Les premiers pas du béton bas carbone dans la vraie vie des bâtiments

Les premiers pas du béton bas carbone dans la vraie vie des bâtiments

Edycem, spécialiste du béton prêt à l’emploi (BPE), construit son nouveau siège social à l’aide de ses bétons bas carbone Vitaliss.




Edycem, membre du groupe Herige, une entreprise familiale, est plus connu sous son ancien nom de VM Matériaux. L’entreprise vendéenne exploite une usine de produits préfabriqués en béton et trois centrales à béton en Vendée. Elle fabrique du BPE (Béton Prêt-à-posEr) depuis 1968 et avait besoin d’un nouveau siège social. Elle s’est donc lancée dans la construction d’Edy’Fix, son nouveau siège social de 1800 m² à Montaigu au sud de Nantes. Edycem fabrique du BPE, mais ne possède pas de carrière et ne produit pas de ciment. Son savoir-faire, c’est la formulation du béton.

 

 

Label E1C1

 

 

Edy’Fix, qui doit accueillir 85 collaborateurs et un laboratoire d’essai de qualité et de développement de produits, a d’abord été conçu par Ludovic Gaillot, architecte membre du cabinet Pelleau Associés Architectes de La Roche-sur-Yon, en béton traditionnel. Mais, le temps passant, la conception de ce bâtiment a coïncidé avec l’achèvement des travaux menés par Edycem et l’Ecole centrale de Nantes dans le développement de la nouvelle gamme de béton bas carbone Vitaliss. ©PP

 

 

Depuis 2001, Edycem finance une chaire à l’Ecole centrale de Nantes et les deux entités collaborent étroitement. Ce qui donne à Edycem une vraie capacité de recherche scientifique dans la mise au point de formulations de béton particulières. Au début de la conception du bâtiment Edy’Fix, on ne parlait pas encore vraiment de la RE2020, mais le label volontaire E+C-, sensé la préfigurer, fournissait tout de même une indication claire : il faut réduire la charge carbone des bâtiments, à la construction et en œuvre, donc décarboner les matériaux de construction.

 

La collaboration avec l’Ecole centrale de Nantes a initialement porté sur l’étude du retrait des bétons, puis sur la mise au point de chapes liquides et de bétons connectés. L’arrivée du label E+C6 a orienté le programme de recherche vers la mise au point de bétons bas carbone. Du coup, Edycem a décidé de faire de la construction de son nouveau siège Edy’Fix, un essai en grandeur réelle de ses nouveaux bétons bas carbone Vitaliss.

 

 

Vitaliss, de moins 20% à moins 50% de charge carbone et même au-delà

 

 

Les résultats de la collaboration entre Edycem et l’Ecole centrale de Nantes – qui, en 2019, a été reconduite pour 5 ans – ont abouti à la création des béton Vitaliss, classés en quatre niveaux, en fonction de leur réduction de charge carbone, par rapport à un béton CEM I :

 

  • Vitaliss C réduit les émissions de CO2 à la fabrication de 22 à 30%,
  • Vitaliss B parvient à 30 à 40% de réduction,
  • Vitaliss A pousse à 40 à 50% de réduction de CO2 ,
  • Vitaliss A+ dépasse 50% de réduction de charge carbone.

 

Au total, 1120 m3 de béton Vitaliss ont été coulés sur le chantier d’Edy’Fix, sur six ouvrages différents :

  • Bétons de propreté : 110 m3 de béton C20/25 X0 S3 en Vitaliss A pour une réduction de 41% de la charge carbone,
  • Planchers et dalles de compression : 415 m3 de C25/30 XC1 S4 en Vitaliss A pour une réduction de 44%,
  • Voiles de béton armé intérieurs : 240 m3 m3 de C25/30 XC1 S4 en Vitaliss A pour une réduction de 42%,
  • Voiles extérieurs : 75 m3 de C30/37 XF1 autoplaçant en Vitaliss B, pour une réduction de 33% de la charge carbone,
  • Voiles extérieurs : 215 m3 de C30/37 XF1 S4 en Vitaliss B, pour une réduction de 34% de la charge carbone,
  • Voiles R+4 : 75 m3 de C35/45 XF1 S4 en Vitaliss B, pour une réduction de 38% de la charge carbone.

 

 

Une partie des façades ont été coulés en béton matricé autoplaçant Viltaliss B. ©PP

 

 

Le savoir-faire du maçon

 

 

Naturellement, à la mise en œuvre, les bétons bas carbone de la gamme Vitaliss ne se comportent pas exactement comme les bétons traditionnels. D’autant que des ouvrages de grande technicité, quel que soit le béton utilisé, ont été réalisés sur ce chantier, notamment sept voiles de grandes hauteurs de 12 à 13 m. Julien Morisset, le président de la SAS Morisset, une entreprise familiale de maçonnerie créée en 1930, explique qu’il a fallu de nombreux réglages. L’entreprise a même construit chez elle un prototype de voilée en béton armé Vitaliss.

 

"La phase 1 [prototype], qui a duré environ 15 jours a permis le prototypage et la mise à jour des formules pour respecter la cadence et le planning prévus. Lors de la phase 2 [coulage sur chantier], c’est le lien historique que nous entretenons avec Edycem depuis 50 ans, notre expérience technique et le haut niveau d’exigence des laborantins, qui nous ont permis de relever le challenge et de réagir vite aux réglages nécessaires sur le chantier."

 

Si le béton bas carbone est mis en œuvre comme le béton classique, sa viscosité, par exemple, est différente et il faut des réglages attentifs pour réaliser parfaitement les ouvrages.

 

 

L’entreprise Morisset a notamment loué des banches Sateco avec capteurs de pression intégrés pour le coulage des voiles de grande hauteur. ©Morisset

 

 

Le matriçage, collé sur la paroi intérieure des banches des voiles des parois de grande hauteur a été réalisé en bois. ©Morisset

 

 

 

L’entreprise a déployé tout son savoir-faire pour ce chantier : cheminées de bétonnage, joints d’étanchéité en pied de banche, coulage en continu avec surveillance de la pression sur les banches, suivi de température du béton pour calculer le moment optimum pour décoffrer en évitant tout arrachement sur la surface des parois en béton matricé, … Le béton était coulé le vendredi, débaché le lundi suivant. ©Morisset

 

 

 

L’avenir des bétons bas carbone

 

 

Le label E+C- a été calculé en cours de réalisation et le bâtiment n’a pas vraiment été optimisé pour cela, mais il atteint le niveau E1C1. La RE2020 va sans doute conduire a mixité croissante des matériaux en construction neuve, mais, à raison, Edycem est convaincu de l’avenir des bétons bas carbone.

 

Ils coûtent encore plus cher que les bétons traditionnels – combien plus cher ? Motus ! -, mais le but d’Edycem est de parvenir à réduire l’écart de coût en massifiant sa production de béton Vitaliss, soulignant que le prix du Vitaliss C – jusqu’à 30% de réduction de charge carbone - est dès à présent peu différent de celui du béton traditionnel.

 

La gamme Vitaliss A+ est, pour l’instant, fabriquée à l’aide de liant Hoffmann, sans clincker, tandis que les niveaux A, B et C font appel à d’autres ciments bas carbone fournis par les trois cimentiers présents en France.

 

 

Le chantier est en isolation par l’intérieur : Edycem tenait à montrer les possibilités esthétiques du béton. ©PP

 

 

Les fenêtres ont été fournies par Atlantem, autre membre du groupe Hérige. ©PP



Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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