À l'origine, le bail mobilité, star du pack de la loi Elan (2018), était un "beau dispositif" créé afin de "favoriser l'accès au logement des jeunes travailleurs", tel que l'explique à l'AFP Loïc Cantin, le président de la FNAIM (Fédération Nationale de l'immobilier). Conclu pour une durée d'un mois, sans en excéder dix, et non renouvelable, le bail mobilité ne s'adressait, comme son nom l'indique, qu'aux locataires en situation de "mobilité" : stagiaires, salariés en formation, travailleurs saisonniers, etc. Mais voilà, à l'approche des JOP (26 juillet-11 août), certains propriétaires en profitent, évidemment, pour détourner son usage et faire de la location touristique classique, comme le rélèvent les observateurs du secteur.
Selon Loïc Cantin, ici en photo, il est "tout à fait possible" à l'approche des JO que certains bailleurs aient choisi de faire "un mauvais usage" du bail mobilité, pratique qu'il dénonce "totalement". © archives Photo PO-EC
Le réseau d'agences Lodgis, spécialisé dans la location meublée, rapporte à l'AFP qu'il a observé une hausse de 2,8 points des baux mobilité au premier trimestre 2024, par rapport à l'an dernier. Il estime aussi entre "15 % et 20 %" la part de propriétaires ayant sollicité le réseau pour réfléchir "à un projet de location JO, notamment en bail mobilité". Plus flexible qu'un meublé classique et aussi avantageux fiscalement, le bail mobilité est aussi moins contraignant qu'un meublé de tourisme, ce que rappelle par exemple la plateforme Airbnb : les voyageurs ainsi logés sont exemptés de taxe de séjour "puisqu'il s'agit d'un bail résidentiel et non touristique". En sus, le logement loué échappe à l'obligation d'enregistrement.
Face à la pénurie d'offre locative à Paris, pléthore de jeunes travailleurs et d'étudiants à la recherche d'un logement n'ont d'autre choix que de signer ce bail, y compris sansen remplir les critères. Toutefois, lorsque la fin du bail coïncide avec l'arrivée des JOP et que leur contrat ou stage n'est pas terminé, c'est la catastrophe.
C'est le cas de Joachim, 23 ans, originaire de Bordeaux et employé dans l'informatique à Paris, qui doit absoluement trouver un plan B avant l'échéance de son bail mobilité fin juin. "Je dois négocier du télétravail pendant deux mois pour pouvoir retourner à Bordeaux où j'aurai un logement pendant les Jeux", témoigne-t-il. Mais que se passera-t-il pour lui si l'entreprise refuse ... ? Son colocataire, jeune intérimaire de 23 ans, est dans le même cas de figure et sera "dans l'obligation de vivre chez des amis, le temps de trouver un logement pendant les Jeux".
Pour le sénateur Ian Brossat (PCF), C'est "la porte ouverte à une précarité plus grande des locataires", pour qui "en période de JO, la tension immobilière est tellement exacerbée qu'on en voit les conséquences XXL". © Photo de profil FB / Ian Brossat
David Rodrigues, responsable juridique de l'association CLCV (Consommation, Logement et Cadre de Vie) observent que certains propriétaires utilisent ce bail "pour contourner l'encadrement des loyers" à Paris, en déclarant le logement comme la résidence secondaire du locataire ou pour faire de la "location saisonnière bis", ce qui leur permet d'échapper aux règles édictées par la mairie.
"Comment voulez-vous qu'à Paris on contrôle l'ensemble des baux signés ? C'est impossible", remarque judicieusement Sarah Coupechoux, chargée d'étude à la Fondation Abbé Pierre. Et d'ajouter : "On crée des contrats dérogatoires au droit commun qui s'adressent au départ à des publics ciblés, mais dès que le marché se tend, ça devient une forme de détricotage de la protection du locataire si on ne met pas les moyens de contrôle en face".
De son côté, en mars dernier, le député Inaki Echaniz (PS) a déposé une proposition de loi visant à lutter contre les congés locatifs frauduleux. Selon lui, les pratiques abusives restent encore trop souvent "impunies", et les locataires subissent encore trop de pressions "pour quitter les logements rapidement".
Quant au gouvernement, il envisage de continuer à développer ce bail. D'ailleurs, l'une des mesures du projet de loi logement, qui sera discuté à partir du 18 juin au Sénat, prévoit de l'étendre au logement social afin de "favoriser le logement des apprentis ou des salariés en formation ou en stage".