Label Bas Carbone en rénovation : une méthode à maîtriser

Label Bas Carbone en rénovation : une méthode à maîtriser

Le Label Bas Carbone est étendu à la rénovation et repose sur une méthode développée par le CSTB. Il est utilisable dès cette semaine, mais la méthode de calcul est particulièrement complexe.




Dans un précédent article, nous avons expliqué ce qu’est le Label Bas Carbone et à quels types de rénovations il est désormais applicable. Entrons maintenant dans le vif de sa méthode de calcul. Petit rappel initial, la méthode du Label Bas Carbone dans le bâtiment s’applique :

 

  • Aux opérations de rénovation énergétique qui atteignent au moins le niveau BBC rénovation et qui font appel à des matériaux ou produits issus du réemploi, à des matériaux ou produits contribuant à la performance énergétique des bâtiments et à d’autres produits.

 

  • Et aux opérations de rénovation faisant appel à des matériaux ou produits issus du réemploi (avec ou sans changement d’usage).

 

Le CSTB prévoit d’éventuellement réactualiser la méthode qu’il a développé pour l’application du Label Bas Carbone à la rénovation, lorsqu’une dizaine d’opérations auront été labellisées. Ce qui donnera un retour d’expériences suffisant.

 

Le CSTB estime également que la « mise en place de la Méthode sur les matériaux et produits issus du réemploi, avec ou sans changement d’usage, pour l’ensemble des opérations de rénovation, atteignant ou non le niveau BBC rénovation, incitera les acteurs à se tourner vers ces pratiques qui sont, aujourd’hui, marginales ». En attendant, la méthode proposée par le CSTB est très complexe et renvoie à de multiples autres méthodes concernant la réalisation des PEP (Profil Environnemental Produit) et les FDES (Fiches de Déclaration Environnementale et Sanitaire).

 

Les grands principes de la méthode

 

Tout d’abord, la caractérisation des produits utilisés dans le cadre des opérations labellisées Bas Carbone s’appuie sur la nomenclature et sur le contenu de la base INIES. La méthode du CSTB distingue :

 

  • le produit valorisé : le produit mis en œuvre dans l’opération prétendant à la labellisation Bas Carbone.

 

  • le produit équivalent neuf : produit identique au produit valorisé, à l’état neuf.

 

  • le produit substitué : le produit neuf similaire au produit valorisé qui aurait été utilisé en moyenne si le produit valorisé n’avait pas été mis en oeuvre.

 

Dans le cas où le produit valorisé est réemployé ou réutilisé pour une fonction équivalente à son premier cycle de vie, il s’agit du produit équivalent neuf. Dans le cas où le produit valorisé est un produit neuf ou un produit réutilisé, il s’agit du produit utilisé en moyenne dans la catégorie du produit considéré.

 

Chaque produit est décrit selon sa fonction, par exemple, l’isolation thermique, puis selon sa catégorie dans sa fonction : par exemple, isolation en vrac. Ensuite, pour chaque projet, il est établi un scénario de référence.

 

Les réductions d’émissions liées au recours à un matériau à faible impact carbone sont calculées en kg équivalent CO2 en faisant la différence entre l’impact carbone du scénario de référence et l’impact carbone de l’opération considérée avec mise en oeuvre du ou des produit(s) choisi(s).

 

L’impact carbone du scénario de référence est estimé en se basant sur les matériaux et produits les plus probables, autrement dit les Produits substitués qui auraient été mis en œuvre dans une opération classique. L’impact carbone de l’opération considérée est estimé en se basant sur les matériaux et produits mis en œuvre, les Produits valorisés selon ce nouveau vocabulaire, dans l’opération candidate label Bas Carbone.

 

Selon le CSTB, il faut donc au moins calculer :

 

  • la quantité de produit valorisé, baptisée Qprojet,

 

  • et deux valeurs d’impact carbone : Iréférence pour le produit de référence et Iprojet pour le produit réellement utilisé.

 

Plusieurs méthodes sont proposées pour calculer ces trois nouveaux indicateurs. Enfin, un coefficient de pondération est intégré à toutes ces méthodes de calcul pour tenir compte d’une éventuelle différence de performance entre le produit valorisé et le scénario de référence.

 

Trois scénarios pour le Label bas carbone

 

 

La méthode de calcul du Label Bas Carbone repose sur trois scénarios. Elle ne s’applique pas à la construction neuve et, si le niveau BBC Rénovation n’est pas atteint, elle ne s’applique pas non-plus aux opérations sans réemploi de matériaux. Chaque scénario peut contenir plusieurs cas. Dans chaque scénario, sont calculés à la fois le projet de référence et le projet tel qu’il sera réalisé. ©CSTB

 

Le calcul des valeurs de référence par fonction et catégories de produits repose sur l’analyse des DEP (Déclarations Environnementales de Produits) en ligne dans la base INIES en date du 4 octobre 2020. Remarque en passant, lorsqu’on consulte la base INIES, il n’est pas possible de choisir une date. Mais, le ministère ne va sans doute pas ergoter sur ce point.

 

 

 

La paille, matériau de choix dans le cadre d’un Label Bas Carbone, n’a pas encore de FDES. Le Réseau Français de la Construction Paille (RFCP) prépare quatre FDES collectives - Botte de paille issue de l’agriculture conventionnelle, Botte de paille issue de l’agriculture bio, Botte de paille « fabriquée à façon », produite en atelier et Paille hachée pour utilisation en vrac. ©PP

 

Les modules de données génériques par défaut (DED) sont exclus de l’analyse. Et si le produit visé n’a pas de FDES ? Ce n’est pas précisé. Mais, dit le texte du CSTB : cette « méthode s’inspire de la Méthode de calcul des cas 2 des MDEGD (MEEM, MLHD, 2016)(MEEM, MLHD, 2016), puisqu’il s’agit de calculer une moyenne arithmétique des impacts carbones, par catégorie de produits, sur un ensemble de DEP harmonisées ».

 

Des modules de données environnementales génériques par défaut

 

Naturellement, on cherche donc ce que signifie MDEGD et l’on trouve en effet un texte de 28 pages datant d’octobre 2016 sur la procédure de développement de modules de données environnementales génériques par défaut (MDGED). Le cas n°2, page 20 de ce document, décrit le calcul des MDEGD lorsque plusieurs FDES ou PEP sont disponibles pour un même type de produit, par exemple, l'isolation en rouleau de laine de verre.

 

Le risque est franchement inverse : qu’aucune FDES, aucun PEP ne soit disponible pour une famille de produit. Qu’importe, continuons. On apprend que s’il est nécessaire de réexprimer l’Unité Fonctionnelle (UF) de ces PEP ou FDES, il faudra que ce soit validé par l’AIMCC ou la FIEEC.

 

De plus, les indicateurs environnementaux du MDEGD sont ensuite calculés comme une moyenne arithmétique des indicateurs environnementaux harmonisés des FDES/PEP (individuelles ou collectives) retenues dans l’échantillon de départ. Si la moyenne intègre des FDES/PEP collectives, une pondération peut être réalisée afin de tenir compte de la représentativité de la population plus importante que pour des FDES/PEP individuelles. Cette moyenne pondérée pourra utiliser l’information sur les parts de marché par produit et fabricant si celle-ci est disponible au moment de la réalisation du MDEGD. Bien sûr, bien sûr.

 

 

 

Voici la synthèse de l’évaluation des valeurs de référence par fonctions et catégories de produits. Les pages 34 à 56 de la méthode Bas Carbone proposée par le CSTB listent plus de 500 valeurs de référence par catégorie de produits, précisant pour chaque produit sa fonction, sa catégorie, sa famille son Unité Fonctionnelle (UF), l’unité principale dans laquelle l’UF est exprimée, la valeur de performance de l’UF de référence, la durée de vie de référence et le produit susbtitué générique. ©CSTB

 

Label bas carbone : une méthode gérée par les bureaux d'études environnementaux

 

Il est clair que la méthode proposée par le CSTB ne peut être maniée que par des Bureaux d'études environnementaux très au fait de la manière dont sont constitués PEP et FDES et experts dans le maniement de l’Analyse du Cycle de Vie. De même, la quantification des réductions d’émissions générées par le projet requiert des spécialistes, distincts des bureaux d'études thermiques qui interviennent d’habitude en rénovation.

 

Le calcul d’impact, le calcul des co-bénéfices évoqués dans l'article précédent, ainsi que leurs justifications, supposent l’intervention de différents acteurs, du sociologue au BE environnemental. Ce qui justifie clairement l’intervention d’un coordonnateur de projet.

 

Passons sur « l’additionnalité » du projet qu’il faut démontrer. La signification d’additionnalité n’est pas parfaitement claire, mais cela semble vouloir dire que les impacts attendus d’un projet doivent être différents des économies d’énergie déjà financés par MaPrimeRenov', les CEE ou rendues obligatoire par la RT dans l’existant. Les opérations les plus importantes font également l’objet d’un audit spécifique par un expert.

 

Dans le cas de réemploi, le dossier de justification demande des photos de la mise en œuvre des matériaux réemployés pour obtenir le label Bas Carbone. Un Maître d’Ouvrage ne peut donc pas étudier un projet, calculer sa réduction carbone et négocier ce volume de gré à gré avec un acquéreur de manière à financer son chantier. Il semble bien qu’il faille mener le projet à bien, puis vendre ses réductions de carbone. Mais ce n’est pas parfaitement clair.

 

Une procédure à maîtriser pour la labellisation du projet

 

Le texte de la méthode du CSTB contient un certain nombre de formulaires. On en trouve davantage sur le site consacré au Label Bas Carbone. La procédure à suivre semble également complexe. Le projet doit d’abord faire l’objet d’une notification à l’autorité – non, on ne sait pas qui est l’autorité – avant de demander sa labellisation. Le site contient le formulaire de notification.

 

Dans une seconde étape, après avoir effectué la notification et à la suite d'un premier retour de l'autorité – qui demeure indéfinie - , il est possible de demander la labellisation du projet. Ouf !  Mais attention : « pour ce faire, dans le cadre des échanges avec l'autorité, un document descriptif de projet afférent à la méthode à laquelle celui-ci entend se conformer est à transmettre accompagné de l’ensemble des documents demandés. Dans certains cas, un tableur de calculs accompagne le document descriptif de projet ».

 

Dans une troisième étape, une fois le document descriptif de projet et l’ensemble des documents demandés transmis à l’autorité, celle-ci instruit le dossier dans un délai de deux mois. Dans le cadre de l’instruction, ce délai est prolongé lorsque l’autorité adresse une liste de questions de clarification au porteur de projet ou au mandataire.

 

Enfin, à l’issue de l’instruction de la demande de labellisation du projet par l’autorité, celle-ci informe le porteur de projet ou le mandataire de sa décision. Soit l’autorité refuse d’attribuer le Label bas-carbone le projet, auquel cas le refus est motivé, soit l’autorité accède à la demande de labellisation et le projet est inscrit sur le registre dédié.

 

Moralité : c’est compliqué, il ne faut pas être pressé et nous avons hâte de savoir qui est cette mystérieuse autorité. Le site consacré au Label Bas Carbone n’apporte aucune clarté sur ce point. Il ne mentionne que des projets forestiers ou agricoles et reste à mettre à jour en ce qui concerne la rénovation du bâtiment.

 



Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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