Le chantier de l'A69, la Turboteuf au château de Scopont et le ministre de l'Intérieur

Début juillet, dans le Tarn, plusieurs centaines d'opposants à l'autoroute A69 se sont réunis dans le calme, en fin d'après-midi, sur le site d'un château délabré proche du tracé, afin d'organiser une "Turboteuf".

Ils partirent trois cents ; mais par un prompt renfort, ils se virent au moins mille en arrivant au château : venus dans le calme, en voiture ou à pied, avec sacs à dos, tentes et sacs de couchage, les militants opposés à l'autoroute Castres-Toulouse s'étaient installés dans le parc du château de Scopont, une bâtisse séculaire en ruine, cernée de deux tours pointues, où le propriétaire, Bernard d'Ingrando, leur avait accordé le droit de s'installer le temps de la "Turboteuf", ou week-end de mobilisation contre l'A69, au début du mois de juillet.

 

 

 

Un châtelain accueillant 

"Le château de Scopont nous a accueillis à partir de [jeudi] pour commencer à déployer le camp, donc il y a des bars, des chapiteaux pour faire la fête, des cantines pour continuer à s'opposer à l'autoroute", ainsi que l'a expliqué à l'AFP Martin, l'un des organisateurs du week-end. L'A69 "est toujours illégale, elle a été déclarée illégale par la décision du tribunal administratif du 27 février et elle sera le toujours jusqu'à l'appel en novembre", a-t-il ajouté, évoquant la présence d'environ 300 personnes vers 16h00.

 

 

 

Des forces de l'ordre mobilisées en nombre

Aux abords du parc du château, des forces de l'ordre étaient déployées, notamment à quelques centaines de mètres, sur une base d'Atosca, futur concessionnaire de l'autoroute et maître d'œuvre des travaux, où sont garés une dizaine d'engins du chantier, tandis qu'un hélicoptère de la gendarmerie survolait le périmètre par intermittences.

À l'entrée du parc, des gendarmes effectuaient des contrôles de véhicules, ce qui a sporadiquement suscité des tensions avec les militants déjà présents, souvent masqués, mais sans affrontement.

Afin d'anticiper d'éventuels débordements, 1 500 policiers et gendarmes se trouvaient aux abords du château de Scopont.

 

Samedi 5 juillet, les opposants à l’A69, controversé projet d’autoroute, qui doit relier les villes de Castres et Toulouse d’ici 2026, se sont à nouveau rassemblés à l’occasion d’une "Turboteuf" dans le Tarn, quelques semaines après un énième rebondissement dans ce dossier et la réautorisation des travaux par la justice. © Le HuffPost

 

 

 

Sous un grand chapiteau blanc et rouge 

Sous un grand chapiteau blanc et rouge à l'entrée du site, qui arborait une banderole avec le message "Stop l'A69 et son monde", une assemblée générale discutait des prochaines étapes de la mobilisation comme de l'organisation du rassemblement.

"L'objectif c'est d'arriver à un consensus sur la suite des modalités d'action pour ce week-end et pour l'avenir de cette lutte", a affirmé à l'AFP Arthur Grimon, membre des Soulèvements de la Terre, précisant que l'organisation n'avait "pas prévu de surprise, il n'y pas de manifestation, contrairement à ce que dit la préfecture avec son récit répressif qui met en avant le fait que nous serions des gens violents, venus pour casser, détruire ou taper la police".

 

 

 

"No macadam" et farandole

Samedi 5 juillet 2025, avec des troncs d'arbres, des palettes et des branches, certains ont commencé par occuper la RN26, que les autorités avaient préalablement coupée à la circulation, en scandant "no macadam" et en dansant la farandole. "À 17h00, 600 manifestants masqués, cagoulés et en possession d’armes par destination ont érigé des barricades", avait précisé la préfecture. Ils ont ensuite lancé des pierres sur les forces de l'ordre, qui ont répondu par le tir de grenades lacrymogènes vers 17h30.

Cependant, le calme est rapidement revenu vers 18h, chacun reprenant son rôle : les gendarmes restant à bonne distance et observant la situation ; les manifestants chantant, dansant ou discutant.

Sur ce, selon la préfecture, 257 armes et objets pouvant constituer des armes par destination ont été saisis par les forces de l'ordre (dont certains en amont de l'événement), comme :

– des boules de pétanque,

– des catapultes artisanales,

– des marteaux ou encore des haches.

 

 

 

Une Turboteuf interdite par la préfecture

Toutefois, faute de déclaration par ses organisateurs et en raison des heurts survenus lors de précédents événements, la préfecture du Tarn avait émis un arrêté d'interdiction de la "Turboteuf" et appelé "la population à ne pas se joindre à ce rassemblement illégal, qui met en danger ses participants et les exposent à des poursuites pénales".

De leur côté, les organisateurs avaient maintenu l'événement en mettant en avant qu'il se déroulait sur un terrain privé dont le propriétaire, Bernard d'Ingrando, avait indiqué à l'AFP avoir donné son accord, "à condition qu'il n'y ait pas de débordements".

 

Un millier de manifestants se sont réunis devant le château à Maurens-Scopont (Tarn), pour protester contre l’autoroute A69. © Ed Jones / AFP

Parmi les centaines de manifestants, le préfet du Tarn a souligné "une présence importante d'individus masqués et cagoulés, des individus identifiés sur d'autres manifestations ultraviolentes". La préfecture avait également pu observer "la fabrication de catapultes, la mise en place de réserves de pierres qui montrent l'intention d'en découdre", sans compter les saisies mentionnées plus haut.

 

 

 

Bruno Retailleau s'en mêle, Philippe Tabarot aussi

Dans un message posté sur X, Bruno Retailleau, également président de LR, a estimé que "quand, au nom de l'écologie, on prépare une manifestation avec des armes comme des catapultes, des boules de pétanque ou des haches ; quand, au nom de l'écologie, on mobilise des dizaines de militants d'ultra-gauche encagoulés et dangereux, dont une cinquantaine de fichés S, qui ne veulent que détruire ou casser du flic, alors c'est qu'on a basculé dans la sédition et l'ultra-violence".

Accompagnant son post de photos de bassines remplies de cailloux, de haches et d'une catapulte artisanale, Bruno Retailleau a jugé que les forces de l'ordre déployées sur le site faisaient face à des "groupes de barbares sans limite qui veulent créer le chaos".

Rappelant que la manifestation avait été interdite par arrêté préfectoral, Philippe Tabarot a dénoncé, également dans un message posté sur X, une "violence préparée". "L'ultra-gauche défie la justice et l'État sur le chantier de l'A69. Ces activistes, soi-disant écologistes, bloquent un projet soutenu par les élus et les habitants et la reprise d'un chantier autorisée par la justice", a ajouté le ministre des Transports. Il a promis que l'État ne plierait pas "devant des professionnels de la contestation qui ne respectent pas la loi". 

Le président de la République Emmanuel Macron a fait part de son "soutien" aux forces de l'ordre mobilisées dans un tweet, rappelant une lapalissade : "force doit rester à la loi".

 


Source : batirama.com / AFP / Laure Pophillat / ©  Flora Midy / Radio France

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