Urgence climatique : l’industrie du béton se pose des questions

Urgence climatique : l’industrie du béton se pose des questions

La réduction de l'empreinte carbone devient une priorité pour construire la ville de demain. Un thème débattu lors de l’Assemblée générale de la Fédération de l’industrie du béton qui a élu un nouveau président.




L’industrie du béton se pose des questions et elle a raison. L’urgence climatique et l’impératif de la décarbonisation ne plaident pas en effet au premier abord pour l’utilisation d’un produit réputé carboné et, sans doute, trop vite critiqué.

 

Autre reproche formulé : en tant qu’assemblage de matériaux de nature minérale, le béton préfabriqué participe à la création des ilots de chaleur urbain… sauf le béton clair ou brut. A noter que l’asphalte, le goudron, le gravier ou la brique créent des surfaces artificielles responsables du phénomène. Un phénomène aggravé en cas de canicule et amplifié par l’activité industrielle, la climatisation, les transports… et l’absence de verdure en ville.

 

Alors, comment construire ? « Le secteur de la construction n’est pas le plus innovant » estime d’emblée Gwenaelle Costa le Vaillant, directrice Smart Région, Région Ile de France, invitée lors de l’assemblée générale.

 

Elle constate en effet qu’il y a peu de levées de fonds pour stimuler des start-up dans ce secteur et qu’il y a un vrai besoin de réinvestir ce champ qui doit devenir une priorité stratégique. « La filière de la construction devra être totalement repensée et elle devra recruter de nouveaux talents, en raison des nombreux départs à la retraite à venir», affirme Gwenaelle Costa le Vaillant. Selon la professionnelle, l’excellence de la filière doit cependant lui permettre de devenir une vitrine à l’exportation.

 

Construire avec un mixte de matériaux incluant du biosourcé

 

De son côté, Vincent Margout, directeur Qualité développement durable, (Grand Paris Aménagement), estime que le bilan carbone du béton, n’est pas « génial » et qu’il faudra être de plus en plus attentif à la qualification des matériaux utilisés en construction.

 

Il prône un mixte de matériaux incluant des matériaux biosourcés qui permet de « monter des projets qui tiennent la route ». Ce qui suppose une coordination étroite entre les différentes filières industrielles de la construction, terre cuite, terre crue, matériaux biosourcés et béton…

 

Un mixte de matériau que ne conteste pas Philippe Gruat, président de la FIB (auquel succédera le nouveau président élu, Bertrand Bedel, voir ci-dessous) qui insiste néanmoins sur le rôle fédérateur du béton en tant que « socle » de la construction. Les qualités structurelles du matériau, sa facilité de mise en oeuvre et ses caractéristiques de tenue au feu plaident pour une utilisation pérenne du béton, quitte à revoir les modalités de sa fabrication d’amont en aval. Un travail que la filière mène actuellement.

 

Philippe Gruat regrette toutefois que le marché ne soit pas davantage demandeur de solutions innovantes. « Les innovations techniques ont été développées notamment dans le béton mais le marché n’est pas encore vraiment demandeur » constate le président de la FIB. Autre regret : le secteur souffre d’un manque d’attractivité et attire peu de talents d’innovations.

 

 

Philippe Gruat  a insisté sur le rôle du béton dans les projets de construction qui incluront un mixte de matériaux. Les qualités intrinsèques du béton, dont celle de la tenue au feu, en font un allié de poids.

 

Smartseille : passer de l’accession à l’usage

 

Les expériences se multiplient néanmoins aujourd’hui avec la mise au point de solutions exemplaires qui se veulent durables et écoresponsables. C’est notamment le cas du projet Smartseille, présenté par Hervé Gatineau, directeur immobilier des grands projets d’Eiffage.

 

Smartseille, démonstrateur de la ville de Marseille et de l’EPA Euroméditerranée, est un projet urbain de 58 000 m2. Il s’agit de la première application du laboratoire Phosphore, créé par Eiffage en 2007, avec Energie Telecom et Orange pour créer un habitat  hyperconnecté.

 

Si le tout « hyperconnecté » suscite auprès de certains habitants des inquiétudes (respect de la vie privée), il offre l’avantage dans ce cas de figure de favoriser la mutualisation et le partage des lieux nouvellement construits : places de stationnement, chambre d’hôte, salles de réunion.

 

« On est passé de l’accession à l’usage et au final, cela coûte moins cher aux occupants » reprend Hervé Gatineau qui plaide pour une intensification et un partage des usages des locaux vides la moitié du temps (bureaux, écoles, habitat).

 

Le béton, un matériau pertinent pour le confort d’été

 

Pour Hervé Gatineau, le béton demeure un matériau formidable et pertinent dans ce projet marseillais notamment en raison du confort d’été assuré. « Le béton brut permet de décharger la chaleur de la nuit et il autorise la création d’éléments intéressants comme les moucharabieh. Il est possible de tout revisiter » reprend-il.

 

Les intervenants de cette assemblée générale sont d’accord sur un point : on ne peut plus rester tout seul dans sa bulle aujourd’hui. Ils évoquent tous la co-construction, le partage des idées (entre concepteurs et utilisateurs) voire le partenariat à 360° autour des projets de construction et des usages des bâtiments.

 

Gwenaëlle Costa le Vaillant, insiste ainsi une nouvelle génération de logements, bureaux ou médiathèques hybrides qui doivent correspondre à de nouveaux usages partagés. La rénovation de ces équipements peut d’ailleurs s’inscrire dans ces tendances (avec la Smart rénovation) à condition d’y penser dès l’amont…

 

La résilience urbaine à Paris autour de 6 enjeux

 

Autre sujet évoqué lors de l’assemblée générale de la FIB, celui de la résilience urbaine, notamment développé par Sébastien Maire, délégué général à la Transition écologique et à la Résilience à la ville de Paris.

 

Membre depuis 2015 du réseau des 100 villes résilientes, la ville de Paris a conduit un état des lieux des forces et faiblesses du territoire, puis développé une stratégie de résilience urbaine. Six enjeux prioritaires ont été identifiés (inégalités, risque terroriste, dérèglement climatique, pollution de l’air, risque de crue de la Seine, gouvernance territoriale).

 

Paris souhaite développer un référentiel de voie résiliente, avec des matériaux adaptés aux différents risques, typologies de surfaces, mobiliers polyvalents. La FIB, en synergie avec le Cerib, a débuté un travail collaboratif avec la ville de Paris sur la mise au point de solutions préfabriquées en béton spécifiques au regard de certains enjeux liés à la résilience.

 

"Il faut évoluer sur le bilan carbone"

 

Sébastien Maire exhorte les acteurs industriels à « évoluer sur le bilan carbone » qui deviendra un critère obligatoire inscrit dans les cahiers des charges des commissions d’appels d’offre. Il a cité un projet expérimental zéro béton qui utilise des pieux vissés pour les fondations et des matériaux biosourcés en construction.

 

Selon lui, ce projet d'extension de 227 m2 garantit un gain de 45 % par rapport au même bâtiment en construction conventionnelle béton soit 700 kg eqCo2/m2 SDP (niveau C2 dans le label E+C-) contre 1280 kg eqCo2/m2 SDP. A l'échelle de ce projet, cela représente 132 tonnes de CO2 évité... sachant qu'une tonne de CO2 permet de chauffer un 2 pièces pendant 1 an ou d'effectuer 14000 km en voiture, rappelle Sébastien Maire.

 

 

 

Sebastien Maire, délégué général à la Transition écologique et à la Résilience à la ville de Paris (à gauche) et Pascal Casanova, Président directeur général d'Alkern. La société compte 50 usines de produits de construction en béton et réalise un CA de 200 M€.

 

Quel matériau de sol pour rénover 70 hectares de cours d’écoles ?

 

Sébastien Maire a évoqué un projet emblématique de cette nouvelle politique : la rénovation de 70 hectares de cours d’écoles parisiennes. Ces surfaces asphaltées affichent 35° à 5 h le matin lors des périodes de canicule. Elles se caractérisent également par l’absence de gestion des eaux pluviales.

 

Une large consultation associant 12 directions de services parisiens réfléchit ainsi sur ce nouveau type de cour d’école rénovée qui fera la part belle à la végétalisation des murs (avec des fontaines et des potagers pédagogiques), afin de résister aux périodes de canicules à venir. Autre objectif du projet : partager ces lieux réaménagés avec les résidents du quartier, notamment âgés, lorsque les classes sont terminées.

 

Pour rénover les surfaces des cours, deux bétons et un enrobé à froid ont été testés pour l’instant sans résultat probant. « Il nous faut un sol compatible avec les usages, donc pas trop rugueux ni trop glissant, utilisant peu d’énergie grise et drainant… » résume Sébastien Maire, conscient de la nécessité d’une large collaboration avec l’ensemble des acteurs concernés, dont les industriels. Car après les écoles, d’autres bâtiments publics devront être rénovés, dans une optique identique, précise Sébastien Maire.

 

 

70 hectares de cours d'écoles parisiennes devront être rénovés avec une ambition : créer des espaces végétalisés répondant aux usages scolaires, qui puissent être partagés avec les résidents du quartier après la fermeture des classes.

 

Les solutions préfabriquées en béton répondent « présentes »

 

Quel travail de communication devra mener la FIB pour s’inscrire dans cette nouvelle vague résiliente ? Pascal Casanova, Président directeur général d’Alkern, juge « génial » ce projet de rénovation de cours d’école. La Fédération de l'industrie du béton est prête selon lui à accompagner les volontés politiques des villes qui veulent innover.

 

« Nous ne sommes pas là pour nous opposer aux autres matériaux de construction et nous devons faire valoir nos arguments avec objectivité » répond le responsable qui rappelle les caractéristiques des nouveaux bétons mis au point : solutions drainantes, dalles de voirie dépolluantes, pouvoirs réfléchissant du béton pour lutter contre les effets de la chaleur, et conception de façades et toitures végétalisées.

 

Par ailleurs, notons que les projets de construction de béton recyclé, contribuant à l’éco-conception sont en cours. Le message semble clair aujourd’hui : les acteurs industriels du béton devront participer à cette « révolution » et nouvelle transition politique qui s’accompagnera d’une transformation en profondeur des méthodes et des métiers.  

 

 

Bertrand Bedel, est le nouveau président élu de la Fédération de l'industrie du Béton, lors de l'assemblée générale. Agé de 62 ans, M. Bedel, membre du conseil de surveillance d'Alkern compte 36 ans au service de l'industrie du béton. Sa feuille de route pour les 3 ans à venir s'inscrit dans la continuité des travaux initiés par Philippe Gruat : poursuivre les rapprochements avec les acteurs de la Filière Béton et les organisations professionnelles de son environnement. Il poursuivra également le programme de valorisation des produits et systèmes à travers les Smart Systèmes en Béton.

 

L’industrie du Béton en chiffres

 

  • 505 entreprises
  • 771 sites de production 
  • Un CA de 2,4 milliards d’€ départ usine, hors taxes et hors transport, dont :
  • 67,4 % à destination du bâtiment
  • 32,6 % à destination des travaux publics et du génie civil
  • Un volume de 19 millions de tonnes de produits en béton
  • 17 320 salariés
  • Le 1er employeur des industries de la branche carrières et matériaux de construction.

 


Source : batirama.com/ Fabienne Leroy

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