La question des fluides demeure complexe (et il manque toujours des solutions cruciales)

Divers conteneurs de différents fluides frigorigènes

Le froid et la climatisation sont soumis à des règlementations diverses : certaines européennes comme la F-Gaz ou la Directive eco-Design, d’autres locales comme le CH35, d’autres sont encore à venir à propos des PFAs.




Le 19 septembre, l’AFCE  a réuni son congrès annuel. Créée en mars 1995, l’AFCE (Alliance Froid Climatisation Environnement) a pour préoccupation les problèmes d’environnement liés à la mise en œuvre et au suivi de l’application en France et dans l’Union Européenne de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques. Initialement une commission interne à l’Association Française du Froid, l’AFCE se constitue en association indépendante loi de 1901 en mai 2021.

 

Les 57 membres de l’AFCE sont les acteurs de la filière française de la réfrigération, du conditionnement d’air et de la pompe à chaleur, comme le Groupe Atlantic, Carrier, Clauger, Daikin, Gree, Johnson Controls, Trane et Lennox ; des fabricants et distributeurs de fluides, dont ADECHIM, Arkema, Climalife ou Gazechim Froid ; des syndicats, comme le SNEFCCA, Uniclima, la CAPEB ; des organismes publics, dont l’ADEME, l’AFPA et plusieurs ministères, etc. © PP

 

 

L’AFCE poursuit quatre buts principaux :

– la sécurité d’utilisation des fluides frigorigènes ;

– L’efficacité énergétique ;

– La limitation des émissions sur tout le cycle de vie des systèmes ;

– La formation et le suivi des compétences de tous les opérateurs ;

 

Le congrès annuel de l’AFCE est toujours l’occasion de faire le point sur les réglementations en vigueur, sur les nouvelles réglementations et sur les réglementations à venir.

 

 

 

Le Règlement F-Gaz vient d’être renforcé

À l’ouverture du congrès, l’EPEE, qui se présente comme la voix de la réfrigération, du conditionnement d’air et de l’industrie des pompes à chaleur en Europe, a fait un point sur les règlementations européennes. La principale d’entre elles pour le monde de la climatisation, du froid et des pompes à chaleur, est le règlement F-Gaz (EU) 2024/573, dont la dernière version est parue en février 2024 et s’applique depuis le 11 mars 2024. C’est la troisième version du règlement F-gaz, paru en 2006, modifié en 2014, puis en 2024. Le règlement F-gaz organise la décroissance progressive (le phase-down, comme on dit dans le monde des fluides) des gaz HFC vierges mis sur le marché en Europe. Le but actuel est d’atteindre une réduction de 98 % en 2050, par rapport à la moyenne observée durant les années 2009 à 2012. Les gaz frigorigènes concernés sont les HFC, les HFO, les mélanges HFC/HFO, HFC/gaz non-fluorés et d’autres gaz non-utilisés dans le monde du froid, comme le SF6. Les gaz non-fluorés ne sont pas concernés par le règlement F-Gaz, sauf en ce qui concerne la formation et la certification des opérateurs : il faut une formation sur les gaz frigorigènes non-fluorés pour obtenir un certificat de manipulation des gaz fluorés. Le phase-down ne s’applique qu’aux HFC, HFO et mélanges vierges : les fluides recyclés ne sont pas comptabilisés dans les quotas.

 

Outre une sévérisation du phase-down des réfigérants contenant des HFC et des HFO, la plus récente version du règlement F-gaz introduit de nouvelles règles de contrôle des fuites, une certification et une formation pour la manipulation de réfrigérants contenant des HFO, … Surtout, les distributeurs et importateurs de réfrigérants doivent désormais acheter leurs quotas à l’Europe au prix de 3 €/tCO2eq. De droite à gauche, les représentants d’EPEE étaient Vincent De BADEREAU, Manon Roussel, Juliane Barboni et Aya ElAzhari. © PP

 

 

 

Un rappel des interdictions de mise sur le marché

En plus du phase-down, le règlement F-Gaz introduit des interdictions de mise sur le marché de certains produits. Voici un court rappel de ces interdictions à venir :

– à compter du 1er janvier 2025, tous les équipements de réfrigération autonomes, sauf les chillers, utilisant un fluide dont le GWP > 150, tous les réfrigérateurs et congélateurs domestiques utilisant un fluide dont le GWP > 150, la commercialisation et la maintenance des équipements de réfrigération, sauf les chillers, fonctionnant avec des fluides dont le GWP > 2500, sauf pour la congélation en dessous de - 50 °C. Enfin, interdiction de la commercialisation de systèmes monoplits qui contiennent moins de 3 kg de fluide dont le GWP > 750 ;

– À compter du 1er janvier 2026, les réfrigérateurs et congélateurs domestiques, utilisant des fluides fluorés, sauf pour des raisons de sécurité ;

– À compter du 1er janvier 2027, interdiction des chillers de ≤ 12 kW utilisant un fluide dont le GWP ≥ 150. Interdiction de commercialisation de chillers de > 12 kW utilisant un fluide dont le GWP > 750. Interdiction des climatiseurs et pompes à chaleur monobloc de ≤ 12 kW, utilisant un fluide dont le GWP > 150, sauf pour des raisons de sécurité, auquel cas, le GWP du fluide doit demeurer ≤ 750. Les mêmes équipements monoblocs, dont la puissance est supérieure à 12, mais inférieure ou égale à 50 kW (12 > P ≤ 50 kW), sont soumis aux mêmes restrictions : GWP du fluide ≥ 150 interdit, sauf pour des raisons de sécurités, auquel cas le GWP ≤ 750. Interdiction des systèmes air/eau dont le GWP du fluide est > 150 ;

– À compter du 1er janvier 2029 : les climatiseurs splits (mono et multi), dont la puissance est ≤ 12 kW et fonctionnant avec un fluide dont le GWP > 150, sauf pour des raisons de sécurité, sans que soit spécifiée une limite de GWP dans ce cas ;

– À compter du 1er janvier 2030 : équipements de réfrigération stationnaire dont le fluide offre un GWP > 150, sauf pour des raisons de sécurité sur site. Tous les systèmes de climatisation et les pompes à chaleur monobloc, sans considération de puissance, utilisant un fluide dont le GWP > 150, sauf pour des raisons de sécurité, auquel cas la limite de GWP est fixée à < 750.

 

Le gros des interdictions montre deux couperets. Premièrement, les appareils, tous types confondus, contenant des fluides dont le GWP > 150 sont éliminés assez rapidement entre le 1er janvier 2025 et le 1er janvier 2030, avec deux dates intermédiaires en 2027 et 2029, selon le type d’appareils. Ce qui élimine le R32 à très court terme, puisque son GWP = 675, ainsi que le R454B (GWP = 465,23). Il reste le R290 (GWP = 3) et des mélanges de HFO, comme le R454C (GWP = 145,52) ou le R455A (GWP = 145,53), ainsi que l’air et l’eau utilisés comme fluide frigorigène. Nous devrions voir de nouvelles machines utilisant ces deux derniers fluides au salon Chillventa à Nuremberg du 8 au 11 octobre 2024.

 

D’autres interdictions entrent en vigueur en 2033 et 2035, nous reviendrons dessus. De plus, le règlement F-Gaz contient soin propre calendrier de révision et EPEE s’y prépare. Le prochain gros sujet pour le monde du froid, de la climatisation et des pompes à chaleur est celui des PFAs, ces polluants éternels. © PP

 

 

 

La prise en compte des PFAs

En effet, une autre règlementation européenne, dirigée par ECHA, l’agence européenne qui s’occupe des produits et composés chimiques.

 

L’ECHA mène des études dans le but de décider s’il faut aboutir à une interdiction totale en Europe, des substances susceptibles de se dégrader en PFAs ou bien à une interdiction assortie d’exceptions. © PP

 

 

Certains composants des compresseurs contiennent des PFAs. Les fabricants veulent plus de temps pour trouver des solutions de remplacement. © PP

 

 

 

 

EPEE et l’AFCE militent pour une interdiction des PFAs assortie d’exceptions, sous prétexte que si la quasi-totalité des fluides HFO sont susceptibles de se dégrader en PFAs et que certains composants des compresseurs contiennent des PFAs, la contribution du monde des pompes à chaleur, de la climatisation et du froid à la diffusion des PFAs reste faible comparée à la production globale de PFAs dans le monde. Les PFAs, nommés aussi polluants éternels parce qu’il faut des milliers d’années pour qu’ils se dégradent dans l’environnement, sont présents dans les poêles en téflon, les imperméabilisants, les cosmétiques, les mousses anti-incendie et même dans du papier toilette. Les risques pour la santé (cancers, cholestérol et système immunitaire), sont identifiés depuis le début des années 2000, certains PFAS sont même interdits dans l'Union européenne. Ils seront obligatoirement monitorés en France dans l’eau potable distribuée à compter de janvier 2026 : vingt PFAs sont identifiés et la somme de ces molécules ne devra pas dépasser 100 nanogrammes par litre d’eau potable. Le réseau Radio Bleu de Radio France s’est livré à une enquête sur l’eau potable de 89 communes de France, réparties sur tout le territoire. Près de la moitié des échantillons analysés contient des PFAs, dont 27 contiennent des PFAs connus comme cancérogènes et interdits dans l’Union européenne et trois sites dépassent la future limite de 2026 : Cognac, Martres-Tolosane (Haute-Garonne) et Saint-Symphorien d’Ozon (Rhône).

Dire, comme le soutiennent l’EPEE et l’AFCE, que le monde du froid, de la climatisation et des pompes à chaleur devrait bénéficier d’une exception en ce qui concerne les PFAs devient de plus en plus difficile à soutenir. Cela revient à demander le droit d’empoisonner un peu l’environnement, mais tellement peu, par rapport à d’autres industries. Cette demande doit beaucoup aux chimistes producteurs de HFO, de bons fluides au sens thermodynamiques, mais qui pour la plupart se dégradent en PFAs, qui soutiennent que si on interdit les HFC peu à peu, il n’est pas possible de se passer des HFO pour les remplacer. Il existe tout de même des fluides naturels, comme l’air et l’eau (R718), le R290 (propane), le R600 (isobutane), le R600a (butane), le CO2 (R744), l’ammoniac (R717). Ces fluides, à part l’air et l’eau, ne sont pas sans difficultés d’installation. Lors du colloque AFCE, cet aspect été traité par Madyou Touré de Daikin, au nom du syndicat Uniclima.

 

 

 

Le calcul maximal des charges de fluides inflammables

La plupart des fluides qui remplacent les HFC sont classés A2L, soit "légèrement inflammable", voire A3, franchement inflammable, pour les hydrocarbures R290, R600 et R600a. Nous sortons là des règlementations européennes à proprement parler, pour aborder soit des normes mondiales, soit des instructions réglementaires purement française. Pour tous les fluides, il faut selon le local où sont installés les systèmes thermodynamiques, définir la charge maximale admissible.

 

Madyou Touré a rappelé que le calcul des charges maximales est différent selon les produits et selon les locaux dans lesquels ils sont installés. Mais que les normes produits prévalent sur les exigences des normes génériques. © PP

 

 

 

 

Madyou Touré a rappelé que deux critères sont pris en compte dans le calcul de la charge maximale admissible : la toxicité du fluide et son inflammabilité. En ce qui concerne la toxicité, on retient pour le calcul le volume du local et le classement de toxicité du fluide (A > 400 ppm, B < 400 ppm). En ce qui concerne l’inflammabilité, on tient compte du volume du local, de son éventuelle ventilation, de la LFL (Limite Inférieure d’Inflammabilité) du fluide, exprimée en ppm et de la VC (Vitesse de combustion) du fluide en m/s. Plus la LFL est élevée, plus le risque est faible. Plus la VC est importante, plus le risque est élevé.

En gros, il ressort de tout cela qu’il n’y a pas de restriction d’installation pour le R290, classé A3, si la charge est ≤150 g, que des mesures de sécurité supplémentaires sont exigées pour des charges comprises entre 150 g et 1 kg et que si la charge est comprise entre 1 et 5 kg, les générateurs doivent être installés à l’extérieur ou dans des salles des machines spécialement aménagées. Au-delà de 5 kg de R290, les normes produits ne s’appliquent plus. En ce qui concerne le R32, classé A2L, pas de restriction si la charge est ≤1,84 kg, des mesures de sécurité supplémentaires entre 1,84 et 80 kg, salles des machines spécifiques ou extérieur pour des charges > 80 kg. S’il n’y a pas de norme produit disponible, on peut utiliser la norme EN378 ou bien la norme IEC 60335-2-40 pour calculer la charge maximale. Mais, souligne Madyou Touré, les normes évoluent fréquemment. Et, en tout état de cause, la responsabilité du calcul de charge maximale revient à l’installateur ou à l’équipementier.

 

Au-delà de 5 kg de charge de R290, les normes produits ne s’appliquent plus. Il faut utiliser la EN378 ou la norme IEC 60335-2-40 pour calculer la charge maximale en fonction des produits et des conditions d’installation. © PP

 

 

 

Qu’est-ce qui manque au colloque de l’AFCE ?

La nouvelle mouture du Règlement F-Gaz introduit de nouvelles interdictions en ce qui concerne la maintenance :

– pour la réfrigération, en ce qui concerne les réfrigérants vierges (neufs), interdiction d’emploi en maintenance de réfrigérants dont le GWP > 2500 à compter de 2025, puis > 750 à compter de 2032. Les réfrigérants recyclés dont le GWP > 2500 sont interdits en maintenance à compter de 2030 ;

– Pour la climatisation, les pompes chaleur, interdiction en maintenance des réfrigérants neufs dont le GWP > 2500 à compter de 2027, puis à compter de 2032 pour les réfrigérants recyclés dont le GWP > 2500.

Avec un GWP de 2088, le R410A sera interdit dans les climatisations et pac neuves "monobloc", déplaçables mais aussi fixes, jusqu’à 50 kW à partir de 2027. Il sera interdit dans les autres installations autonomes "monobloc" à partir de 2030, Après ces dates, seuls les réfrigérants ayant des GWP inférieurs à 150 pourront être utilisés dans les installations neuves. Pour les climatisations et pac "bi-bloc" (à liaison en fluide) air-eau d’une capacité inférieure ou égale à 12kW, le R410A pourra être utilisé jusqu’en 2027. Pour les modèles air-air de la même capacité, il pourra être utilisé jusqu’en 2029. Après cela, les GWP des fluides devront être inférieurs à 150. Le R32 ne sera plus utilisable en équipements neufs. Lorsque la capacité est supérieure à 12kW, à partir de 2029, les GWP des réfrigérants utilisés devront être inférieurs à 750.

Il existe des centaines de milliers de systèmes installés fonctionnant au R401A, en maison individuelle, en tertiaire, etc. Par quoi remplacer ces équipements en construction neuve à partir de 2027 ? Par des systèmes air/eau utilisant du R290, par exemple, mais cela implique une toute autre architecture de distribution hydraulique dans les locaux et, notamment, le retour aux grands systèmes à eau glacée en tertiaire.

Quant à la maintenance des systèmes installés fonctionnant au R410A, dont le prix a augmenté de 16 % ou de 27 % en 2022, selon les sources, en raison de son GWP et de la réduction des quotas de HFC programmée par le Règlement F-Gaz, aucune intervention n’a porté dessus.



Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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