La concurrence demeure imparfaite sur les marchés du gaz et de l’électricité

La concurrence demeure imparfaite sur les marchés du gaz et de l’électricité

Les marchés du gaz et de l’électricité sont libéralisés depuis juillet 2007. Partiellement seulement, ce qui entrave la concurrence entre les fournisseurs « historiques » et les nouveaux.




Progressivement entre février 1999 pour l’électricité, août 2000 pour le gaz, et juillet 2007 pour les deux énergies, les marchés du gaz et de l’électricité ont été ouverts à la concurrence. Depuis le 1er juillet 2007, tous les consommateurs, depuis les ménages jusqu’aux plus gros industriels, ont la possibilité de choisir leur fournisseur d’électricité et de gaz.

 

Pour les consommateurs domestiques, il existe cependant encore des tarifs dits TRV pour Tarifs Réglementés de Vente, proposés uniquement par les fournisseurs historiques : EDF en électricité, seul fournisseur historique en électricité et Engie, l’ex-GDF, en gaz, ainsi qu’une petite dizaine de Régies Municipales. Dans un projet de loi qui n’est pas encore venu en discussion au Parlement, la disparition des TRV est prévue pour 2023.

 

 

 

Le remplacement des compteurs d’électricité traditionnels par les compteurs Linky favorise la concurrence pour les clients domestiques. Le changement de fournisseur s’effectue en ligne, sans interruption de fourniture, sans intervention sur site. © Enedis

 

37,4 millions de compteurs d’électricité

 

Fin décembre 2017, selon la CRE (Commission de la Régulation de l’Energie), il existait en France 37,4 millions de clients de sites éligibles à des « offres de marché » en électricité et 11,4 millions pour le gaz. La consommation annuelle d’électricité atteint 443 TWh, celle de gaz se monte à 481 TWh.

 

En électricité, les sites résidentiels représentent 86,6% du nombre total de sites, mais seulement 35% de la consommation. Tandis que les grands sites non-résidentiels (puissance souscrite ≥ 250 kW, consommation annuelle ≥ 1 GWh en général) en électricité ne représentent que 0,1% du nombre total de sites, mais tout de même 41% de la consommation.

 

Les autres sites non-résidentiels, moyens (36 à 250 de puissance souscrite) et petits (< 36 kVA), représentent 12,1% des sites et 25% de la consommation annuelle.

 

En gaz, le paysage est encore plus contrasté : les sites non-résidentiels raccordés directement au réseau de transport de gaz représentent seulement 0,01% du nombre total des consommateurs, mais 39% de la consommation. Tandis que les sites non-résidentiels comptent pour 6% du nombre de sites et 36% de la consommation. Les clients domestiques constituent, pour leur part, 94% du nombre de sites et seulement 25% de la consommation.

 

 

 

Dans cette concurrence entre les fournisseurs d’énergie, les fabricants de matériels de chauffage et de production d’eau chaude évitent soigneusement de prendre parti. Pour les chaudièristes, le partenaire est GrDF qui pousse au développement du Gaz Naturel et du Biogaz, quel que soit le fournisseur. ©PP

 

Très lente progression des fournisseurs alternatifs

 

Fin décembre 2017, la CRE recensait 38 fournisseurs « alternatifs » nationaux d’électricité pour le marché de détail (clientèle domestique, petits et moyens non-résidentiels). Ils vont d’Alpiq Energie France à Vattenfall, en passant par Butagaz (si, si, Butagaz est un fournisseur alternatif d’électricité), Cdiscount Energie, Direct Energie, Ekwateur, Engie, ENI, Iberdrola, Solvay et Total.

 

La CRE recense également environ 160 fournisseurs d’électricité, dits non-nationaux, qui ne couvrent pas tout le territoire français. Mais sur les 37,4 millions de sites éligibles, seulement 20% des sites sont en « offre de marché » au 31 décembre 2017, dont environ 18% auprès d’un fournisseur alternatif, soit environ 7,6 millions de sites. Ce qui signifie que 2% des sites (795 000) ont choisi une offre de marché proposée par EDF, seul fournisseur « historique » en électricité.

 

Cela signifie surtout que 80% des sites éligibles sur le marché de détail de l’électricité demeurent en TRV, soit 29 882 000 sites, après plus de 10 ans d’ouverture du marché.

 

En gaz, la CRE recense 28 fournisseurs alternatifs (d’Alppiq Energie France à Vattenfall, en passant par Direct Energie, EDF, Ekwateur, ENI et Gazprom Energy), 5 fournisseurs historiques (Gaz de Bordeaux, Gedia Energies & Services, Engie, Total Energie Gaz et ES) et 40 fournisseurs non-nationaux.

 

En revanche, au 31 décembre 2017, tous types de clients confondus, les offres de marché représentent 56% des contrats (29% auprès des fournisseurs historiques et 27% auprès de fournisseurs alternatifs), contre 44% pour les TRV. En termes de consommations, les offres de marché représentent 89% des consommations françaises annuelles (32% pour les fournisseurs historiques et 57% pour les fournisseurs alternatifs), contre 11% pour les TRV.

 

 

 

En gaz, le compteur communicant Gazpar est peu à peu déployé par GrDF qui en avait installé plus d’un million fin mars 2018. ©GrDF

 

Une ouverture des marchés inachevée

 

Face à ces chiffres, force est de constater que l’ouverture des marchés n’est pas aboutie. Les fournisseurs historiques et leurs TRV, moins en gaz qu’en électricité, conservent de très fortes positions.

 

Que demandent les fournisseurs alternatifs ? Si l’on écoute ENI, le producteur et distributeurs d’énergie gaz et électricité italien, les fournisseurs alternatifs veulent deux évolutions le plus vite possible, afin de créer de véritables conditions de concurrence.

 

Tout d’abord, souligne ENI, l’Europe a demandé la suppression des TRV en 2017. La France tarde à prendre une décision et envisage timidement cette disparition en 2023. Trop tard, disent ENI et les autres fournisseurs alternatifs, rassemblés dans ANODE (Association Nationale des Opérateurs Détaillants en Energie http://anode-asso.org/). Il faut avancer cette date à 2020, par exemple.

 

En effet, soulignent les fournisseurs alternatifs, la structure des tarifs de gaz et d’électricité en France se compose d’1/3 de taxes diverses, d’1/3 de redevances pour l’utilisation des infrastructures, payées à RTE (réseau transport d’électricité), à Enedis (Ex-ErDF qui gère les réseaux moyenne et basse tension), à RTG (réseau de transport gaz) et à GrDF, et d’1/3 de coût d’énergie.

 

Les deux premiers tiers sont acquittés par tous les distributeurs d’énergie de manière identique. La concurrence ne peut porter que sur le dernier tiers de la facture. Or, indique ENI, la marge est très faible pour les distributeurs d’énergie auprès des clientèles non-domestiques : industrie, tertiaire et collectivités territoriales.

 

La marge existe surtout sur le segment des clients domestiques et il est injuste que les fournisseurs alternatifs soient largement exclus du segment de marché le plus juteux, en raison de l’existence des TRV. Il faut donc demande ENI, premièrement, mettre fin aux TRV de manière à ce que tous les clients basculent en offres de marché.

 

 

 

Jean Gaubert est Médiateur de l’Energie, un rôle tout à fait distinct de celui la CRE. Pour les clients domestiques, le site du Médiateur de l’Energie http://www.energie-info.fr/ propose un comparateur indépendant pour apprécier les offres des différents fournisseurs de gaz et d’électricité. Pour une situation géographique donnée, il tient compte à la fois des fournisseurs nationaux et des fournisseurs locaux. ©Médiateur de l’Energie

 

La rentabilité de GrDF et d’Enedis

 

Deuxièmement, soulignent ENI, GrDF et GRTgaz sont des filiales à 100% d’Engie, tandis qu’Enedis appartient en totalité à EDF et TRE à 50,1%. Pourtant ces quatre entreprises exercent chacune un monopole de transport et de distribution de gaz ou d’électricité. C’est d’ailleurs parfaitement logique : il serait absurde que chaque fournisseur d’électricité et de gaz doive déployer son propre réseau de transport et de distribution, mieux vaut mutualiser.

 

Les conditions de l’exercice de ce monopole sont fixées par la CRE. Il s’agit du TURPE (Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Electricité) pour Enedis et RTE, des versions successives des ATRD (Accès des Tiers au Réseau de Distribution) – la version 5 est entrée en vigueur le 1er juillet 2016 - pour GRTgaz et pour GrDF. Même si ce n’est pas l’avis d’Enedis et de GrDF, les conditions d’exercice de leur monopole sont très généreuses.

 

De 2015 à 2017, Enedis a versé environ 500 millions d’Euros de dividendes à EDF chaque année, soit 82% de ses bénéfices annuels. Ensuite, Enedis a placé environ 3 milliards d’Euros de trésorerie au sein du groupe EDF. Depuis 2016, ce placement n’est plus rémunéré. De son côté, GrDF a dégagé un résultat net de 302 m€ sur un CA de 3 621 M€ en 2016, de 150 M€ sur un CA de 3 562 M€ en 2017.

 

Les fournisseurs alternatifs ont le sentiment justifié que leurs concurrents historiques bénéficient directement du produit d’une activité de monopole. ENI demande donc une séparation financière entre Enedis et EDF, ainsi qu’entre GrDF et Engie, afin d’augmenter la concurrence entre les fournisseurs d’énergie en France. Bon courage !

 


Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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