Une chaire des Bétons innovants pour de nouvelles applications à Nantes

Une chaire des Bétons innovants pour de nouvelles applications à Nantes

Chapes fluides, bétons autoplaçants, conductivité thermique des bétons, réduction de la consommation de matières premières et, naturellement, bétons connectés sont au programme à Nantes




En 2015, Edycem (ex VM Betons), membre du Groupe Herige (ex VM Matériaux), s’est engagé à financer la Chaire Bétons Innovants de l’Ecole Centrale de Nantes pour cinq ans. Edycem, la branche béton du Groupe Herige, emploie environ 300 personnes et comporte deux branches : Edycem BPE (Béton Prêt à l’Emploi) et Edycem Préfa (Béton préfabriqué industriel).

 

Edycem possède 24 centrales à Béton Prêt à l’Emploi (BPE) certifiées NF et deux usines de préfabrication industrielle. Le Groupe Herige, quant à lui, est un vaste conglomérat industriel dans le monde du bâtiment. Outre le béton, le groupe possède aussi les marques de fenêtres Solabaie et AtlanteM, Charuel pour les portails et clôtures, Cominex pour la pierre naturelle, les carrelages Havana – CIR et les poutres bois Posi-Incobois.

 

 

Edycem et l’Ecole Centrale de Nantes sont associés dans une Chaire Universitaire pour développer des « Bétons innovants pour de nouvelles applications ». ©PP

 

Les nouveaux enjeux du béton

 

Le monde du béton est moins rigide qu’on l’imagine. Il est poussé par l’évolution des règlementations et par les attentes de ses clients, notamment en termes de réduction de son empreinte carbone et de son impact environnemental.

 

Il faut construire des bâtiments plus performants du point de vue thermique, sans augmenter exagérément les épaisseurs de parois extérieures. Le sable de mer devient rare, il faut le remplacer par du sable de carrières et des granulats recyclés, …

 

Edycem s’est lancé dans le financement d’une chaire de recherche sur le béton pour acquérir une nouvelle expertise sur ces sujets, de manière à adapter ses produits, à innover plus vite et mieux. A mi-parcours dans l’activité de la Chaire de recherche et d’enseignement à l’Ecole Centrale de Nantes, baptisée « des bétons innovants pour de nouvelles applications », Edycem dresse un bilan positif de cette collaboration.

 

 

Le BIS – Béton Isolant Structurel – est l’un des thèmes de recherche. Des travaux menés par S. Mohaine ont permis dès à présent d’obtenir une conductivité thermique < 0,6 W/m.K. ©Edycem

 

BIS : Béton Isolant Structurel

 

Edycem  met en avant deux produits ayant bénéficié des apports des chercheurs de l’Ecole Centrale de Nantes : son Béton Isolant Structurel (BIS) et sa chape fluide Kalkiss. Le BIS répond à l’enjeu de l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments. C’est un béton à faible conductivité thermique, qui conserve le caractère structurel du béton.

 

Depuis juin 2017, le référentiel Afnor NF BPE (révisé en septembre 2016) couvre en effet la conductivité thermique des bétons isolants, tout en respectant la norme NF EN 206/CN. Avec l’aide de la doctorante S. Mohaine à l’Ecole Centrale de Nantes, Edycem tente de mettre au point des BIS autoplaçants, dont la conductivité thermique soit inférieure à 0,6 W/m.K, voire égale à 0,4 W/m.K grâce à l’adjonction de nouveaux matériaux dans la composition du béton.

 

Edycem envisage le dépôt de brevets à ce sujet très rapidement. Le financement apporté par la Chaire a permis à l’Ecole Centrale l’acquisition d’un nouveau conductimètre pour mesurer rapidement la conductivité » thermique des bétons.

 

Les BPE isolants augmentent la résistance thermique des parois. Ce qui permet, à épaisseur totale égale (structure + isolation thermique + parements intérieurs et extérieurs), de faire face aux exigences de la RT2012 et, probablement, de la future RT2020. Ils contribuent notamment au traitement des ponts thermiques.

 

 

 

Les chapes fluides autoplaçantes facilitent considérablement la mise en œuvre. Elles sont sensibles aux effets de tuilage. Les travaux menés à l’Ecole Centrale de Nantes par R. Jaafri ont abouti à une optimisation du dosage de chaux dans la formulation de la chape Kalkiss pour réduire fortement ce phénomène. ©Edycem

 

Réduire les retraits du béton

 

Le second produit est la chape Kalkiss. C’est une chape fluide autoplaçante. Le but des recherches menées à l’Ecole Centrale de Nantes par le doctorant R. Jaafri, consiste à bien comprendre et à supprimer les phénomènes négatifs que ce type de produit peut engendrer si la mise en œuvre n’est pas parfaite, notamment le tuilage (cintrage) engendré par le retrait du béton durant son séchage, s’il existe des écarts de température et/ou d’humidité entre le dessus et le dessous de la dalle.

 

Lorsque la température ou l’humidité augmentent, la dalle se dilate. A l’inverse, elle se contracte lorsque son humidité et sa température baissent. Plus le gradient de température et/ou d’humidité entre le dessus et le dessous de la dalle est important, plus le risque de tuilage est avéré. Le travail mené par R. Jaafri a consisté à optimiser la composition de la dalle Kalkiss.

 

Kalkiss est un mortier fluide à base de chaux et de ciment. Le résultat des travaux a débouché sur l’optimisation de la proportion de chaux pour éviter le tuilage, renforcer les propriétés mécaniques, diminuer le retrait et réduire l’indice de fissuration. Tout cela grâce l’importante porosité que la chaux apporte à la chape, à sa capacité à conserver une humidité relative élevée.

 

 

Les travaux sur le tuilage ont également abouti à la mise au point d’un nouvel outil d’essais structurel, plus pratique, nettement moins encombrant et qui divise par trois la durée nécessaire pour le teste de chapes et dalles. ©Edycem

 

Un nouvel outil d’essai

 

L’Ecole Centrale de Nantes a pu dans le cadre de la Chaire, développer un nouvel outil d’essai de tuilage. L’outil traditionnel pour un essai structurel et de tuilage validé par le CSTB est un banc de 8 x 1 m sur 5 cm d’épaisseur. Il demande un local relativement vaste, mobilise 400 l de chape.

 

Son coût est élevé et il est difficilement reproductible, car il dure au moins trois mois. La régulation précise de la température et de l’humidité relative de la dalle en test s’avère difficile.

 

L’Ecole Centrale de Nantes a développé un autre outil – en cours de certification – qui ne requiert que 5 l de chape, se contente d’un volume de 1 x 0,1 x 0,05 m et dure un mois seulement. L’emploi de ce nouvel outil a permis d’augmenter la proportion de chaux dans la formulation de la dalle Kalkiss et de réduire de 20 à 25% le risque de tuilage et de retrait.

 

Réduire l’impact environnemental des bétons

 

Les sables alluvionnaires et marins disponibles pour le béton se raréfient. Il devient urgent de les remplacer par d’autres sables, notamment issus de carrières. Edycem et l’Ecole Centrale de Nantes travaillent avec les carriers fournisseurs d’Edycem au développement de solutions industrielles pour maximiser l’emploi de sables et de fins granulats issus de carrières.

 

Edycem est déjà capable de remplacer 30% du sable alluvionnaire par du sable de carrières. Le but du travail en cours est d’augmenter cette proportion à 50% dans ses produits préfabriqués en béton (BPF) dans une première étape, puis de la porter à 100% à terme. Autre approche en cours d’étude : l’incorporation de granulats issus de béton recyclés requiert le développement d’une filière.

 

Edycem collabore avec Recy-Béton pour incorporer 10% de granulats recycles dans ses produits préfabriqués et a développé une plateforme de stockage spécifique dans l’une de ses usines de préfabrication. Il faudra aussi une évolution normative pour élargir ce marché. En ce qui concerne les BPE (Bétons Prêts à l’Emploi), la norme NF EN 206 (2014, Béton – Spécification, performances, production et conformité) limite en effet les quantités de granulats recyclés qu’ils peuvent contenir.

 

Moins de ciment dans le béton

 

Le béton, pour faire court, est un mélange de ciment, de sable, de fibres et d’adjuvants. L’une des pistes prometteuses pour diminuer son empreinte carbone, fortement impactée par le cycle de fabrication du ciment, consiste à modifier les dosages, sans modifier ses propriétés mécaniques : moins de ciment et plus de fibres, par exemple.

 

C’est techniquement possible, de nombreux travaux universitaires l’attestent, dont plusieurs articles parmi les centaines rédigés par Ahmed Loukili, Professeur des Universités et responsable de la Chaire de l’Ecole Centrale de Nantes.

 

Ces bétons fibrés, selon la nature des fibres incorporées et de leur dosage, présentent en outre de nombreux avantages : résistance des bétons aux jeunes âges (expression poétique du monde du béton pour désigner le béton coulé depuis peu), remplacement des armatures passives, …

 

Mais voilà, les cimentiers apprécient modérément cette idée et, en France, ils contribuent très largement à la rédaction des règles techniques. Cependant, les normes Européennes sur les calculs et le dimensionnement des ouvrages en béton évoluent et ouvriront certainement la voie vers de nouvelles compositions. En tout cas, sur la question de la formulation des bétons innovants à incidence environnementale réduite, les intérêts des cimentiers et ceux des fabricants de béton, s’ils demeurent très proches, ne convergent plus nécessairement.

 

Smartcem, la chape connectée

 

 

Edycem a développé Smartcem, une chape fluide connectée avec l’aide de la Start-up Flex Sense et du département informatique de l’Ecole Centrale de Nantes. Smartcemse compose de tags RFID (consommables noyés dans la dalle), d’un capteur/transmetteur réutilisable ‘appairé avec le smartphone de l’applicateur) pour lire la date, l’heure et la localisation de l’ouvrage) qui communique en LoRa, Sigfox ou selon le protocole d’Objenious, d’une application de lecture sur smartphone.

 

Toutes les informations sont encodées sur le tag et ne se trouvent pas dans un serveur. La durée de vie du tag noyée dans une chape dépasse 10 ans. Edycem propose à ses applicateurs une procédure de mise en place du tag pour faciliter sa lecture en cas de besoins. Via l’application Android et bientôt iOS, les applicateurs, membres du réseau Edycem Ondaliss Des Sols, disposent en temps réel des informations liées à la vie de la chape fluide identifiée, pour en faciliter une éventuelle intervention au cours de la garantie décennale : nature du liant, résistance mécanique, marquage CE du procédé, référence de l’avis technique en vigueur, nom du titulaire du DTA en vigueur, site de production, date de mise en oeuvre, nom de l’applicateur.

 

Le capteur remonte aussi des données de température et d’humidité relative. Ce qui permet à l’applicateur de certifier sa dalle pour la pose du revêtement de sol. De premiers chantiers Smartcem ont été menés en 2017. Cette technologie pourrait être étendue à des ouvrages en béton banché fin 2018.

 


Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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