Le plan de rénovation énergétique aurait-il besoin d’un bon électrochoc ?

Le plan de rénovation énergétique aurait-il besoin d’un bon électrochoc ?

Le plan de rénovation énergétique des bâtiments pose des questions sans réponses. Entre satisfaction et frustration, la députée Marjolaine Meynier-Millefert, co-animatrice du comité de pilotage fait un point d’étape.




Le départ brutal de Nicolas Hulot n’est-il pas un mauvais signal pour le Plan de rénovation énergétique, lancé en avril par le ministre?


Marjolaine Meynier-Millefert : Non, je ne le pense pas ; j’estime même qu’il est une opportunité, parce que sa démission et le message qu’il a adressé au gouvernement, mais aussi plus largement à la société civile, a fait prendre conscience des enjeux écologistes et alerte sur l’inefficacité des fonctionnements existants.

Je suis persuadée que le président de la République et le Premier ministre se sont interrogés sur des solutions structurelles pour que le ministère de l’environnement réussisse.

Comment voyez-vous l’arrivée du nouveau ministre François de Rugy, ex président de l’Assemblée nationale ?


Marjolaine Meynier-Millefert : On passe de l’environnement idéaliste avec une forme de logique de prise de conscience à l’environnement pragmatique et raisonné. François de Rugy sait que l’écologie est un combat long, âpre avec des sujets brûlants, fait de frustrations, et il est préparé à cela. Il connaît les ficelles de la politique et ce sera utile pour trouver des arbitrages.

 

Lors de sa démission, Nicolas Hulot a jeté un pavé dans la marre en lâchant: « 

On dit qu’on veut rénover 500 000 logements thermiques, alors que l’on a baissé de moitié les moyens pour pouvoir rénover les bâtiments. Je sais très bien qu’en actant le plan de rénovation énergétique des bâtiments, on ne pourra pas réaliser les objectifs ».

Que pensez-vous de sa mise en doute sur la crédibilité du plan ?


Marjolaine Meynier-Millefert : Les objectifs, qui font l’unanimité, ne doivent pas être revus, mais je le rejoins complétement sur son constat concernant les moyens financiers. Alors que le projet de loi de finances 2019 est en voie d’être présenté, nous n’avons aucune visibilité sur les aides de l’Etat à la rénovation énergétique et les arbitrages rendus restent flous.

 

Aujourd’hui, on veut savoir où l’on va et si les moyens mis en face sont cohérents avec les ambitions annoncées. A se demander si l’ensemble du gouvernement a une volonté réelle de mettre l’investissement nécessaire sur le plan et s’il a envie de le porter. Avec toutes ces incertitudes sur son financement et des annonces fâcheuses comme la remise en question de la TVA à 5,5%, depuis abandonnée, qui créent une insécurité, on pourrait passer à côté du plan.

 

Pourtant tous les acteurs sont prêts à rentrer dans le concret, mais ce qui est en train de monter, c’est une énorme frustration parce que le contexte est encore mouvant. La réalité d’aujourd’hui, c’est que le plan n’est l’unique priorité de personne, sauf d’Alain Maugard et de moi, des professionnels, des gens dans les territoires et d’un certain nombre d’associations. Le plan a donc besoin d’une vraie organisation structurelle.

Qu’entendez-vous par là ?


Marjolaine Meynier-Millefert : Pour faire avancer le sujet, il faudrait une structure spécifique permanente sous la double tutelle des ministères de la Cohésion des Territoires et de la Transition Ecologique, voire triple tutelle idéalement avec le ministère des Finances. Une équipe dédiée et habilitée à prendre des décisions, y compris budgétaires.

 

Aujourd’hui, le plan est tiraillé entre les ministères de la Cohésion des territoires et celui de la Transition écologique, qui sont certes très intéressés par le sujet, mais qui ont chacun d’autres priorités. Alain (ndlr : Maugard) et moi, en tant que co-pilotes du plan, nous n’avons qu’un rôle de lanceur d’alertes et de créateur de liens entre tous les acteurs. En juillet, nous avons réfléchi à la mise en place d’un délégué interministériel ; proposition qui devait être tranchée à la rentrée, mais le changement de ministre pourrait encore faire traîner la prise de décision.

 

A l’heure du PFL 2019, avez-vous une idée de ce que sera la nouvelle prime remplaçant le CITE ?


Marjolaine Meynier-Millefert : Comme vous l’avez compris, dès qu’il s’agit d’arriver au moment des arbitrages financiers, tout se complique. Nous n’avons rien de solide aujourd’hui sur cette prime ni sur ses champs d’application, et ce que l’on entend n’est pas rassurant, puisqu’il y aurait toujours des arbitrages à rendre.

 

Par contre, la transformation du crédit d’impôt en prime serait très compliquée et coûterait très cher à l’Etat. L’idée serait alors de réserver la prime aux ménages précaires qui n’ont pas la trésorerie nécessaire pour démarrer des travaux ; prime qui serait portée par l’Anah, en complément des aides existantes. Le crédit d’impôt serait alors conservé en l’état pour les autres publics. Mais cette idée n’en est qu’au stade de la réflexion.

 

Les menuiseries, exclues du crédit d’impôt, ont-elles des chances d’être réintroduites dans le nouveau dispositif ?


Marjolaine Meynier-Millefert : Je l’espère. En tout cas, je fais un très gros lobbying auprès des décideurs pour arrêter cette cabale contre les fenêtres. Dire qu’elles ne servent à rien dans la rénovation énergétique est un mensonge. C’est le 3e poste, ce n’est pas rien. Pour autant, je milite pour que la subvention ne soit versée que sur des produits standard avec une performance thermique fixée, et non plus pour financer l’esthétique.

 

Je pense aussi que l’on pourrait étendre cette aide aux systèmes de menuiseries qui améliorent la qualité de l’air. Il faudra que l’on travaille avec le secteur pour définir les produits qui ont un véritable impact environnemental.

 

Pour donner envie de rénover et donner confiance, quels sont les messages de la campagne de communication de l’Ademe lancée le 10 septembre et la signature commune proposée aux acteurs, publics et privés ?

 

Marjolaine Meynier-Millefert : La campagne de communication sort de l’idéologie de rénover pour le climat et de la logique des économies réalisées, pour s’orienter vers le confort, principal argument qu’entendent les ménages pour lancer leurs travaux. Elle s’articule autour de la nouvelle signature commune « Faire », qui présente l’avantage de pouvoir être déclinée.

 

C’est « Faire avec » l’entreprise locale, la région, la plateforme, etc.... Ce qui permet aux acteurs de garder leur identité, tout en intégrant un collectif gouvernemental. Pour s’associer à cette dynamique et utiliser cette signature fédératrice, ils devront signer une charte d’engagement, portée par le Plan Bâtiment Durable.

 

Malgré votre frustration, avez-vous des motifs de satisfaction ?


Marjolaine Meynier-Millefert : Il y en a beaucoup, heureusement. Le premier, c’est la réelle volonté collective des acteurs d’avancer dans le même sens ; on ressent même une impatience à rentrer dans le concret, voire dans un rétro-planning avec des objectifs intermédiaires. Il n’y a pas de découragement au point de laisser tomber.

 

Certes, ils sont frustrés de ne pas pouvoir démarrer, mais ils disent : « si on nous donne un coup de pouce, on peut vraiment faire des choses ». C’est juste super de voir cette motivation non entachée. Et puis, même si on a l’impression que le budget est remis en question, l’enveloppe pour la rénovation énergétique reste conséquente. Avec 14 milliards, si on arrive à conserver l’ensemble de l’enveloppe annoncée, on a vraiment de quoi faire bouger les lignes.

 


Source : batirama.com /Frédérique Vergne

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