RE2020 : une réglementation sévère dans le neuf qui s’étend jusqu’à 2030

RE2020 : une réglementation sévère dans le neuf qui s’étend jusqu’à 2030

Barbara Pompili et Emmanuelle Wargon ont annoncé les grandes modalités de la RE2020 : large étalement de son application, interdiction du gaz, ACV obligatoire, sévérisation du Bbio,... ce qui pénalise acier et béton.




Commençons tout de suite par le calendrier. La RE2020, sous la forme d’un décret et d’un arrêté sur les logements, sera mise en consultation début décembre, puis publiée dans sa totalité – ou presque, puisque le tertiaire n’y figurera que très partiellement - d’ici la fin du 1er trimestre 2021 et verra un début d’application à l’été 2021.

 

 

 

La RE2020 entrera en vigueur à l’été 2021 pour les Maisons individuelles et les logements collectifs. ©PP

 

 

Une application étalée entrée l’été 2021 et 2030

 

A compter de l’été 2021, pour les permis de construire postérieurs à l’entrée en vigueur de la RE2020, la nouvelle réglementation s’appliquera exclusivement aux logements – maisons individuelles et logements collectifs – aux bureaux et à l’enseignement.

 

« Ce qui donnera à tous les acteurs de la filière de la construction un temps d’appropriation avant l’entrée en vigueur », dit le communiqué de presse. En réalité les opérations de bureaux et de de logements collectifs neufs sont étudiées et définies bien avant leur dépôt de demande de permis de construire.

 

Les concepteurs et les Bureaux d'étude auront donc trois mois au 2e trimestre 2021 pour maîtriser cette nouvelle réglementation et concevoir leurs bâtiments avant les dépôts de demandes de permis de l’été. D’autant que les spécifications portant sur les bureaux et les locaux scolaires seront mis en consultation « avec un léger décalage » - sans plus de précision -, mais seront tout de même appliqués en même temps que la RE2020 portant sur les logements.

 

On peut donc s’attendre, classiquement, à une accélération des dépôts de permis avant l’échéance RE2020.

 

« Les bâtiments tertiaires plus spécifiques feront l’objet d’un volet ultérieur de la règlementation », avec un décalage d’un an environ. Donc l’hôtellerie et tous les autres bâtiments d’hébergement, les commerces, les gares, les entrepôts et autres locaux de stockage, etc. resteront donc sous l’empire de la RT2012 pendant encore un moment.

 

 

 

En ce qui concerne le tertiaire, seuls les bâtiments d’enseignements et les bureaux seront soumis à la RE2020 dès l’été 2021. L’application aux autres segments du tertiaire est repoussée à l’été 2022. ©PP

 

Fini le gaz en construction neuve, même le gaz vert

 

Le gaz a vécu en construction neuve en France, semble-t-il. Le Gouvernement est déterminé à faire un grand pas en faveur de la neutralité carbone de la construction neuve. Sans laisser aucune place au biométhane et autres gaz verts, invités à remplacer le gaz naturel dans les bâtiments existants, sans possibilité de se développer en construction neuve.

 

Le gouvernement « évalue » le projet Méthaneuf de GrDF, un système un peu complexe de compensation des émissions de gaz à effet de serre dues au gaz naturel en construction neuve. Mais, à écouter les deux ministres, il est vraisemblable que l’évaluation ne sera pas très favorable.

 

Par le biais d’un seuil maximal d’émissions de gaz à effet de serre des consommations d’énergie des bâtiments neufs, le gouvernement entend exclure le gaz de la construction neuve, dès 2024 d’une manière générale, mais tout de suite en maisons individuelles neuves.

 

En effet, pour les maisons individuelles, le plafond maximal d’émissions de GES (gaz à effet de Serre) sera fixé à 4 kgCO2eq/m².an dès l’entrée en vigueur de la RE2020. Selon les ministres, cela devrait éliminer le gaz et laisser passer le chauffage par granulés de bois.

 

Selon Emmanuelle Wargon, les arbres stockent du carbone durant leur vie et le relâchent durant leur combustion. Leur cycle de vie est donc réputé neutre en carbone.

 

 

 

La RE2020 donne un bon coup de pouce au développement des chaufferies d’immeubles à granulés de bois et autres plaquettes forestières, même si par ailleurs, il faudra gérer la qualité des produits de combustion selon les exigences des Directives Européennes qui traitent de la qualité des produits de combustion : Directive n°2015/2193 sur les installations de combustion de moyenne puissance et Directive ErP, dite aussi ecoDesign. ©PP

 

 

En ce qui concerne le logement collectif, comme tout de même les Pouvoirs publics se rendent bien compte que 75% des logements collectifs neufs produits aujourd’hui sont chauffés au gaz, le plafond sera fixé à 14 kgCO2eq/m².an à l’entrée en vigueur de la RE2020, puis ramené à 6 kgCO2eq/m².an en 2024.

 

Ce qui exclut le chauffage au gaz, mais ouvre des perspectives au solaire thermique – Enerplan a bien travaillé -, aux chaufferies bois, aux pompes à chaleur, aux réseaux de chaleur et de froid et même aux solutions hybrides, donc pompes à chaleur + chaufferie gaz d’appoint.

 

Cette dernière solution suppose un double investissement. Ce qui devrait refroidir les ardeurs de nombreux maîtres d’ouvrage. Mais le but est clairement d’exclure les énergies fossiles de la construction neuve.

 

 

 

Le solaire thermique devrait faire son grand retour en construction neuve, tout simplement grâce à une modification de méthode de calcul. N’est-ce pas un juste retour des choses ? Le solaire thermique avait été exclu de la RT2012 par un changement de méthode de calcul et une disparition de l’exigence d’ENR en collectif. ©PP

 

 

 

Les pompes à chaleur, de toutes sortes, sont explicitement mises en avant par les deux ministres à la fois pour la maison individuelle et pour le logement collectif. ©PP

 

Le Moteur de calcul de la RE 2020 sera amélioré

 

Le moteur de calcul utilisé pour la RE2020 sera bien celui que les éditeurs de logiciels ont reçu au printemps 2020 pour le calcul du label E+C-.

 

« Une phase de concertation finale s’est tenue entre juillet et octobre 2020, réunissant une centaine de participants. Elle a permis de recueillir une quarantaine de contri­butions écrites qui ont conduit à des améliorations du moteur de calcul et ont permis de cerner les attentes des diffé­rents acteurs concernant les exigences et les priorités de la réglementation. L’ensemble a permis de préparer les textes qui seront mis en consultation dans les prochains jours », toujours selon le communiqué de presse.

 

La publication du premier décret et du premier arrêté permettra de voir ce qui a vraiment été pris en compte. Mais deux éléments sautent aux yeux dès à présent.

 

"La charge carbone d'aujourd'hui comptera plus lourd dans le calcul que celle de demain"

 

Tout d’abord, la RE2020 retient, dès sa première application, une baisse du Bbio – besoin d’énergie indépendant des systèmes de chauffage et de production d’ECS – de 30%. Ce qui est radical et suppose une considérable amélioration de l’enveloppe des bâtiments pour minimiser tant les besoins de chaleur que les besoins de rafraîchissement : meilleure isolation, suppression des ponts thermiques, mais aussi meilleur contrôle solaire des vitrages et systématisation des protections solaires.

 

Le Bbio contiendra également un « Bbio froid » qui s’assurera que le bâtiment, dans sa conception – orientation, protections solaires, ventilation avec puits canadien ou puits hydraulique, etc. – sera en dessous d’un seuil de degrés-heures d’inconfort thermique.

 

Deuxièmement, l’ACV devient obligatoire. Il sera « dynamique » : la charge carbone d’aujourd’hui, comme le dit Emmanuelle Wargon, pèsera plus lourd dans le calcul que celle de demain. Autrement dit, la part des matériaux et de la construction dans le calcul environnemental pèsera plus lourd que celle de l’équivalent carbone émis par la vie en œuvre du bâtiment sur 50 ans. C’est ce que la filière du ciment et du béton voulait éviter.

 

 

Seule la part d’électricité photovoltaïque produite sur site et autoconsommée sera comptabilisée dans la RE2020. La part exportée ne comptera pas. De quoi booster le développement du stockage d’électricité en construction neuve. ©PP

 

 

 

Un plafond de consommation d’énergie primaire non-renouvelable

 

La RE2020 introduit un plafond de consommation de consommation d’énergie non-renouvelable. C’est un nouvel indicateur, dont Barbara Pompili a souligné qu’il était notamment destiné à éviter le retour du chauffage électrique direct par effet Joule en construction neuve.

 

En ce qui concerne la contribution de l’énergie photovoltaïque produite sur site, seule la partie autoconsommée sera prise en compte. L’électricité d’origine photovoltaïque exporté ne comptera pas. Cela peut paraître restrictif, mais la contribution de l’autoconsommation n’est pas plafonnée semble-t-il : voilà un puissant argument en faveur du développement du stockage de l’électricité photovoltaïque en construction neuve.

 

 

 

Les Pouvoirs publics souhaitent la généralisation des structures bois d’ici 2030 en petit collectif, en maison individuelle et appellent à son fort développement en tertiaire et en collectif. ©PP

 

 

 

Les matériaux biosourcés nettement favorisés avec la RE 2020

 

La généralisation de l’ACV (Calcul du Cycle de Vie) dynamique favorise indéniablement les matériaux biosourcés : le bois en structure, parquet, bardage, lambris, etc. Mais aussi les isolants biosourcés en liège, chanvre, fibres de bois, cellulose, …

 

En même temps, le béton et l’acier sont défavorisés. Comme les deux ministres savent que la filière construction n’est pas en mesure de généraliser l’emploi de structures bois dès l’été 2021, la RE2020 prévoit un calendrier. Pour commencer, mais ce sera appelé à évoluer dans le temps, en plus de l’indicateur carbone dynamique obligatoire, un indicateur de stockage carbone sera calculé, sans être assorti d’une valeur plancher. Ce nouvel indicateur traduira le taux de recours à des matériaux issus de la biomasse.

 

Mais tout de même, « sur la base de l’indicateur de carbone en cycle de vie, mesuré en kgCO2/m2 de surface de logement, la RE2020 fixera des exigences compatibles avec la stratégie nationale bas-carbone (SNBC). Il s’agit de diminuer les émissions des secteurs industriels d’au moins 30 % en 2030 par rapport à 2013, objectif que la RE2020 déclinera dans le cas de la construction ».

 

On ne connaît pas encore la valeur de cet indicateur, mais, selon les Ministres, cette obligation devrait rendre l’usage du bois et des matériaux biosourcés quasi-systématique en maisons individuelles et petits collectifs neufs vers 2030.

 

Vers l'abandon du bloc ciment, de la brique ou du béton banché ?

 

Le terme petit collectif n’est pas autrement défini, mais l’idée implique une réorientation fondamentale dans la construction des maisons individuelles en dix ans : abandon du parpaing, de la brique, du béton banché, … au profit d’une généralisation de la structure bois. Sachant que les maisons à structure bois constituent aujourd’hui moins de 10% des maisons neuves en France et que la part des structures bois en collectif et en tertiaire est encore plus faible.

 

Pour éviter un goulot d’étranglement et une brutale augmentation des coûts, « le Gouvernement devrait annoncer des initiatives pour favoriser l’innovation et le développement d’une production nationale de bois de construction ».

 

La période 2020-2024 sera donc « douce » : un temps d’adaptation de la filière à la systématisation de l’ACV, à l’emploi des FDES et des PEP, à la multiplication des FDES et des PEP, … Ensuite, les exigences environnementales de la RE2020 devraient augmenter par palier, par rapport à la situation actuelle : -15% de contenu carbone équivalent, exprimé en kgCO2eq/m², en 2024, -25% en 2027 et -30 à -40% en 2030.

 

L’évolution sera différente selon les secteurs et les régions : plus rapide en maison individuelle neuve, plus progressive en logements collectifs et en tertiaire, plus lente dans les régions chaudes où la structure bois se prête mal au confort d’été, paraît-il.

 

La RE2020 n’écarte pas les bétons bas carbone, mais souligne que seule compte la méthode de calcul qui part de la charge carbone de chaque matériau. Autrement dit, il faut que les cimentiers et la filière du BPE fasse de très gros progrès. Ce n’est pas acquis.

 

Un gros accent sur le confort d’été

 

La méthode de calcul du confort d’été dans la RE2020 ne reposera plus sur un historique trentenaire des températures, mais sur une projection d’évolution des températures au cours des années à venir.

 

Ensuite, le besoin de rafraîchissement sera introduit dans le calcul du Bbio. A partir d’un scénario météo similaire à la canicule de 2003, un indicateur de confort d’été, exprimé en degrés-heures (DH) sera calculé lors de la conception du bâtiment.

 

La RE2020 fixera  à cet indicateur un seuil de 350 DH à partir duquel il faudra agir en conception (ventilation centralisée avec puits canadien, etc.), ainsi qu'un plafond de 1250 DH à ne pas dépasser. Pour un logement, ce plafond correspond à une période d’environ 25 jours durant laquelle la température intérieure sera en permanence de 30°C durant la journée et de 28°C la nuit. De manière intéressante, ce plafond sera le même partout en France.

 

Comme il sera plus difficile de le respecter dans les zones chaudes, au lieu de modifier ce plafond, la méthode de calcul RE2020 ouvrira plutôt la possibilité de déroger au recours important à des matériaux biosourcés : du béton pour l’inertie thermique, en quelque sorte.

 

Rien n’est encore spécifié pour le confort d'été en tertiaire. Le seuil de 350 DH a pour but d’éviter le recours systématique à une climatisation active, tout en poussant simultanément les solutions de rafraîchissement passives : orientation du bâtiment, protections solaires, puits canadien ou puits hydraulique pour la ventilation, etc.

 

Les deux indicateurs DH pourront être revus à l’issue de la première période, soit en 2024. Enfin, le communiqué explique que tout cela devrait se dérouler sans dérive majeure des coûts de construction. Le Gouvernement estime à 10% le surcoût de construction selon les critères RE2020 version 2030 par rapport à la RT2012 actuelle.

 

 

 

10% de surcoût par rapport à la RT2012 implique que les concepteurs abandonnent leurs habitudes et passent beaucoup plus de temps à la conception de leurs bâtiments. Après tout, nous connaissons des BE et des architectes capables de construire des bâtiments passifs, moins chers que ce que font leurs collègues en RT2012. ©PP

 

Enfin, toute référence au BEPOS – le Bâtiment à Energie POSitive – a disparu. Elle pourrait réapparaître à la faveur du label d’Etat – Vade Retro HQE, Effinergie et autres BBCA – qui devrait être publié à l’automne 2021.

 

Ce label, qui sera peut-être accompagné d’avantages fiscaux et réglementaires (sans plus de précision, mais la possibilité de dépasser le PLU dans certaines proportions semble logique), devrait valoriser les bâtiments qui, à chaque étape de son application, font mieux que la RE2020.

 

Ce futur label d’Etat est en cours d’élaboration par le Plan Bâtiment Durable.



Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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