Woodstock réinvente le chauffage bois urbain

Euro Energies, filiale du Groupe Poujoulat, développe son outil industriel pour mettre le bois énergie à disposition des habitants de grandes agglomérations.

Un froid polaire s’abat sur l’Europe en cette fin novembre, le réseau électrique va devoir encaisser des pics et la Bretagne est menacée de coupures de courant. La France va joliment arrondir ses émissions de carbone 2025 sur la dernière ligne droite, alors qu’elle doit, et c’est un impératif vital, descendre ses émissions de 370 Mt annuelles à 270 Mt en 2030. Surprise, le bois énergie se révèle comme un contributeur clé pour atteindre cet objectif.

 

La scierie Germain Mougenot fait partie des scieries vosgiennes qui ont énormément investi depuis la pandémie, ajoutant notamment l'activité Lorraine Pellets distribuée par Euro Energies. © Euro Energies

 

 

L’injection vertueuse

Il y a 15 ans, les propriétaires forestiers regroupés dans l’organisation qui ne s’appelait pas encore Fransylva regrettaient l’insuffisance d’apports financiers en amont de la forêt, empêchant finalement le développement vertueux de toute la filière. Une injection qui s’est opérée depuis via les exportations de grumes en conteneurs sur la base de cartographies notariales ouvertes, et du programme France Relance. Parallèlement, les coopératives forestières ont musclé leur réseau d’approvisionnement des centrales en plaquettes forestières. Mais qui sait, l’allumage de la filière bois française vient peut-être de la réorientation stratégique du groupe Poujoulat, leader européen dans le domaine des conduits de cheminée. En tout cas, le présent article fait suite à un voyage de presse organisé le 19 et 20 novembre 2025 dans le Grand Est.

 

Lorraine Pellets, une industrie lourde smart : on aperçoit à gauche le stock, à droite devant le séchage et derrière en vert la fabrication de pellets puis leur stockage. © Euro Energies

 

 

Diversification stratégique

Compte-tenu de sa spécialité, l’industriel n’a pas pu passer à côté du constat qu’il y a vingt ans, à la faveur du développement d’une offre de poêles italiens, le domaine du bois énergie entrait dans une profonde mutation. Parallèlement, le groupe gérait les risques et s’interrogeait sur la perspective d’un futur sans conduits de fumée. Au lieu de viser la première place mondiale du conduit de fumée, ou bien en complément, le groupe a décidé une diversification qui s’est finalement concentrée sur le bois énergie.

 

Le voyage de presse du 19-20 novembre a permis de visiter les sites de Germain Mougenot, de BF70 (en photo) mais aussi une forêt de hêtres gérée par l'ONF. © Euro Energies 

 

 

La porte d’entrée des pellets

On avait donc les coops sur le créneau de la plaquette, concurrencés par l’ONF qui développait également le bois bûche, un marché gris encore fortement dominé par l’affouage, du moins dans certaines régions. Poujoulat a commencé par les pellets en s’appuyant sur les investissements CREE des grandes scieries, car à l’époque, il s’agissait de produire de l’électricité avec les connexes de scieries, et accessoirement des pellets. La scierie Archimbaud en était, au point qu’on associe aujourd’hui la marque Woodstock avec elle, alors que depuis, Euro Energies, la filiale du Groupe Poujoulat dédié au nouveau marché du bois énergie, a multiplié les partenariats avec des grandes scieries, dont récemment la scierie Germain Mougenot dans la Vosges, via sa filiale Lorraine Pellets.

 

La bûche densifiée, un hybride qui est en train de devenir la star du bois énergie. © Euro Energies

 

 

La bûche sans bûcheron

À la plaquette, Euro Energies ne touche pas, mais se positionne en compétiteurs des coops et de l’ONF pour le recours à la biomasse, et pourquoi pas en client. Quant au bois bûche, Euro Energies a récupéré plusieurs sites cédés par l’ONF, et notamment l’activité sur le segment de la bûche densifiée. On arrive en 2025 à une situation où Euro Energies, avec sa marque grand public Woodstock et sa marque de distributeur Crépito, revendique un positionnement géographique national sur le bois énergie à destination du client final, avec selon ses estimations plus de 5 000 points de vente.

Selon le comparateur Pellet Eco, en 2024, Woodstock était la seconde marque de pellets vendues en France après Piveteau, Crépito la quatrième. Si l’on ajoute la bûche, la bûche densifiée et le bois d’allumage, on se retrouve avec un leader pour le consommateur. D’ailleurs, le chiffre d’affaires d’Euro Energie a presque doublé depuis la pandémie, 149 millions de CA. Avec ce positionnement, le groupe Poujoulat est sans doute déjà une licorne.  

 

Le paquet de pellets prend presque un coup de vieux avec son plastique, au regard des nouveaux emballage papier que les robots savent manier avec une dextérité impressionnante. © Euro Energies

 

 

Le nouveau cycle climatique

Le conteneur pour stabiliser les cargos vides qui retournent en Asie à partir d’Anvers n’a qu’à bien se tenir ! Si Woodstock dope la commercialisation de pellets de Lorraine Pellets, Germain Mougenot investit, parvient à mieux transformer le bois de la forêt vosgienne en bois d’œuvre et à rétribuer les propriétaires publics ou privés qui pourront mieux investir pour adapter leurs parcelles à la catastrophe climatique en cours. Ses produits en bois local s'adapteront mieux au marché qui attend des solutions performantes et locales. 

 

Et voilà ! La star du merchandising, l'empaquetage papier qui modifie tout et qui fait du site BF70 l'un des sites bois énergie les plus admirés d'Europe. © Euro Energies

 

 

L’énergie au coin de la rue

La conjonction entre les bons foyers Flamme verte, une biomasse optimisée et de bonnes pratiques de combustion réduit les émissions de COnotablement, ainsi que la pollution aux particules fines. Mais ce qui est la cerise sur le gâteau, c’est comment Euro Energies est en train de gérer la logistique des derniers 100 mètres. Sur le site de BF70 en Haute Saône, trois robots baptisés l'an dernier font de l’empaquetage en sac papier de bûches densifiées à haute performance énergétique, que l’on va pouvoir acheter au supermarché du coin comme un paquet de papier de toilette.

 

 

Pas de coke en stock

Okay, dans les bonnes zones rurales, l’affouage offre à la stère à 5 euros même s’il faut la produire soi-même. La stère de bûche densifiée en supermarché, ce sera infiniment plus. Mais dans les grandes agglomérations, il n’y a pas de garage pour stocker les pellets, quasiment plus de voitures, pas ou peu d’espace de stockage sec en appartement, peu d’espace de toute façon, une isolation en principe optimisée au fil des rénovations, et tout cela conduit à promouvoir le bois énergie nouvelle génération.

 

 

Vous n’imaginez pas à quel point la forêt peu faire réduire les émissions urbaines

Demain, Franprix décharge sur le port de la Bourdonnais, à Paris, ses conteneurs d’acheminement fluvial en barge Zulu hydrogène vert avec des paquets papier contenant quelques bûches densifiées pour les surélévations parisiennes hyper-isolées qui n’en ont quasiment jamais besoin. Ce qui signifie : je surélève en bois sans provoquer de nuisances de chantier, je baisse le coût de construction par un équipement smart, je contribue au cycle vertueux de la forêt et j’écrase les émissions de carbone à tous les niveaux.

 

 

Une lueur d’espoir

Fin février 2026, la 15e édition du Forum Bois Construction aura lieu de nouveau au Grand Palais à Paris sous le thème : "Face au climat". Le constat est amer, la construction bois au sens large ne permettra jamais à la filière française du Bâtiment de remplir ses objectifs de décarbonation pour 2030. Il y a eu trop de retards à l’allumage et la niche de 2010 est restée une niche. Alors, que faire ?

Eh bien, d’une part, il existe la massification du bois dans la construction traditionnelle, le bois béton sous toutes ses formes, le développement maximal du bois dans la construction, en aménagement, voire en mobilier même s’il n’est pas comptabilisé dans le carbone Bâtiment. Mais s’ajoute aussi l’aspect vertueux de l’évolution du bois énergie, à la faveur du développement de l’offre et d’appareils de combustion de qualité. Mis bout à bout, ces trois vecteurs (construction biosourcée, bois dans la construction, bois énergie) peuvent faire basculer les émissions du bon côté et ils sont directement liés. Face au climat, touchez du bois !

 


Source : batirama.com / Jonas Tophoven / © Euro Energies  

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