Solaire photovoltaïque sur les grandes toitures : espoirs et obstacles selon Soprasolar

Solaire photovoltaïque sur les grandes toitures : espoirs et obstacles selon Soprasolar

Le photovoltaïque sur les grandes toitures concerne surtout la construction neuve. La structure des toitures des bâtiments existants peut rarement supporter des installations photovoltaïques.




Soprasolar, filiale de Soprema, développe des systèmes d’installation de panneaux photovoltaïques pour les toitures des bâtiments logistiques, des bâtiments des grandes surfaces alimentaires et de tous bâtiments commerciaux.

 

Elle fabrique des solutions de fixation des panneaux sur les toitures et fournit tout le matériel – panneau et systèmes d’accrochages - aux entreprises chargées de la pose du photovoltaïque. Jusqu’à présent, l’entreprise a fourni le matériel pour installer environ 150 MWc sur plus de 3 millions de m² de toiture en Europe et dans les DOM-TOM.

 

 

Charles Le Faou de la foncière Argan et  Jean Damian, directeur de Soprasolar, prèchent pour que tous les bâtiments neufs de grand volume aient des toitures "PV ready". ©PP

 

Un énorme marché potentiel et un climat réglementaire favorable

 

Selon Soprasolar, les lois et règlements français, depuis la Loi sur la transition énergétique et la croissance verte d’août 2015, évoluent dans un sens favorable au photovoltaïque sur les grandes toitures. La loi sur la Biodiversité d’Août 2016 prévoit notamment dans son article 86, que tout bâtiment de vente au détail de plus de 1000 m² doit, à partir des permis de construire déposés le 1er mars 2017, prévoir une source de production d’ENR sur tout ou partie de sa toiture.

 

La loi Energie-Climat de septembre 2019, dans son article 47, prévoit la même obligation pour toutes les nouvelles constructions de locaux à usage industriel ou artisanal, d’entrepôts ou de parking de plus de 1000 m², sans que la date d’application soit connue, faute de parution de l’arrêté nécessaire, mais on s’oriente vers 30% de la toiture au minimum. L’expérimentation E+C-, qui préfigure la future RE2020, introduit l’idée des bâtiments BEPOS (Bâtiments à Energie Positive).

 

Bref tout va bien. D’autant plus que le prix des équipements photovoltaïques ne cesse de baisser et qu’il existe en France environ 100 millions de m² de toitures terrasses. De plus, la PPE (Programmation Pluriannuelle de l’Energie) prévoit un parc photovoltaïque installé de 20 GWc à la fin de 2023. Fin 2019, le parc installé atteindra environ 10 GWc.

 

Pour atteindre les objectifs de la PPE, il faudrait donc poser environ 2,5 GWc de photovoltaïque en France chaque année au cours des 4 prochaines années. Le rythme actuel est de l’ordre de 800 MWc/an : il faudrait le multiplier par un peu plus de 3.

 

 

Moins de 10% des bâtiments existants ont des toitures suffisamment résistantes et dont le complexe d'isolation thermique + étanchéité à l'eau est suffisamment durable pour accueillir du photovoltaïque. ©P

 

La réalité est nettement plus nuancée

 

En réalité, souligne Jean Damian, le Directeur de Soprasolar, 90% des toitures terrasses existantes ne sont pas adaptées au photovoltaïque pour au moins deux raisons. Premièrement, elles n’ont pas été conçues pour supporter le poids additionnel des installations photovoltaïques et la reprise de gros-œuvre et des structures des toitures, dans des bâtiments occupés, est à la fois peu pratique et fort chère.

 

Deuxièmement, le complexe isolation thermique + étanchéité à l’eau des toitures terrasses existantes n’est pas non-plus adapté aux installations PV. En effet, ce complexe a été le plus souvent dimensionné pour une durée de vie de 10 ans environ. Tandis que la durée de vie d’une installation photovoltaïque est de l’ordre de 20 à 25 ans.

 

Il faudrait donc démonter l’installation PV, au moins une fois au cours de sa vie en œuvre, pour remplacer le complexe isolation + étanchéité. Ce qui ruine la rentabilité économique d’une installation PV. Pour ces deux raisons, le marché actuel du PV sur les grandes toitures terrasse se trouve plutôt en construction neuve, là où Maîtres d’Ouvrages et concepteurs peuvent prévoir, à faible surcoût, une structure de toiture et un couple isolation + étanchéité, adaptée aux besoins des installations PV.

 

 

Moins de 30% des bâtiments logistiques et des entrepôts neufs construits aujourd'hui ont des toitures capables d'accueillir une centrale photovoltaïque. ©PP

 

Délais administratifs et complexité des procédures

 

De plus, l’administration ne travaille pas vite. Dans le cas d’un bâtiment neuf, pour le raccordement d’une installation PV au réseau, il faut obtenir l’autorisation délivrée par le gestionnaire du réseau : Enedis pour la moyenne et la basse tension, RTE en haute tension.

 

Selon Charles Le Faou représentant la foncière Argan, spécialisée dans la construction et la location d’entrepôts et de locaux logistique haute de gamme, il faut compter 4 mois pour l’obtenir dans le cas d’une autoconsommation totale, 6 à 9 mois dans le cas d’injection sur le réseau. Enedis et RTE peuvent refuser cette autorisation pour des raisons techniques qui leur sont propres.

 

Mais on ne peut pas la demander dès le début du projet, puisque la demande officielle doit être accompagnée d’un certain nombre de pièces, dont le schéma électrique définitif de l’installation qui n’est connu que lorsqu’elle est terminée. Il faut aussi que la centrale PV soit mentionnée sur le permis de construire.

 

Autre contrainte : la réalisation d'un bilan carbone

 

Ensuite, si le Maître d’Ouvrage veut utiliser les appels d’offres de la CRE (Commission de Régulation de l’Energie) dans le cas d’installations d’une puissance supérieure à 100 kWc, il doit passer par d’autres fourches caudines. Il faut tout d’abord réaliser un bilan carbone de l’installation. A l’échelle du marché mondial du photovoltaïque, la France est toute petite, mais c’est pour l’instant le seul pays qui demande un bilan carbone, dans le cas des appels d’offres de la CRE. La plupart des fabricants mondiaux ne sont pas en mesure de les fournir.

 

Ensuite, la CRE demande des panneaux PV qui permettent aux toitures exposées à un risque d’incendie extérieur de répondre au niveau de classement Broof T3 selon la méthode européenne « CR 1187.2001 – Essai : Brandon Vent Rayonnement ». Seules deux marques proposent des panneaux PV certifiés pour répondre à l’exigence Broof T3 : Recom-Sillia et AUO. Ce ne sont pas les moins coûteux du marché.

 

 

En raison de l'évolution en sens opposé du coût des installation PV et du prix du kWh fourni par le réseau (+5,9% d'augmentation en 2019), le kWh PV est rentable dès aujourd'hui. ©PP

 

Pourtant, le PV est rentable dès à présent

 

Face à ces exigences particulières, la foncière Argan a décidé de ne pas solliciter d’aide et d’investir elle-même dans des toitures PV sur ses bâtiments neufs. Ces installations sont dimensionnées en fonction des besoins du bâtiment et exclusivement destinées à l’autoconsommation. Selon Charles Le Faou, il faut compter 1000 € HT/kWc, sans compter le renforcement des structures de la toiture.

 

En ce qui concerne le prix du kWh, il l’estime à 5 à 8 C€/kWh actualisé sur 20 ans pour des installations PV, contre 7 à 11 c€/kWh acheté au réseau actuellement, sans compter le coût de l’abonnement. Donc, le PV est rentable dès aujourd’hui et cette rentabilité ne peut que croître à l’avenir : les prix des composants principaux d’une installation PV – panneaux et onduleurs - continuent de baisser, tandis que le prix du kWh fourni par le réseau monte régulièrement. L’augmentation a été de 5,9% en 2019, par exemple.

 

Développer des solutions d'installation PV assurables

 

Pour développer le marché, estime Soprasolar, il faut au moins faire deux choses et tenter d’en obtenir une troisième. Premièrement, il faut développer des solutions d’installation PV assurables. Les assureurs, par définition, craignent l’inconnu et l’innovation. Il faut les rassurer et replacer le PV dans leurs schémas connus.

 

Le fabricant, pour ses systèmes d’accrochage de panneaux en toitures à faible pente (2à 3%) a obtenu un Avis Technique (n°21/15-54 Soprasolar Fix Alu), une Appréciation Technique d’Expérimentation (ATEX 2352 pour Soprasolar Fix Evo) et 6 ETN ou Etudes de Technique Nouvelle. Autant de démarches qui permettent à un assureur de replacer le PV dans son univers connu et ses techniques d’assurance classiques. Depuis 10 ans, le fabricant n’a enregistré aucun sinistre sur ses solutions de fixation.

 

Deuxième chose à faire : éduquer toute la filière – Maîtres d’Ouvrage, architectes et BE – sur l’intérêt de concevoir et de construire des toitures « PV ready ». D’une part, cela préserve l’avenir et permettra d’équiper ces toitures si la rentabilité du PV poursuit sa croissance. D’autre part, si les structures sont bien conçues, le surcoût à la construction est très faible. Soprasolar estime que seulement 30% des toitures des bâtiments neufs de grand volume sont « PV ready » aujourd’hui.

 

Aller vers la simplification et la souplesse en matière de procédures

 

La troisième chose à faire, ou plutôt à tenter d’obtenir des Pouvoirs Publics et des gestionnaires du réseau électrique, est la simplification des procédures et une souplesse accrue dans les réglementations.

 

Par exemple, les arrêtés d’application de la loi Energie-Climat de septembre 2019 s’orientent, pour les toitures neuves pour les bâtiments de grand volume, vers une exigence de 30% de couverture par du PV. Cette valeur n’a aucun sens. Dans les réalisations de la foncière Argan, par exemple, pour des entrepôts très énergivores, abritant des chambres froides et fonctionnant toute l’année, nuit et jour, 25 à 40% de taux de couverture de la toiture suffisent pour l’autoconsommation totale.

 

Dans le cas d’entrepôts à température ambiante, 7 à 10% de couverture de la toiture par du PV suffisent pour l’autoconsommation. Monter à 30% impliquerait d’injecter une partie de la production sur le réseau, soit encore plus d’exigences et de délais de la part des gestionnaires du réseau.

 

Enfin, il faut que les gestionnaires du réseau s’organisent. S’il leur faut aujourd’hui 6 à 9 mois pour instruire un dossier d’injection de PV sur leurs réseaux, alors que les réalisations se comptent par milliers par an, que se passera-t-il sous l’emprise de la RE2020 quand TOUS les bâtiments neufs, soit plusieurs centaines de milliers par an, devront exporter de l’électricité vers le réseau ?

 



Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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