Les scieurs de chêne français lancent un cri d'alarme

Les scieurs de chêne français lancent un cri d'alarme

La France est un grand producteur de chêne mais les scieurs manquent de matière première, en raison de l’appétit chinois pour le bois. Interview du président de la FNB, Philippe Siat.




Philippe Siat, président de la Fédération nationale du bois,  dirige l’une des plus grandes scieries françaises de résineux et pour le monde de la construction, les sciages de résineux jouent un rôle prépondérant.

 

Aujourd’hui, la FNB met tout son poids dans la balance pour le chêne, et lance même un appel au Président de la République. Il en va de la survie de tout un tissu rural de scieries familiales spécialisées dans le chêne, qui menacent de mettre la clé sous la porte par manque de matière première.

 

Comment en est-on arrivé à ce cri d’alarme de la filière du chêne ?

 

On compte aujourd’hui en France quelque 550 scieries spécialisées dans la transformation du chêne. En moyenne, selon les remontées dont nous disposons, elles tournent actuellement à 60% de leurs capacités, avec une équipe, ce qui induit du chômage technique. Pourtant, leurs carnets de commande sont bien fournis.

 

Leur problème, c’est qu’elles n’ont plus suffisamment accès à la matière première, qu’il s’agisse de lots de bois sur pied ou de grumes de chêne bord de route. Un chêne met 150 à 200 ans pour atteindre sa maturité. La forêt ne peut donner que ce qu’elle a. Mais depuis dix ans, les exportations françaises de grumes de chêne vers la Chine ont décuplé, et les exportations vers d’autres destinations ont également très fortement augmenté.

 

Nous avons déjà lancé un cri d’alarme il y a deux ans et demi et grâce à la mobilisation de toute la filière, nous avons pu mettre en place, pour les ventes publiques, un label UE qui conditionne l’accès à la matière. Le signataire s’engage à ce que le chêne qu’il achète soit transformé au sein de l’Union Européenne.

 

Parallèlement, les autorités ont renforcé le dispositif phytosanitaire : auparavant, les exportateurs de grumes venaient couramment dans les forêts françaises charger des grumes dans leur container, elles pratiquaient sur place un traitement phytosanitaire dangereux et polluant à long terme, et acheminaient leur chargement vers un port.

 

Le label Union européenne ne suffit-il pas à assurer l’avenir de la filière ?

 

Le Label UE a été un succès, dans le sens où les scieurs de chêne ont pu augmenter sensiblement les volumes de chêne transformés en France. Pourtant, cela ne suffit pas. Les dispositifs ont été souvent contournés, dans un contexte de forte demande internationale, tandis que la Chine a décidé de geler ses ressources forestières et de se fournir dans le monde entier.

 

Le chêne est une essence très prisée, notamment pour le parquet et le meuble. La France est le troisième producteur mondial de chêne et le premier fournisseur de la Chine. Tous les autres pays comptant parmi les producteurs majeurs de chêne ont adopté différentes mesures pour empêcher la fuite de leur matière première non transformée vers la Chine.

 

Quelles menaces concrètes pèsent sur l’outil français ?

 

A très court terme, la situation actuelle peut conduire à un effondrement de l’outil de transformation français, alors que, ces trois dernières années, ce secteur a investi la somme colossale d’un milliard d’euros dans la modernisation de son outil !

 

Alors que les ventes de printemps vont bientôt débuter, nous demandons une extension du label UE au domaine de la forêt privée, et nous demandons également que les grands propriétaires forestiers institutionnels comme la Caisse des dépôts et consignations - qui appartient à l’Etat - décident de ne plus exporter de grumes de chêne vers la Chine, mais d’alimenter le marché de la transformation français.

 

Quelle incidence cette situation a-t-elle sur le Bâtiment ?

 

La pénurie actuelle de matière première en chêne et le risque qui pèse sur l’outil de transformation français n’est qu’un signe avant-coureur de ce qui peut se passer aujourd’hui dans d’autres filières qui alimentent le Bâtiment. L’heure est grave et l’industrie de transformation du chêne peut péricliter très rapidement ; une fois démantelée, elle ne se reconstituera pas.

 

Le Bâtiment sera tributaire d’importation de produits transformés, en l’occurrence de parquets, de meubles, d’escaliers. Le tissu économique rural s’affaiblira encore. Or, une enquête que nous avons fait réaliser en décembre montre très clairement que les Français plébiscitent une filière de transformation domestique.

 

Les entreprises du Bâtiment prennent de plus en plus conscience du fait que les choix qu’ils font en matière de fournitures ont une incidence sur tout notre cadre de vie. Jusqu’à maintenant, l’entrepreneur avait encore souvent le choix, parfois, il se demandait jusqu’où il accepterait de payer plus cher un produit fabriqué en France, à qualité égale.

 

Mais la crise actuelle du chêne est un marqueur de ce qui peut se produire pour tous les matériaux et produits du Bâtiment. Demain, peut-être, l’entrepreneur n’aura même plus le choix, comme on le constate déjà dans un nombre croissant de segments de marché. Et pourtant, en matière de bois, la France et le Bâtiment français pourraient être autosuffisants.

 

 

La FNB et ses partenaires ont misé sur la pédagogie©FNB

 

photo©FNB - Adocom RP




Source : batirama.com / Jonas Tophoven

1 Commentaire
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  • par rsh
  • 08/02/2018 19:25:02

Pendant que les politiques s'évertuent à faire disparaître le diesel moins polluant que l'essence raison pour laquelle ils n'y parviennent pas, des sujets comme ceux-ci ne sont pas traités avec l'attention nécessaire, merci à votre profession de nous alerter sur cette crise majeur d'une filière, le data ne fera pas vivre tous les français et nous perdrons juste notre "or". Je pense que tous les syndicats pro doivent réagir ! C'est l'intérêt général, je relaie donc l'info ! Cordialement

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