"Aujourd’hui, nos filières de revalorisation du bois sont saturées. On a de telles quantités de qui arrivent dans les plateformes car la REP (responsabilité élargie du producteur) incite à trier mais les exutoires ne sont pas prêts à absorber autant de déchets. Les quantités sont énormes", rend compte la Fédération Française du Bâtiment. Le prochain grand chantier du recyclage français concernera-t-il le bois ?
Ces déchets bois représentent 7,4 millions de tonnes collectées chaque année, selon l’Ademe (étude de 2024 pour les chiffres de 2021). Près d’un tiers – soit 2,5 millions de tonnes – est issue du BTP, comme les éléments de charpente, les menuiseries, les parquets, les bois de coffrage… Sur ces 7,4 millions de tonnes, environ 1,6 million sont enfouis. Un vrai gâchis et une situation similaire à celle que connaît le plâtre qui, lui aussi, se recycle pourtant très bien. Mais le parc de valorisation pourrait bientôt évoluer d’ici les trois prochaines années.
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2,5 millions de tonnes de ces déchets bois est issue du BTP, comme les éléments de charpente, les menuiseries, les parquets, les bois de coffrage, etc. © Veka
La saturation du marché de valorisation du bois rappelle étrangement un précédent, après la création de de la REP (Responsabilité Élargie du Producteur) des déchets d’éléments d’ameublement (DAE) en 2013. Cette REP DEA avait initié une forte dynamique de collecte de déchets bois. Trois ans après son lancement, les exutoires n’avaient pas été en mesure d’absorber les grandes quantités récoltées (6,6 millions en 2015 pour seulement 5,2 millions de tonnes valorisées).
Dix ans plus tard, le même scénario se reproduit avec la création de la REP sur les Produits et matériaux de construction du bâtiment (PMCB) en 2023. Désormais les acteurs du bâtiment s’organisent pour trier. Sur les menuiseries par exemple, tout partait directement dans les bennes de tout-venant. En l’espace de seulement trois ans, le tri est devenu presque systématique pour certains acteurs de la déconstruction (bien que cette pratique ne soit pas encore généralisée).
Autant de quantité de bois qui doivent désormais trouver leur chemin auprès des exutoires. "La filière est inondé de bois B dont l’on ne sait pas quoi en faire", explique Jérôme Charbonnel qui dirige une unité de recyclage du verre de menuiserie à Avrillé, près d’Angers. "Le bois B rassemble les meubles mais aussi les fenêtres et les quantités sont hallucinantes." Du côté de Valobat, un des quatre éco-organismes de la REP PMCB, la montée en puissance se confirme bel et bien : "nous avons collecté 250 000 tonnes de déchets bois jusqu’à septembre, contre 120 000 tonnes l’année précédente à la même période", chiffre Sébastien Flichy directeur des opérations chez Valobat.
Aujourd’hui, 5,8 millions de tonnes de déchets bois collectées en France (sur un total de 7,4 millions) sont bien valorisés sur le territoire ou à l’étranger. Tout ce gisement de déchet bois s’achemine généralement vers deux principales destinations :
– l’industrie de panneaux de bois (pour la fabrication de laminés, éléments de mobilier, etc.) ainsi que l’industrie de fabrication de palettes : 3,2 millions de tonnes ;
– La valorisation énergétique (soit brûlé directement, soit ou bien sous forme de pellets) : 2,6 millions de tonnes.
Bonne nouvelle, les capacités de valorisation du bois en France devraient considérablement augmenter d’ici 2028 selon l’Ademe. Il est ainsi prévu que les capacités de recyclage pourraient presque doubler, passant de 1,6 millions de tonnes aujourd’hui à 2,5 millions. "Les capacités de valorisation énergétique devraient, elles, atteindre les 5,6 millions de tonnes", précise l’agence.
"L’industrie du panneau de process achète de moins en moins de bois forestier pour mettre de plus en plus de bois recyclé", explique Nicolas Douzain, le délégué général de la Fédération française du bois (FNB), les "usines achètent chaque année 20 % de plus de bois recyclé". Cependant, la perspective de croissance pour l’industrie du panneau est modérée par Olivier Ponti, président de la section BTP au sein de Fédération des entreprises du recyclage, du réemploi et de l’économie circulaire (Federrec) : le "marché européen et français des meubles en panneaux de particules n’est pas en réelle explosion. Il y a surement une évolution, mais je n’ai pas entendu que c’était notable."
En revanche, le potentiel de développement pour les unités de valorisation énergétique est fort. "Beaucoup de chaufferies qui fonctionnaient au fioul pourront fonctionner au bois", poursuit Olivier Ponti. "Cela va dans le bon sens, car les émissions sont moindres. Il s’agit d’installations classées avec des cahiers des charges très précis, sur notamment les émissions de fumée et leur traitement." "La filière pourrait même être victime de son succès", prévient Sébastien Flichy de Valobat : il "y a en effet beaucoup de projets de chaudières, avec un risque qu’il y ait plus de projets que de flux de bois disponible".
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Bilan des flux de la filière de gestion des déchets bois en France. © ADEME, Étude de gisement des déchets de bois dans la filière bois / bois énergie. Données 2021
Actuellement, sur ce gisement cité de 5,8 millions de tonnes, 33 % est exporté à l’étranger, faute de solutions en France. "Je travaille en région toulousaine et il est vrai que des sites qui peuvent prendre en masse du bois… je n’en ai pas. Les plus proches sont en Espagne !" ajoute Olivier Ponti, également gérant de l’entreprise Diagonale Pro, spécialiste en détection d'amiante, de plomb, de termites.
Une situation que fustige le président de la FNB qui voit dans le mécanisme de la REP PNCB un contributeur à l’exportation de ce gisement. "Nous souhaitons que ce qui part à l’étranger reste en France pour servir la consommation nationale. Mais les REP sapent notre travail car elles rendent gratuit le transport jusqu’à l’exutoire, quel que soit sa destination dans le monde. Si vous envoyez du bois de déchet en Suède, c’est donc la REP qui paye le transport jusqu’en Suède."
Une situation bien réelle mais qu’il convient de nuancer. En effet, l’écrasante majorité des exportations de nos déchets bois se réalise dans des pays limitrophes (Belgique, Espagne, Italie…). Une quantité trouve effectivement destination en Suède mais représente moins de 1 % des flux d’exportations selon les chiffres de Valobat, (ce bois exporté en Suède sert pour la revalorisation énergétique).
"En effet, des flux sortent de France mais souvent dans un contexte local", justifie Sébastien Flichy de Valobat. "Ce sont bien souvent des cas où l’exutoire limitrophe à l’étranger se trouve plus proche du préparateur qu’un établissement en France."
Pour rappel, la filière de revalorisation du déchet bois chez Valobat suit deux étapes. En premier lieu, ce bois subit une préparation auprès de 120 établissements, tous répartis en France. Ces entreprises préparent le bois en fonction des besoins des exutoires qui, eux, peuvent se trouver en France ou à l’étranger. Valobat achète la prestation de ces préparateurs qui peuvent avoir des clients à l’étranger.
"Les prix des filières dépendent fortement de leurs implantations géographiques et sont hétérogènes en France ou à l’étranger", poursuit Sébastien Flichy. "La zone Nord-Est de la France avec les pays limitrophes est celle où la valeur des déchets de bois préparés est la plus forte." Parallèlement la demande pourrait augmenter avec les besoins en revalorisation énergétique.
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"Le prix des déchets de bois de construction en fin de vie ne cessent d’augmenter", précise Nicolas Douzain. Le déchet bois demeure ainsi abondant et abordable, mais pour combien de temps encore ? © Laure Pophillat
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« Bonjour, L’ADEME a établi un bilan des flux de la filière de gestion des déchets de bois en France. C’est une réponse à la question que j’avais posée le 21 novembre dernier à la suite de votre publication de l’article au sujet de PROPELLET Association nationale des professionnels du chauffage au granulé de bois. Si je lis bien, si je comprends bien, la masse de ces déchets issus des produits et des matériaux de construction du bâtiment est énorme, permettant d’approvisionner largement les centrales thermiques, les chaufferies individuelles, utilisatrices de plaquettes ou de pellets. On ne devrait plus voir dans les territoires boisés d’aussi vastes étendues rasées par les abatteuses automotrices. C’est une confirmation des propos du représentant de la coopérative COFORET s’exprimant début 2025 lors d’une assemblée générale de sylviculteurs : « Il n’y a rien à gagner dans cette activité de coupes rases ! » Ce sont de nouveaux arguments pour faire évoluer le code forestier : Peut-on imposer à ceux qui souhaitent continuer à pratiquer ces coupes rases de respecter sur leurs propres parcelles une ZNC Zone non coupée de 5, 10, ou 15 m de largeur, comme il existe en agriculture des ZNT Zones non traitées. Si je ne me trompe, ce sont de bonnes nouvelles, pour la forêt, pour les sols, pour les propriétaires forestiers engagés dans la lutte contre le changement climatique. Avec mes sincères salutations.