Rénovation énergétique: fortes inquiétudes après la modification des aides publiques

Rénovation énergétique: fortes inquiétudes après la modification des aides publiques

Modifications de MaPrimeRénov’, révision fondamentale des CEE, révision à venir des six principales fiches standardisées ouvrant droit au CEE, … Les professionnels s'alarment des conséquences.




Depuis quelques semaines, les aides publiques en faveur de la rénovation deviennent un peu plus confuses. Tout à commencé par l’annonce de quelques modifications des dispositions du système MaPrimeRénov’ en janvier, à travers deux décrets ici et  ; et deux arrêtés (ici et).

 

MaPrimeRénov’ ouverte à tous

 

Pour l’essentiel, le décret étend le bénéfice de MaPrimeRénov’ aux propriétaires occupants aux ressources intermédiaires et supérieures, ainsi qu’aux propriétaires bailleurs. Des bonus exceptionnels pour l'atteinte de certains niveaux de performance énergétique sont également intégrées au montant de la prime : sortie du statut de passoire thermique et atteinte de l'étiquette A ou B du DPE). Le premier arrêté fixe les plafonds de ressources et les barèmes de MaPrimeRénov’.

 

Les plafonds de ressources « intermédiaires » annuels dans MaPrimeRénov’ deviennent :

 

Nombre de personnes/ménage

En Île de France

En Province

1

38 184 €

29 148 €

2

56 130 €

42 848 €

3

67 585 €

51 592 €

4

79 041 €

60 336 €

5

90 496 €

69 081 €

Par personne supplémentaire

+ 11 455 €

+ 8 744 €

 

 

Le même arrêté fixe les nouveaux barèmes de primes pour 26 actions d’économies d’énergie et pour chacune des quatre catégories de ménages, en fonction de leurs ressources : très modestes, modestes, intermédiaires ou supérieures, ainsi que le plafond de dépense éligible en € TTC.

 

Par exemple, pour les « Chaudières à très haute performance énergétique, à l’exception de celles utilisant le fioul », le plafond de dépense éligible est de 4 000 € TTC. Le montant des primes atteint 1 200 € pour les ménages aux ressources très modestes, 800 € pour les ménages aux ressources modestes, rien pour les deux autres catégories de ménages.

 

Les équipements les mieux primés sont les chaudières à alimentation automatique fonctionnant au bois ou autres biomasses, les équipements de chauffage fonctionnant à l’énergie solaire thermique et les pompes à chaleur géothermiques ou solarothermiques.

 

Pour ces trois types d’équipements, les plafonds de dépense éligibles sont, dans l’ordre, de 18 000, 16 000 et 18 000 €. Le montant des primes atteignent 10 000 € pour les ménages à ressources très modestes, 8 000 € pour les ménages à ressources modestes, 4000 € pour les ménages à ressources intermédiaires et rien pour les ménages à ressources supérieures.

 

Quasiment pas de primes pour les ménages à ressources supérieures

 

D’une manière générale, les ménages à ressources supérieures n’ont pas droit à grand-chose : rien pour 18 des 26 actions énumérées par l’arrêté, puis quelques €/m² pour l’isolation des murs ou des toitures. 7 €/m² pour l’isolation des rampants de toitures et plafonds de combles, par exemple.

 

Le second arrêté détaille les nouveaux forfaits intégrés à la prime pour les logements individuels. 150 €, quelles que soient les ressources du ménage, pour une prestation d’Assistance à Maîtrise d’(Ouvrage (AMO). Il codifie également les conditions pour sortir de l’état de passoire énergétique : études préalables, réalisation de travaux, vérification un an après fin des travaux.

 

Le second décret, enfin, pose les conditions que doit suivre l’ANAH pour sanctionner un bénéficiaire (obligé) et/ou son mandataire.

 

Tollé contre les modalités annoncées pour la 5e période des CEE

 

Nous avons déjà détaillé les propositions de l’Etat pour la 5ème période des CEE. Depuis, les divers acteurs ont eu le temps d’en comprendre la portée et les conséquences sur leur activité.

 

Les distributeurs de gaz naturel, de GPL et de carburants regrettent de devoir payer plus que les distributeurs d’électricité. Les mandataires, qui collectent les CEE pour les obligés, se rendent compte, avec la baisse importante de la bonification des CEE précarité, qu’ils devront réaliser plus de chantiers pour rapporter autant de CEE qu’avant.

 

Enfin, les entreprises sont vent debout contre le nouveau calendrier annoncé. Symbiote, le syndicat multi branche des industries et des opérateurs de la transition énergétique, notamment, y voit un danger pour l’emploi dès l’automne 2021.

 

Récapitulons, dans sa nouvelle proposition sur la 5e période des CEE, le gouvernement accélère considérablement le calendrier. En 2019 et en 2020, il avait lancé ou renforcé plusieurs coups de pouce (isolation, chauffage, etc.) annonçant un calendrier clair pour les acteurs : prises de commandes jusqu’au 31 décembre 2021 et achèvement des travaux avant le 31 décembre 2022.

 

Dans sa proposition sur la 5e période, le calendrier devient : passation des marchés avant le 30 juin 2021 et fin des travaux avant le 31 août 2021 pour le coup de pouce isolation (planchers et combles), au 31 décembre pour le changement de chaudières gaz et de convecteurs électriques.

 

Il faut revoir le calendrier demande le syndicat Symbiote

 

Symbiote demande, dans ces conditions, que va-t-on faire des compagnons le 1er septembre ? Ce syndicat partage tout à fait les objectifs du gouvernement et appelle à une lutte plus efficace contre les éco-délinquants, à un développement des contrôles et à un renforcement des compétences des entreprises.

 

Mais, souligne-t-il, nous sommes en février, il est impossible que des entreprises compétentes en isolation thermique ou en changement de chaudières se transforment en cinq mois en spécialistes de la rénovation globale. Le risque est important, si le gouvernement ne modifie pas sa proposition de calendrier, que nombres d’entreprises fassent faillite à l’automne prochain.

 

Le syndicat formule ce qu’il considère être une demande raisonnable, particulièrement en période de crise sanitaire et économique : repousser la fin des coups de pouce au 31 décembre 2022, de manière à ce que les entreprises aient le temps de s’adapter.

 

Des faillites d'entreprises et des pertes d'emplois si rien ne bouge

 

Il est prêt à accepter une modification des barèmes. Par exemple, Symbiote a proposé, dans le cadre du coup de pouce isolation, de réduire la bonification à 15€/m² pour l’isolation des combles. Cette bonification suffit à assurer la rentabilité de ces chantiers pour les entreprises bien organisées, mais devrait écarter les éco-délinquants en réduisant la marges.

 

Selon la DGEC (Direction Générale de l’Energie et du Climat), l’isolation thermique dans le cadre du coup de pouce représente en ce moment 35 000 à 40 000 chantiers par mois. Si le gouvernement mène à bien son projet de modification du calendrier, ce flux tombera, selon Symbiote, à 2 000 à 3 000 chantiers par mois, avec de nombreuses faillites d’entreprises et jusqu’à 10 000 pertes d’emplois à la clef.

 

D’autant, rappellent de nombreux acteurs, qu’une autre incertitude pèse encore sur les CEE. Les 6 fiches standardisées qui génèrent le plus de CEE doivent être révisées au début de 2022. Dans quel sens ?



Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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