

 

 

Certifier la qualité

 

 

 

Les évolutions normatives produits permettent de mieux évaluer les performances et la durabilité. Un exemple est donné avec la norme NF EN 16012+A1 spécifique aux isolants réflecteurs, qui a évolué au 1er mai. Dorénavant, il faut procéder à une série d'essais à intervalles réguliers et prendre la valeur moyenne pondérée. Actis Isolation, qui est un spécialiste du sujet avec ses solutions alvéolaires, a été dans l'obligation de refaire tester ses isolants. Le Responsable communication et marketing digital, Gabriele Cinque, se félicite : "La bonne nouvelle est que les essais ont montré que la performance thermique de nos produits a progressé ces dernières années. La pose est ainsi simplifiée."

 

Pour sa part, le spécialiste des membranes Dörken, souligne que la plupart des écrans de sous-toiture ou des pare-pluie, qui viennent protéger l'ITE d'un bâtiment, existants sur le marché se dégradent en quelques années dans le cas de la présence d'une lame d'air de façade ou de toiture ventilée, qui apporte de l'oxygène en permanence à la surface des écrans. "Nous avons développé un nouveau test de durabilité dans notre laboratoire en Allemagne qui prend en compte cette thermo-oxydation résultante du mouvement d’air dans la lame d'air ventilée. L'essai montre que de nombreuses membranes existantes sur le marché présentent une faible durabilité dans la plupart des configurations de mise en œuvre. Ce n'est pas le cas notamment de nos produits premium, tel que les pare-pluie Delta-Fassade", confie Thomas Dahlent, responsable marketing chez Dörken France. Ce nouveau test a été soumis par le fabricant aux instances européennes afin de le faire officialiser.

 

 

 

Les enjeux de la RE2020

 

 

 

© Unilin Insulation

 

 

Avec la nouvelle RE ainsi que l'arrivée de la REP (responsabilité élargie du producteur) début 2023, les enjeux du bas carbone et de l'économie circulaire ont gagné en importance chez les fabricants.

 

Un des nouveaux outils de pilotage de la stratégie environnementale des industriels vient de la captation et de la structuration des données nécessaires à l'établissement des fiches FDES ou PEP. En effet avec la RT, il s'est produit une inflation des matériaux des façades construites en multi-feuilles de plus en plus épais, et l'ACV permet de tenir compte de l'énergie grise utilisée pour les fabriquer. Pour Actis Isolation, le principal levier pour améliorer le bilan carbone de ses produits est de réduire la quantité de matière première avec un travail d'éco conception sur le dessin des alvéoles. Du travail a aussi lieu sur la nature des films utilisés et environ 30% de matière recyclée ainsi que les chutes de production entre dans la fabrication du produit. Le produit lui-meme est recyclable à 100% en particulier en mobilier. Un gain a aussi été obtenu sur le volet logistique. En effet l'isolant est compressé pour le transport, et sur chantier, l'usage d'une nouvelle languette longitudinale jouant un rôle de soupape permet de décompresser le produit pour le gonfler.

 

Le fabricant Unilin Insulation, est aussi un bon exemple avec sa nouvelle stratégie RSE globale baptisée "One Home" fin 2021 et comportant trois piliers. Le premier, Planet Home, vise à protéger la planète avec des actions fortes comme la décarbonation avec des objectifs de neutralité carbone de ses sites de production à l'horizon 2030, en particulier avec l'installation d'éoliennes et de solaire PV sur ses sites de fabrication et le développement de l'économie circulaire. "Cette démarche est concrétisée par des objectifs ambitieux, avec 70% des panneaux recyclés d'ici 2030 et le développement d'un process pour rendre la mousse de PU recyclable de manière circulaire. Le deuxième pilier est Your Home, avec deux axes que sont le confort de vie pour le particulier et le confort de pose pour le client tandis que l'objet du troisième pilier, Our Home, porte sur l'environnement de travail des collaborateurs", explique Sylvie Mercier, Directrice Marketing et Communication chez Unilin Insulation.

 

 

 

 

1. Façades : se protéger de l'eau et du feu font partie des impératifs auxquels doivent savoir répondre les systèmes d'ITE

 

 

 

© Weber

 

 

 

En façades, les deux principales familles d'ITE sont la filière humide de l'isolant sous enduit, et la filière sèche de l'isolant sous bardage rapporté, étanche ou non avec pare-pluie. Une troisième famille, plus rare, est celle des vêtures et vêtages. Le marché est dominé par la filière humide, une technique accessible aux petits artisans et fréquemment mise en œuvre avec un isolant organique type PSE. SI le gros œuvre est perspirant comme un mur de pierre, il est préférable de mettre en place un isolant fibreux comme de la laine de roche ou des fibres de bois. La pose en filière sèche a l'avantage de la rapidité quelles que soient les conditions climatiques. Outre sa résistance thermique qui détermine son épaisseur en fonction des objectifs réglementaires à atteindre, le complexe isolant bardage (et membrane) est choisi pour sa sensibilité à l'humidité et au feu. En particulier, les isolants fibreux et plus particulièrement les biosourcés (fibres de bois, ouate de cellulose...) doivent être protégés des infiltrations d'eau et de l'apport d'humidité y compris en phase chantier (intempéries, séchage du béton...) avec des protections et une aération adéquates. 

 

 

 

Une montée en gamme face au risque feu

 

 

 

Si cela n'a pas toujours été autant le cas, les nouvelles réglementations façades surtout en hauteur et en résidentiel, poussent à mieux prendre en compte le risque incendie, l'alimentation et la propagation du feu en façades et l'émission de fumées toxiques. Les industriels sont en première ligne pour améliorer le classement au feu de leurs produits. Dörken, le spécialiste des membranes a développé la gamme de pare-pluie HPV Delta-Fassade sous ATex, pour bardage fermé ou ajouré. La dernière nouveauté sur le produit est l'obtention d'une certification de la réaction au feu, niveau Euroclasse B-S1,d0, soit équivalent M1. Autre exemple avec le fabricant italien Edilteco, qui développe depuis 2008, des systèmes d’isolation pour façade (ETICS) sous enduit mince comme EDIL-therm ou ECAP, commercialisé en France avec un isolant PSE certifié Acermi. "Mais nous avons pour la France un autre système d’isolation : EDIL-Therm avec de la laine de roche pour lequel nous disposons d’un agrément technique (ETE) pour ce produit. Suite à des améliorations apportées à ce système, un nouvel agrément au CSTB en cours de développement viendra attester des performances améliorées pour élargir nos champs d’applications. L'usage de la laine de roche est justifié par la loi Elan qui a changé la classification feu et pour certaines familles de type 3ème et 4ème et intermédiaires", précise Franck Pied, directeur marketing et technique chez Edilteco.

 

Atouts : qualité de l'isolation;adapté à la rénovation ; large offre en panneaux et rouleaux seuls ou en systèmes prêts à l'emploi ;

Points de vigilance : protéger les isolants fibreux surtout biosourcés contre l'humidité; veiller aux ponts thermiques aux fixations et points singuliers; tenir compte de la masse combustible.

 

 

 

 

2. Toitures : en particulier en ITE et en toiture forte pente, la pose d'une isolation en rénovation demande du savoir-faire et de veiller à la sécurité sur le chantier

 

 

 

 

 

© Actis Isolation

 

 

En rénovation, le recours à l'ITE permet de conserver l'espace intérieur disponible pour aménager les combles. Mais la surélévation de la couverture existante d'une dizaine de centimètres, nécessite de déposer un permis de construire ou une déclaration préalable de travaux, sauf exception comme le système Triso-Toiture d'Actis en deux couches isolantes une intérieure et une extérieure. Le système d'ITE mis en oeuvre va être choisi en fonction de l'état de la charpente suivant trois procédés principaux. Au départ utilisé en région de montagne, le sarking consiste à rehausser le toit existant afin d'insérer une couche d'isolant. Ce procédé demande un certain savoir-faire. Une nouveauté chez Unilin Insulation concerne la solution de sarking sur base de panneau Utherm. "Le sarking est utilisé en rénovation, historiquement en montagne et se développe en plaine. Nous avons un nouveau composant sorti il y a deux mois, qui est un parement anti glissement, pour assurer la sécurité du poseur surtout en forte pente. Nous avons un très bon retour sur sa performance en terme d'accroche", assure David Valente, directeur national de l'offre toiture en pente chez Unilin Insulation.

 

 

 

Une pose rapide mais à préparer

 

 

 

Les deux autres solutions, le panneau sandwich et le caisson chevronné visent à simplifier la pose mais demandent des systèmes adaptés de levage sur chantier et une préparation en atelier en fonction de la géométrie du chantier et des points singuliers. Le panneau sandwich est un système de bardage isolé en panneaux tri-couches. Le caisson chevronné préusiné en atelier, est une solution auto-portante. Les panneaux peuvent être emboîtables les uns aux autres. Dans la cas contraire, les raccords entre les panneaux doivent être soigneusement traités afin d'éviter les ponts thermiques. "Concernant l'innovation sur le produit, nous avons aussi de la R&D sur le matériau biosourcé. Deux nouveaux panneaux de toiture ont vu le jour, le panneau bi-matière Usystem Roof OS Comfort Natural en PU et fibre de bois et le panneau sandwich chevronné Usystem Roof DS Natural Wool en fibre de bois pour le bas carbone et le confort d'été", complète Sylvie Mercier pour Unilin Insulation. Pour rappel, bénéficier de MaPrimeRénov' exige que la valeur de résistance thermique R du système isolant utilisé soit supérieure ou égale à 7 m² K/W pour les combles perdus et de 6 m² K/W pour les combles aménagés en pose sur rampant de toiture.

 

Atouts : qualité de l'isolation ; traitement des ponts thermiques; pose facilitée dans le cas de caissons ou panneaux sandwich  ;

Points de vigilance : bien préparer le chantier ; en cas de rehausse de la toiture, faire une demande de travaux.

 



Source : batirama.com / François Ploye

L'auteur de cet article

photo auteur François Ploye
François Ploye, de formation ingénieur ECP, est journaliste freelance de la presse écrite depuis plus de vingt ans. Après une première expérience professionnelle en maquette numérique 3D et en effets visuels, il a poursuivi sa carrière comme journaliste à la suite de l'écriture d'un livre sur les changements climatiques publié en 2000. Après de premières collaborations (Jeune Afrique, Sonovision, 01 Informatique...), il s'est spécialisé depuis quinze ans dans l'écriture d'articles pour le bâtiment, les énergies renouvelables, l'architecture et la ville. Avec un engagement, celui d'accompagner les mutations d'un secteur confronté à de multiples défis environnementaux et sociétaux.
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