Au début de la Vème période, les CEE sont beaucoup moins généreux

Au début de la Vème période, les CEE sont beaucoup moins généreux

Les nouveaux changements apportés aux CEE depuis le 1er mai réduisent l’intérêt de certains gestes de rénovation. L’accumulation de CEE par les obligés fin 2021 pèse sur la relance du marché de la rénovation.




Nous sommes entrés dans la Vème période des CEE (Certificats d’Economie d’Energie) depuis le 1er janvier. La Vème période, dite aussi "P5", court jusque fin 2025. L’objectif de la IVème période était 2 133 TWhcumac, dont 1600 TWhc classiques et 533 TWhc précarité énergétique. L’obligation pour la Vème période est rehaussée de 12,5% à 2 500 TWhc, soit 625 TWhc par an en moyenne sur toute la période.

 

 

Trop de CEE fin 2001

 

 

Comme l’explique Enalia, un groupe spécialisé dans l’agrégation de CEE, on observe un délai de 11 mois environ entre la signature d’un devis de travaux par un client final – un ménage, un industriel, une collectivité territoriale, … - et la transmission du dossier de demande de CEE correspondant, d’une part sous forme papier au Pôle national des certificats d’économie d’énergie, d’autre part sous forme électronique via le site Internet du registre national des CEE.

 

Au passage entre le IVème et la Vème période des CEE, un effet de stock est apparu. Concrètement, les obligés ont réalisé trop de CEE au cours de la dernière année et dans les derniers mois de 2021, notamment de CEE précarité énergétique, ne les ont pas déclarés et les ont conservés pour les déclarer peu à peu au début de la Vème période. Du point de vue financier, le client final n’est pas impacté par ce stockage de CEE non-déclarés. Les montant à verser en € sont en effet verrouillés à la date de signature du devis.

 

Les opérations spécifiques comme les divers "coups de pouce" qui revenaient à augmenter le nombre de CEE pour des gestes précis – coup de pouce isolation, coup de pouce changement de chaudière, … -, ainsi que les programmes d’accompagnement ont permis aux obligés de collecter des CEE bien au-delà de leurs obligations. Ils ont du stock et l’écoulent lentement.

 

Bref, obligation en faible hausse, gros stock non déclaré : la demande de CEE baisse et ça se voit. Le prix des CEE précarité énergétiques sont, par exemple, passés de 8,21 € en janvier 2021 à 6,21 € en janvier 2022.

 

 

Plus de travaux pour le même nombre de CEE

 

 

La fin de la IVème période a vu la disparition de certains coups de pouce, dont le coup de pouce chauffage au 30 novembre 2021, le coup de pouce isolation au 31 décembre 2021. Pour le coup de pouce thermostat, la demande doit avoir été faite avant le 31 décembre 2021 et les travaux achevés avant le 30 avril 2022. En ce qui concerne le coup de pouce "Rénovation performante d’une maison individuelle" : engagement avant le 31 décembre 2021, achèvement des travaux avant le 31 décembre 2022. Bref, l’année 2022 et la Vème période des CEE commence sans coup de pouce.

 

De plus, à compter du 1er mai, plusieurs fiches standardisées ont été modifiées dans le sens d’une réduction des CEE accordés pour les gestes correspondants. Cela s’est passé en deux vagues, un premier arrêté de décembre 2021 a diminué les CEE accordés pour les fiches suivantes : BAR-EN-102 "isolation des murs", BAR-EN-103 "isolation d’un plancher", BAR-EN-105 "isolation des toitures terrasses", BAR-TH-160 "Isolation des réseaux d’eau chaude sanitaire". Voici le récapitulatif des changements, en fonction de l’énergie utilisée pour le chauffage. La distinction entre les énergies de chauffage dans la Fiche BAR-EN102.

 

 

  Avant le 1er mai 2022 Depuis le 1er mai 2022
Chauffage électrique Chauffage à combustible Sans distinction d'énergie
Bar-EN-102 "isolation des murs" Zone H1 2400 3800 1600
Zone H2 2000 3100 1300
Zone H3 1300 2100 880
Bar-EN-103 "isolation d'un plancher" Zone H1 1600 1100
Zone H2 1300 890
Zone H3 900 590
BAR-EN-105 "isolation des toitures terrasses" Zone H1 1700 1200
Zone H2 1300 1000
Zone H3 900 670

 

 

La fiche BAR-EN-102 "isolation de combles ou de toitures" est peu affectée. Les valeurs de CEE, à multiplier par la surface de toiture isolée, restent de 1700 KWhc en zone climatique H1, de 1400 kWhc en H2 et augmentent même de 900 à 920 KWhc à compter du 1er mai 2022.

 

 

En ce qui concerne la fiche BAR-TH-160 "Isolation des réseaux d’eau chaude sanitaire", les valeurs proposées passent de 6700 (H1), 5600 (H2), 4900 (H3) multipliés par la longueur du réseau de chauffage ou d’ECS hors du volume chauffé, à 5100 (H1), 4600 (H2), 3800 (H3). ©PP

 

 

L’efficacité énergétique saisonnière minimum des chaudières biomasse, dont la puissance est supérieure à 20 kW et inférieure à 70 kW (fiche BAR-TH-113), est passée de 78 à 79% depuis le 1er avril 2022.

 

 

Les CEE sont moins attractifs en logement, mais le tertiaire arrive

 

 

Donc, les coups de pouce disparaissent, les CEE baissent pour les gestes d’isolation thermique et de calorifugeage : il va falloir réaliser un plus grand nombre de travaux pour récolter la même quantité de CEE.

 

Pour le client final, l’augmentation des cours des énergies améliore la rentabilité des travaux d’économie d’énergie, mais pas leurs possibilités de financement.

 

Au contraire, la baisse actuelle du cours des CEE, jointe à la diminution du nombre de CEE pour les gestes d’isolation thermique, réduit le montant des aides accessibles. Ce qui va augmenter le reste à charge et rendre son financement encore plus compliqué pour les ménages à faibles revenus.



Enalia fonde cependant de grands espoirs sur le tertiaire. En effet, ce secteur était relativement peu demandeur de CEE jusqu’à présent, mais le décret tertiaire entre en vigueur et les maîtres d’ouvrage devraient se tourner en masse vers les fiches standardisées tertiaires pour aider au financement de leurs travaux de réduction de consommation d’énergie.

 

Ce sont notamment les fiches BAT-EQ, depuis BAT-EQ 123 "Moto-variateur synchrone à aimants permanents ou à réluctance" (en gros, le pilotage des moteurs électriques par variation de puissance, mais toutes les technologies ne sont pas admises, les moteurs EC, par exemple) à BAT-EQ 134 "meuble frigorifique de vente performant avec groupe de production de froid intégré".

 

 

Les fiches BAT-SE103, 104 et 105 sont également accessibles pour le secteur tertiaire, tous comme les fiches BAT-TH 102 à 159. ©PP

 

 

Dataviz, l’illustration du dispositif des CEE par Enalia

 

 

Enalia s’est livré à un exercice spectaculaire et a rendu le résultat librement accessible. A partir des données publiques disponibles sur les consommations d’énergie en France et sur les CEE, Enalia a conçu et mis en ligne l’outil Dataviz qui permet, pour l’instant, de visualiser sous forme de graphique, deux données contextuelles – atteindre la neutralité carbone en 2025 et la consommation énergétique finale par secteur -, ainsi que quatre données sur le CEE : les volumes demandés par période, les volumes déposés mois par mois depuis le début du dispositif des CEE, les secteurs bénéficiaires des CEE et les gestes les plus financés.

 

 

Chaque graphique illustrant un aspect des CEE est accompagné d’une courte analyse par Enalia. Ce sont des graphiques interactifs : déplacer le curseur au-dessus apporte de nouvelles informations. © Enalia

 

 

La domination du résidentiel dans l’attribution des CEE va peut-être changer avec l’entrée en vigueur du décret tertiaire dont les exigences peuvent conduire à des travaux finançables par les CEE. © Enalia

 

 

 

Si l’isolation thermique reste bien présente parmi les 5 gestes faisant l’objet du plus grand nombre de dépôts de demandes de CEE, d’autres, comme les lampes à led ont disparu, tandis que la récupération de chaleur sur groupe froid progresse régulièrement, déplaçant même les pompes à chaleur. La baisse des CEE dans les fiches standardisées portant sur l’isolation thermique en logement peut boulevers cette hiérarchie dans les mois à venir. ©Enalia

 

 

 



Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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