Ecocem France, producteur de laitier pour le béton, construit à Dunkerque une unité de production opérationnelle fin 2017. Retour sur un matériau prometteur.. qui se substitue au ciment.

Avec cette nouvelle unité, Ecocem France vise les marchés de la moitié nord de la France, Ile-de France comprise, et du Royaume-Uni. Matériau secondaire, issu de la fabrication de la fonte, le laitier est utilisé comme addition au ciment et au béton depuis plus d’un siècle. Explications avec son directeur général, Michel Pigeat.

 

 

Bâtirama : Pouvez-vous nous présenter la société Ecocem et surtout son produit, le laitier moulu et son intérêt pour l’industrie du béton ?

 

Michel Pigeat 

: Ecocem France est une société créée en 2007 dont l’objet est la valorisation du laitier granulé, co-produit de la fabrication de la fonte dans les hauts-fourneaux. Nous avons installé notre première usine à Fos-sur-Mer, aux pieds du site d’ArcelorMittal.

 

Dans cette usine, le laitier est broyé pour obtenir une poudre fine qui vient en substitution partielle du ciment dans la fabrication du mortier et du béton. En effet, le laitier possède des propriétés hydrauliques qui sont connues depuis très longtemps. En 1889, la construction du métro de Paris a été réalisée avec des bétons au laitier !

 

En 2015, nous avons vendu 500 000 t de laitier moulu pour un chiffre d’affaires de 32 M€. Notre laitier répond à la norme NF EN 15167-1, laitier granulé de haut-fourneau moulu pour utilisation dans le béton, mortier et coulis, et bénéficie du marquage CE depuis mars 2011.

 

Outre ses propriétés hydrauliques, pourquoi le laitier est-il aussi prisé par l’industrie du béton ?

 

Michel Pigeat 

: Le laitier est intéressant pour l’industrie du béton car en tant que co-produit, sa production émet très peu de CO2. Il permet donc de réduire l’empreinte carbone du liant et par conséquent la fabrication de bétons bas carbone, et minimise ainsi l’énergie grise du bâtiment.

 

Sa valorisation permet aussi de limiter la consommation de matières premières non renouvelables. Un autre avantage est sa couleur blanche et donc un Albedo (la capacité de réfléchir la lumière) élevé des bétons, intéressant pour la réalisation de bétons architectoniques. Il permet de réaliser des bétons résistants bien aux attaques chimiques avec une résistance accrue à la pénétration des ions chlorures, aux attaques sulfatiques et à l’alcali-réaction.

 

Sa « lenteur » est appréciée dans la réalisation de béton de masse, en massif d’éolienne ou dans des tunnels par exemple, où elle fait office de régulation thermique. En effet, sa faible chaleur d’hydratation limite le dégagement de chaleur dans un béton de masse, dégagements qui induisent des différences de température entre l’intérieur du massif et les parois, pouvant se révéler néfastes pour le comportement ultérieur du béton si elles donnent naissance à la microfissuration. Et dans le cadre de labels environnementaux, il permet d’obtenir d’excellentes certifications.

 

Comment s’utilise le laitier et avec quelles contraintes techniques ?

 

Michel Pigeat 

: Il faut savoir que la norme béton EN 206-1 est une norme européenne non harmonisée, chaque pays rédige son complément. Ainsi, au Royaume-Uni, où le laitier est très apprécié, on peut monter à un taux de substitution du ciment de 85 % ! En France, la transposition de la norme béton limite le laitier à 30 % du liant dans le béton prêt à l’emploi, sauf pour les bétons d’ingénierie.

 

Sur le chantier d’ITER, il s’agit de bétons au laitier avec plus de 40 % de substitution. En préfabrication, pour les bétons des produits à la performance qui possèdent leurs propres normes, nous arrivons à des taux de substitution de 50 % ! Le laitier est aussi très utilisé par les formulateurs pour la fabrication d’enduits, de colles… Sa couleur blanche en fait un matériau très demandé des formulateurs et il n’est pas irritant comme le ciment.

 

En termes de contrainte, il faut juste un silo dédié chez le producteur de béton ; les bétons aux laitiers sont bien connus et formulés depuis longtemps même si aujourd’hui ça peut-être un matériau nouveau pour certains de nos clients. Et, Ecocem propose une aide à la formulation pour les entreprises tenant compte de leur process et des propriétés des autres matériaux utilisés.

 

Est-ce que les bétons fabriqués avec du laitier ont des performances comparables à celles des bétons classiques ?

 

Michel Pigeat : Il s’agit de performances supérieures surtout en résistance à long terme! Notre laitier est broyé à 4 500 cm2/g de surface spécifique Blaine donc très réactif. Notre produit est du pur laitier, ce qui est un avantage pour la formulation des bétons de certains chantiers nécessitant un dosage « à la carte » des composants du liant.

 

Ce nouveau broyeur de Dunkerque fabriquera quels produits et desservira quels marchés ?

 

Michel Pigeat : Sur le site de Dunkerque, nous allons installer comme à Fos, un broyeur vertical dernière génération et un mélangeur pour produire du laitier moulu, des ciments composés à fort taux de laitier (jusqu’à 95%) mais également des produits mélangés innovants répondant à des demandes spécifiques.

 

La capacité de production sera de 700 000t annuelles mais qui pourra, à terme, doubler avec 1,4 Mt. Elle est destinée au marché du Royaume-Uni, de la Belgique et de l’Ile-de-France, avec le chantier du Grand Paris et de ses infrastructures. I

 

ll y a une demande forte pour le laitier notamment pour les ouvrages souterrains avec la réalisation de bétons à forte épaisseurs dans des terrains difficiles. Nous avons également installé ce même mélangeur à Fos-sur-Mer pour la production de ciments composés et de nos nouveaux produits mélangés.

 

Légende photo d'ouverture : Ciment (en gris) et laitier (en blanc)

 

Source : batirama.com / Corinne Bailly

 

Témoignage d’un utilisateur

 

Charles Plattard est le directeur commercial du Groupe éponyme, et en charge de l’acticité BPE. L’industriel, basé à Villefranche-sur-Saône, utilise depuis plus de 3 ans maintenant du laitier, fournit par Ecocem, pour ses bétons prêts à l’emploi et préfabriqués.

 

« Nous utilisons le laitier dans nos produits préfabriqués à hauteur de 50 % du liant total, et dans notre béton prêt à l’emploi dans les limitations de la norme. Nous avons notre propre formulation, réalisée par notre service qualité.

 

Dès que cela est possible, nous formulons notre béton avec du laitier sauf en dallage à cause de sa montée en résistance plus lente et de sa valeur de retrait plus importante que celle du ciment. Si on met de côté son prix, l’avantage du laitier est d’améliorer l’aspect du béton frais : il lui donne un aspect plus gras, il permet une masse du liant total plus importante et améliore la maniabilité du produit.

 

Il en améliore son aspect et éclaircit les parements. Nos clients apprécient. Avec plusieurs saisons de recul, nous observons que ce produit est d’une grande stabilité contrairement aux autres additions. C’est un produit français comme les ciments que nous utilisons. »