Le village olympique, un grand laboratoire pour la construction bois

Le village olympique, un grand laboratoire pour la construction bois

Les estimations relatives au volume de bois d’oeuvre utilisé pour la construction du Village olympique a été revue à la baisse mais reste considérable. La diversité des approches reste innovante.




Photo : Universeine : 12 725 m3 de bois, 4000 tonnes de CO2 économisées grâce au bois, une part de 30% du bois issu du territoire français. A noter l’intervention d’architectes chevronnés de la construction bois :  Béal & Blanckaert, Pascal Gontier, Lina Ghotmeh, Gaëtan LePenuel…
© Kreaction / Architectes secteur nord : Clément Vergély architectes/Béal & Blanckaert architectes/ atelier Pascal Gontier/Lina Ghotmeh architecture/Gaëtan LePenuel architectes; Architectes secteur sud : Atelier d’architecture Chaix & Morel et associés / Triptyque architecture

 

Programmé en structure bois pour les ouvrages inférieurs à 28 mètres et en construction mixte au-delà, le Village Olympique représente, pour la filière française de la construction bois, un challenge immense.

 

La tenue du Forum International Bois Construction au Grand Palais, en avril 2020, devait lui fournir une tribune adaptée, à un moment où les groupements lauréats des 5 lots ficelaient leurs demandes de permis de construire. La pandémie en a voulu autrement. Pourtant, on attendait des éclaircissements suite aux informations qui ont circulé après la désignation des lauréats il y a un an.

 

En guise de chantier de construction bois et biosourcé, il était de plus en plus question de béton bas carbone. Début juillet 2020, la Solidéo avait fourni des éclaircissements sur le sujet, et admis un glissement : les ouvrages de plus de 28 mètres seraient en béton, les bâtiments de hauteur inférieure souvent mixtes. Le volume global de bois d’œuvre était estimé à 30 000 m3. Quasiment toutes les façades seraient à ossature bois.

 

Une ZAC sans zigzags

 

Trois mois plus tard, France Bois 2024 a réussi à programmer une conférence très attendue qui détaille l’approche des groupements pour chaque lot, et précise aussi la part du bois. Sur les 27 demandes de permis de construire déposées dans le cadre de la construction du Village Olympique, trois sont déjà attribués et les autres devraient suivre d’ici décembre.

 

Solidéo est fier de tenir jusqu’ici les délais impartis. Les travaux de VRD sont en cours, la construction proprement dite pourra démarrer début 2021. La performance est notable à plusieurs titres.

 

Comme le rappelle Henri Specht, directeur de projet du Village olympique et paralympique pour Solidéo, il s’agit peu ou prou de concentrer sur 4 ans un programme de développement immobilier de grande ZAC qui habituellement en prend 15. Ainsi, le quartier Ecofluvial de l’Isle-St-Denis voit se compléter, avec le lot insulaire du VO, une opération d’aménagement qui se sera effectivement étendue sur une quinzaine d’années.

 

Un quartier bas carbone en vrai

 

A cette concentration de la programmation se surajoute le pari d’une performance émissive comme il n’a jamais été tenté jusqu’ici en France : l’approche de Quartier Bas Carbone développée par le CSTB en collaboration avec l’association BBCA n’en était jusqu’à présent qu’au stade virtuel et expérimental.

 

Jamais la construction d’un nouveau quartier n’a fait l’objet de tant de calcul d’émissions en France, et sans doute ailleurs dans le monde. Dans ce cas, il s’agit de réduire les émissions carbone de 40% par rapport à un « scénario de référence », avec un objectif carbone moyen sur les lots privés de 700 kgCO2e/m2.

 

Comprendre : les socles qui abritent les équipements communs sont en béton et non comptabilisés dans l’objectif des lots privés ; selon BBCA, la construction habituelle de référence, en béton, génère des émissions de l’ordre de 1500 kgCO2e/m2. L’objectif moyen élevé pour les lots privés compense la faible marge de progression pour les socles.

 

 

Universeine, secteur nord : Pour l’ensemble du secteur, la part du bois se décline ainsi : façades à ossature bois à partir de R+2, planchers de bureaux en premier jour en CLT (Ilot B2), structure bois hors noyau à partir de R+2 pour les bâtiments de moins de 28 m (Ilot A1 et A2), Duplex avec plancher intermédiaire en bois type CLT (A1 et A2), duplex en attique  avec structure poteau-poutre en bois (A1 et A2).
© Kreaction / Architectes secteur nord : Clément Vergély architectes/Béal & Blanckaert architectes/ atelier Pascal Gontier/Lina Ghotmeh architecture/Gaëtan LePenuel architectes – Architectes secteur sud : Atelier d’architecture Chaix & Morel et associés / Triptyque architecture

 

Emissivité et réversibilité

 

Enfin, le Village Olympique doit combiner programmation compressée, basse émissivité et réversibilité. C’est la règle des villages olympiques, certes, mais cet exercice prend une dimension nouvelle dans la perspective d’une évolution obligée de la construction vers la faible émissivité.

 

Construire réversible, c’est éviter les émissions qu’entraînerait une déconstruction-reconstruction, comme le quartier de La Défense en fait l’orgie depuis des décennies. Partant, une structure stockant beaucoup de carbone prolonge le stockage.

 

La réversibilité peu émissive fait entrer la construction dans un univers nouveau, mais le cas concret du Village Olympique montre que cela se fait parfois au détriment du bois. C’est le cas des surface destinées aux logements de athlètes et qui deviendront ensuite des espaces tertiaires : pour certaines familles d’exposition au risque incendie, la configuration logement exige désormais un encapsulement des structures en bois. Ce n’est pas le cas ou mode tertiaire.

 

Mais encapsuler puis décapsuler ces espaces devient un non-sens économique et émissif, de sorte que la structure bois est évacuée, quitte à détériorer le bilan émissif.

 

Le triomphe du poteau-poutre

 

La construction réversible, grand sujet de la décennie, semblait favoriser le bois, au moins pour la transformation potentielle de bureaux en logements, comme dans le cas du Palazzo Méridia de Nice.

 

A vrai dire, l’exemple du Village olympique est trompeur dans le sens où un immeuble de logements à la structure bois encapsulée conserve son potentiel de transformation tertiaire dans des conditions habituelles.

 

Par ailleurs, une approche poteau-poutre s’impose largement au Village Olympique en association aux exigences de réversibilité, à la fois pour la reconfiguration des logements et pour la transformation de logements en bureaux. Simplement, les systèmes poteau-poutre peuvent être en bois, en béton, en acier, ou mixtes.  

 

 

Secteur E : 100% de bois français hors LVL, en collaboration avec les partenaires forestiers de CDC et Groupama ; 1574 m3 de bois structurel + 15151 m3 de façades porteuses MOB pour les logements ; 1705 m3 de bois structurel et 6219 m3 de façades en bois pour les bureaux ; 13 bâtiments sur 19 en structure bois : le groupement en charge du lot E est le champion de la construction bois sur le VO, à tous points de vue.
© Solideo / Nexity_Eiffage Immobilier_CDC Habitat_EDF_Groupama – Tous droits réservés

 

Le bois invisible

 

D’ores et déjà, le laboratoire du Village olympique apporte donc son lot de mauvaises nouvelles pour le bois. Les immeubles à vivre prônés par l’association AdivBois, avec du bois structurel apparent auquel s’ajoute un aménagement intérieur en bois reste d’actualité pour les petits ouvrages, mais pas pour les immeubles de moyenne hauteur que l’association était destinée à promouvoir.

 

Au Village, le volume estimé de bois d’œuvre est ramené, selon les dernières estimations, à un total de 21 000 m3, qui reste colossal pour la filière française de construction bois. Selon la Solidéo, 30% des bâtiments seront à structure bois ou mixte, 50% des surfaces de logements « bas » seront en structure tout bois, 80 à 90% des bâtiments contiennent une enveloppe bois.

 

Mais le bois ne sera guère visible, masqué en façade par les habillages extérieurs et intérieurs, encapsulé de toutes parts.

 

 

Secteur E : Avec Setec TPI, le groupement a mis au point un dispositif original de poteaux poutres structurels, qui peut être associé à des planchers en béton préfabriqués. ©Solideo / Nexity_Eiffage Immobilier_CDC Habitat_EDF_Groupama - Tous droits réservés

 

Un effet bois olympique malgré tout

 

Il n’y aura pas d’effet bois ou biosourcé au Village Olympique. Mais pour ce qui est des Jeux olympiques et para-olympiques de 2024 et des équipements fournis par Solidéo, c’est différent.

 

Le COJO a établi ses quartiers au Pulse. La piscine olympique sera en structure bois tout comme l’Arena et le Grand Palais Ephémère, complété sans doute par toute sortes d’autres ouvrages éphémères au moins partiellement en bois.

 

Associé au projet du Village olympique, un groupe scolaire neuf sera en construction bois. Le bilan de la part du bois aux JO reste à établir en fonction de ce qui sera réellement construit, mais il sera à la fois incomparablement supérieur à celui des éditions précédentes, et visible dans le monde entier.

 

 

Secteur D : les plots bas à usage de logements sont en poteau-poutre bois avec plancher CLT, performance E3C2.
© Solideo / Icade_CDC_CDC Habitat_UAPS_Brenac&Gonzalez&Associés_Atelier Pascal Gontier_NP2F_Post-Office Architectes_Ailleurs-Studio

 

Avancées réglementaires

 

France Bois 2024 a publié ses préconisations pour la construction bois en matière de protection incendie, qui viennent se surajouter à la réglementation existante et combler les vides, de fait, en immeubles de logement de seconde et troisième famille.

 

S’ajoute, en collaboration avec le CSTB, un guide de conception ETICS sur FOB/COB, un guide de conception de bardage de terre cuite sur FOB/COB. Les deux guides, finalisés d’ici la fin du mois et présentés dans la foulée en Commission Prévention Produit, devraient être publiés au premier trimestre 2021.

 

Les présentations des 5 lots ont fait apparaître qu’un certain nombre d’Atex (Avis techniques d’expérimentation) seront nécessaires en complément, ainsi que des avis de chantier, élaborés courant 2021. Tout cela enrichit notablement l’arsenal réglementaire ou para-réglementaire dans le domaine de la construction bois d’immeubles de logements de 2e et 3e famille.  

 

 

Secteur D : L’expertise bois est assurée par des entreprises comme Elioth, Ossabois, Mathis et REI Habitat. L’estimation du volume de bois est de 5800 m3 pour les façades et les structures des petits plots à usage de logements.
©Solideo / Icade_CDC_CDC Habitat_UAPS_Brenac&Gonzalez&Associés_Atelier Pascal Gontier_NP2F_Post-Office Architectes_Ailleurs-Studio

 

Laboratoire de la mixité

 

Compte tenu de l’évolution de la construction bois multi-étage en France et en Europe, le bon sens aurait voulu que le Village Olympique prenne exemple sur la vingtaine de démonstrateurs existants en métropole, notamment Sensations à Strasbourg pour le logement et le Palazzo Méridia de Nice, en dégageant comme idée directrice la construction d’immeubles à noyau béton, structure poteau-poutre bois, plateaux en CLT et façades en bois.

 

C’est la grande tendance constructive internationale, mais en France, l’émergence du béton bas carbone fait envisager les choses autrement. Le Village Olympique deviendra ainsi un laboratoire de la construction mixte dernier cri, à la fois en termes de solutions techniques et de calcul optimisé du bilan carbone, sous réserve d’une évaluation crédible du bilan émissif du laitier qui entre dans la composition du béton bas carbone.

 

La mixité, c’est comme le modulaire, ça fait rêver mais on bute vite sur les limites de la pratique. Ainsi, les procédés de façade coffrante en bois développés pour Bouygues et Vinci ne semblent pas voués à une massification.

 

Quant aux planchers mixtes préfabriqués de Vinci selon un brevet de AIA Ingénierie, ils ont été expérimentés sur l’immeuble Treed It à Champs-sur-Marne, mais le retour d’expérience attendu dans le cadre de la dixième édition du Forum Bois Construction est en suspens.

 

 

Quartier Ecofluvial : 48 000 m2 sur trois îlots, 6000 m3 de bois d’œuvre environ, en partenariat avec Roux-Gipen
© Pichet-LegendrePetitDidierPrioux-Atelier Fabrice Commerçon & Ibrahima N’DoyeMétrochrome

 


Source : batirama.com/ Jonas Tophoven

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