Si la transition énergétique doit coûter très cher, l’inaction coûterait plus cher encore

La séance plénière du Conseil Economique Social et Environnemental sur le financement de la transition énergétique

"Financer notre stratégie Énergie-Climat : donnons-nous les moyens de nos engagements" est le titre du rapport présenté par le Conseil Économique Social et Environnemental (CESE).




Mercredi 15 février, au nom de la Commission économie et finances, Julia Grimault, rapporteure, a présenté l’avis du Conseil économique social et environnemental (CESE) sur la durée nécessaire, le coût et le financement de la transition énergétique en France. ©PP

 

L’agenda européen "Fit for 55" et la stratégie française sur l’énergie et le climat

 

Julia Grimault a commencé sa présentation de l’avis du CESE en rappelant le contexte. En juin 2022, l’Europe, c’est-à-dire la Commission, le Parlement et le Conseil, a adopté l’agenda "Fit for 55". Son but : réduire d’au moins 55% les émissions de gaz à effet de serre des Etats Membres de l’Union Européenne par rapport à 1990.

 

Pour mettre en œuvre cet agenda, plusieurs règlements européens ont été publiés, plusieurs directives européennes sont en cours de révision. Et, notre pays, de son côté, s’apprête à réviser la Stratégie Française sur l’Energie et le Climat, la SFEC comme on dit en jargon climato-administratif.

 

La révision de la SFEC, rappellent Julia Grimault et le CESE qui ne détestent pas les acronymes, se traduira par la révision de la LPEC, de la SNB3, du PNACC et de la PPE. Autrement dit, par la révision de la Loi de programmation quinquennale sur l’énergie et le climat (LPEC), de la Stratégie Nationale Bas Carbone version 3 (SNBC3), du Plan National d’Adaptation au Changement Climatique, version 3 pour lui aussi (PNACC3) et de la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) pour la période 2024-2033.

 

 

70 milliards d’euros par an en plus d’ici 2030

 

 

Pour atteindre les buts de décarbonation de la France, le CESE, après avoir synthétisé plusieurs études et projections économiques, évaluent le montant d’investissement supplémentaire nécessaire entre 57 et 70 milliards d’euros par an pour "se placer sur la trajectoire de neutralité carbone". ©PP

 

 

Cet effort d’investissement supplémentaire en faveur de la transition énergétique et du climat représente de 2 à 4% du PIB à investir chaque année d’ici 2050, avec une valeur basse calculée par rapport au scénario "sobriété" de l’Ademe à 13 milliards d’euros et une valeur haute de 87 milliards estimée par Rexecode.

 

Mais, soulignent l’avis du CESE, Jacques Creyssel, président de la Commission Economie et Fiances du CES et Julia Grimault, rapporteure de l’Avis du CESE, face à ces montants considérables, le coût de l’inaction serait plus énorme encore.

 

Plusieurs études et avis d’experts présentés en introduction lors de la séance plénière du CESE du mercredi 15 février, évaluent le coût de l’inaction entre 5 et 25 points de PIB, par an.

 

Une grosse partie du coût de l’inaction face au changement climatique viendra de l’impact financier de la sinistralité supporté par les assurances.

 

Etant donnés les montants en jeu, toutes les ressources financières et règlementaires, ainsi que tous les acteurs – Etat, collectivités territoriales, entreprises, associations, … - doivent être mobilisés.

 

7 axes et 15 préconisations

 

Dans son avis de 112 pages,  le CESE formules 15 recommandations organisées autour de 7 axes.

 

Le premier axe concerne l’Etat et propose de "mieux calibrer les subventions pour renforcer l’efficacité de l’action publique". Le CESE recommande de supprimer en 10 ans les dépenses budgétaires et fiscales défavorables au climat.

 

Le CESE cite deux types de dépenses : les exonérations fiscales et le bouclier tarifaire. Il ne s’étend pas sur les exonérations fiscales, mais propose de réformer le bouclier tarifaire pour qu’il protège en priorité les ménages les plus vulnérables et les TPE-PME qui bénéficient soit du bouclier tarifaire, soit de l’amortisseur électricité.

 

Le CESE reprend une proposition de l’IDDRI : le principe du "1 pour 1". Chaque fois que l’Etat dépense 1 € dans l’aide au paiement des factures énergétiques, il doit consacrer un autre euro à la transition énergétique.

 

Le CESE formule également des propositions de bon sens, qui seront particulièrement difficiles à mettre en œuvre. Le rythme des Finances Publiques est annuel, à travers le vote de la Loi de Finances. Depuis longtemps, de nombreux spécialistes ont pointé la nécessité d’une programmation pluriannuelle des dépenses publiques, un peu en vain.

 

Le CESE reprend cette idée et propose d’adosser une programmation pluriannuelle des Finances Publiques à la Loi de programmation quinquennale sur l’énergie et le climat (LPEC). Ce serait une mesure de bon sens.

 

Le rôle des Collectivités Territoriales

 

Le CESE pointe également le rôle incontournable des Collectivités Territoriales – communes, intercommunalités, départements, régions, … - dans la transition énergétique. Il propose que l’Etat se dote, là-aussi, d’un programme pluriannuel de dotation aux collectivités, fixé après concertation avec celles-ci, qui permette des projections dans la durée, accompagné du verdissement des dotations de l’État avec une attribution bonifiée pour les collectivités porteuses de projets favorables à la transition écologique.

 

Le CESE préconise aussi le renforcement de l’action de la Banque des Territoires – élargissement de ses missions, augmentation de ses ressources, … - pour mieux soutenir les collectivités territoriales dans leur transition énergétique.

 

Le CESE imagine aussi que l’Etat puisse définir une typologie de projets ou de travaux de transition dont la possibilité d’amortissement serait établie sur des termes longs et pourraient être comptabilisés sans dégrader les ratios retenus pour juger de la qualité de gestion d’une collectivité territoriale, avec une possibilité de dispositif de garantie par l’État.

 

Côté finances

 

Le CESE formule pas moins de 8 recommandations financières et fiscales, qui vont de la mobilisation de l’épargne privée à l’orientation des fonds collectés par le Livret A vers la transition énergétique, en passant par un effort de transparence pour mieux informer les épargnants quant à l’emploi de leur épargne.

 

 

Plusieurs recommandations du CESE sont déjà en cours de mise en œuvre par l’Union Européenne, notamment à travers la Taxinomie Européenne, dont nous vous avons déjà parlé et dont nous vous reparlerons encore, tant sont importance croît, notamment dans le financement de l’immobilier. ©PP

 

Le CESE souhaite, par exemple, que tous les nouveaux investissements dans les énergies fossiles soient obligatoirement financés sur fonds propres, sans recours possible à l’épargne ou aux crédits bancaires. C’est déjà ce qu’accomplit la Taxonomie Européenne.

 

Le CESE insiste enfin sur la nécessité "de véritables incitations, un cadre fiscal et réglementaire qui assurent la mise en œuvre des projets bas-carbone, une lisibilité des politiques et objectifs poursuivis qui sécurise les choix d’investissements des acteurs économiques".

 

 

L’avis du CESE conclut "pour mener à bien la transformation requise de notre économie dans les temps impartis, un consensus se forme sur le besoin d’un cadre et d’une méthode : nous aurons besoin de planifier les actions à engager, mais également les financements à apporter. Cela sera nécessaire pour atteindre les objectifs in fine, mais également pour donner de la visibilité aux acteurs." ©PP

 



Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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