Une surélévation en ville performante avec du béton de chanvre

Une surélévation en ville performante avec du béton de chanvre

Rehausser un logement de ville en R+3 sans toucher aux fondations a été rendu possible avec du béton de chanvre sur ossature bois : une première en région parisienne.




Une simulation de l’aspect final du bâtiment. Le chantier, débuté en juin 2016 est livré début 2017

 

Avant d’acquérir la partie supérieure, passablement délabrée, d’une maison du centre-ville de Boulogne-Billancourt (92), un particulier a fait étudier la faisabilité d’une surélévation à la toute jeune agence parisienne Giuliani De Lapparent Architectes.

 

L’ancienne échoppe du 19ème siècle a déjà connu deux surélévations, en 1902 et 1912. Ni le rez-de-chaussée, occupé par deux commerces, ni le sous-sol ne sont accessibles au futur propriétaire du premier étage et des combles aménagés.

 

La maison de ville avant travaux (R+1 et combles habités).

 

Les architectes confient au bureau d’étude VP & Green Engineeringla mission de vérifier qu’une surélévation est compatible avec les structures des niveaux inférieurs et les bâtiments contigus.

 

Le BEcalcule que, compte tenu de la qualité du sol et de l’état du bâti, l’augmentation des charges ne peut excéder 10 % du poids total initial.  Ici, comme dans le cas de nombreux immeubles, une solution légère s’impose pour permettre la rénovation et gagner des m2.

 

Le système constructif adapté

 

Les architectes choisissent une ossature bois remplie de béton de chanvre ; une solution qui répond aux contraintes du chantier, tant en termes de poids, que de simplicité de mise en œuvre, de traitement de la thermique et de l’acoustique, d’intégration dans l’environnement, de respect des matériaux anciens, de confort des occupants, de bilan environnemental et de budget.

 

 

  • A gauche : Vue de la façade sud. L’entreprise générale JRBAT a monté les panneaux à ossature bois préfabriquésavant de couler le béton de chanvre.
  • A droite :  L’ossature bois est portée par les murs extérieurs et les planchers.

 

Le bâtiment sera rehaussé du double de sa hauteur : la surélévation comprendra un deux-pièces de 50 m2 au niveau R+1 (mis en location) et un triplex de 130 m2 en R+1, +2 et +3, pour loger la famille de l’acquéreur*.

 

Le premier niveau est rénové en profondeur : un plancher trop dégradé est remplacé (R+2) et un autre ajouté (R+3). Afin d’alléger le bâtiment, la partie haute des murs extérieurs est arasée sur 1,5 m. L’ossature bois, porteuse, est posée sur un sommier de béton coulé sur le haut des murs (et sur les planchers dans les niveaux supérieurs).

 

Ossature bois + béton de chanvre

 

L’ossature bois est comblée sur trois faces par du béton de chanvre (chaux Tradical PF 70 + chènevotte Chanvribat de chez BCB), sur une épaisseur moyenne de 36 cm. Et ce sur la hauteur totale de la surélévation : 6 m.

 

Le béton de chanvre a été coulé manuellement, entre banches. Il sèche à raison de 2 cm par semaine, en ventilation naturelle.

 

Le remplissage se fait à coffrage perdu, et manuellement car il était impossible d’entreposer le malaxeur et le compresseur nécessaires à une mise en œuvre mécanique. Une simple  bétonnière a été stationnée au bas de la maison.

 

La mise en œuvre coulée entre des banches crée une épaisseur homogène. Malgré la légèreté du matériau (330 kg/m³), les murs apportent une ambiance feutrée, et une masse comparable à celle des murs d’une construction traditionnelle.

 

La performance thermique

 

Le système constructif permet, selon les cas, de noyer l’ossature bois, ou de la déporter sur une face ou l’autre de l’ouvrage. Ici, l’ossature bois est déportée sur l’intérieur pour obtenir une isolation thermique optimale et un traitement performant des ponts thermiques : le ratio de transmission thermique linéique moyen global ψ de 0,12, pour une exigence de la RT 2012 d’un ratio ψ ≤0,28W/m2.K.

 

Le Bbio est de 80 points, pour un besoin bioclimatique maximal autorisé de 86,8. Du côté extérieur, les bois sont recouverts de béton de chanvre, puis d’un enduit chaux aérienne traditionnel.

 

A l’intérieur, les panneaux de Fermacell (cellulose +gypse) de 18 mm d’épaisseur sont  enduits de chaux Tradical Décor. Pour des questions de poids, la quatrième face, au sud, est constituée de panneaux de laine de bois d’épaisseur 34 cm, enduits de chaux**.

 

Le confort du neuf, le charme de l’ancien

 

L’esthétique du nouveau bâtiment respecte l’existant tout en apportant une touche de modernité : côté rue, au nord, les baies aluminium des deux niveaux supérieurs, à châssis coulissant, ont une largeur doublée par rapport aux fenêtres du premier étage, et sont munies de gardes corps en verre.

 

Les deux logements sont traversants et la création d’une terrasse côté sud, au deuxième niveau, apporte un surcroit de clarté. La recherche de luminosité est de mise à l’extérieur également, avec un enduit chaux traditionnel qui donne un grain à la façade, accroche la lumière et va se patiner dans le temps, pour une bonne intégration du bâtiment dans son environnement.

 

Ce projet de surélévation aura demandé deux ans, en grande partie pour valider le projet (études, autorisations des diverses parties prenantes, etc.). Déclaré comme habitat collectif, le bâtiment est éligible au label Bâtiment Biosourcé niveau 3 (plus de 36 kg de matériaux biosourcés par m2), qui sera intégré dans la RT 2020.

 

La loi ALUR favorise le recours aux surélévations en ville. La solution retenue ici fera probablement des émules pour les nombreux projets à venir !

 

  • * En renforçant les fondations, un étage supplémentaire aurait pu être ajouté (autorisé par le PLU).
  • ** Entre temps, BCB Tradical a commercialisé un béton de chanvre allégé, le Tradical Thermo, qui aurait pu constituer les quatre côtés sans dépasser la charge maximale préconisée par le BE Structure.
  • *** Pour Paris uniquement, environ 11 000 bâtiments sont susceptibles d’être rehaussés.

 

 

Les « Plus » du système

 

La pose des trois couches qui le constituent (ossature bois-béton de chanvre-enduit chaux) est aisée (phasage simple, tout corps d’états). Le complexe végétal/minéral a une durée de vie conséquente et son vieillissement est homogène.

 

Epais de 3 cm, l’enduit extérieur est posé en deux passes (Tradical Bâtir + sable pour le sous enduit, puis Tradical PF 80 + sable pour l’enduit de finition) sur une trame. Son temps de séchage est d’1 cm par semaine.

 

La pose en continu limite les ponts thermiques et permet une grande efficacité  hygrique du matériau en l’absence de lame d’air (pas de point de rosée entre l’existant et l’isolation).

 

Le Béton de Chanvre apporte un grand confort à l’intérieur en toute saison, par l’excellente régulation hygrique de la paroi, l’écrêtage des températures (absorption de 95 % de la variation des températures extérieures, été comme hiver) et une tempérance de la surface des murs intérieurs (pas de parois froides).

 

Les matériaux Tradical utilisés se comportent très bien au feu (classés B-S1, d0  pour le béton de chanvre, et A2-S1, d0 pour l’enduit) ; ne produisent ni fumée ni flammèches ; la température de la paroi séparant du feu s’élève très progressivement (testé sur les matériaux nus par le laboratoire LNE).

 

Les qualités acoustiques du béton de chanvre constituent un atout supplémentaire pour ces logements situés dans un environnement urbain assez bruyant (classé niveau 3). Les  sons ont pu être atténués pour atteindre 35 dB pour le côté rue et 30 dB au sud. Le mur entre logements et la dalle béton du R+1 ont également été traités (laine de bois).

 

Le bilan environnemental du système est très favorable. Les 40 m3 de béton de chanvre utilisés ici stockent 11 tonnes de CO2.Le chanvre est cultivé en France, sans apport d’engrais, de pesticides et avec peu d’eau.

 

Fiche chantier

 

  • Maîtrise d’œuvre : Agence Giuliani - de Lapparent
  • BE Structures : VP & Green Engineering
  • BE Acoustique : Adc Acoustique
  • BE Thermique : Ecotipi
  • Entreprise générale : JRBAT
  • Montant des travaux : 370 000 € HT
  • Coût au m² rénovation : 1 300 HT/m2
  • Coût au m² surélévation : 3 700 HT/m2 (70 m2 créés)

 


Source : batirama.com / Emmanuelle Jeanson

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