Le DPE est-il un indicateur fiable de la consommation d'énergie ?

Table en bois avec une feuille indiquant l'échelle DPE, un casque de chantier, une calculette, un panneau solaire...

Une étude réalisée par le Conseil d'analyse économique avec le Crédit Mutuel indique que les économies d'énergies réalisées en changeant d'échelle DPE ne sont pas toujours aussi importantes qu’on pourrait l’anticiper.




Pour ou contre le diagnostic de performance énergétique (DPE) réalisé avec la méthode 3CL ? Le sujet a déjà suscité de nombreux débats, et la fiabilité des diagnostics a déjà fait l'objet de plusieurs études d'associations de consommateurs (60 millions de consommateurs, UFC Que Choisir...) , souvent avec des résultats inquiétants. Pourtant, c'est sur le DPE que la politique publique de logement s'appuie pour inciter les propriétaires à rénover.

 

L'étude dont nous parlons aujourd'hui, publiée le 10 janvier 2024, s'est basée sur la consommation réelle de près de 180.000 ménages (clients anonymes du Crédit Mutuel Alliance Fédérale), comparant cette dernière au DPE de leur logement. Elle a été réalisée par le Conseil d'analyse économique, qui dépend du Gouvernement et dont la mission est d'éclairer les choix du gouvernement en matière d'économie.

 

Il ressort des résultats de l'étude que le fait d'habiter dans un logement bien noté "conduit toutefois en pratique à une baisse de la consommation d'énergie bien plus faible qu'escompté", même si le DPE n'est pas fait pour modéliser la consommation réelle mais la performance des logements.

 

Comparaison entre la consommation estimée et la consommation réelle

 

DPE Graphique 1

Ici, voici la consommation d'énergie théorique à chaque étiquette de l'échantillon. On peut voir que pour une consommation d'environ 83 kWh/m²/an avec une étiquette AB, la consommation devrait être supérieure de 80% avec une étiquette C, de 159% avec une étiquette D, de 248% avec une étiquette E, de 351% avec une étiquette F et de 560% avec une étiquette G. Mais la réalité est tout autre. © Conseil d'analyse économique/Crédit Mutuel, Focus n°103 - janvier 2024.

 

Graphique consommation réelle

Sur les 180.000 ménages qui ont fait partie de l'étude, voici les résultats qui ont été observés :
en considérant tous les logements, quelle que soit leur surface, on observe en moyenne une consommation de 13€/m²/an pour les logements AB, et qui n'atteint que 85% de plus pour les logements classés G (au lieu des +560% escomptés). L'écart est encore moins significatif lorsque la taille du logement augmente. Ainsi, pour un logement de moins de 30 m², le logement classé G consomme 89% de plus que le logement classé AB, mais pour un logement de plus de 100 m², l'écart n'est plus que de 55% (on remarque même à partir de 80 m² de surface que les logements classés G consomment moins que les logements classés F.  © Conseil d'analyse économique/Crédit Mutuel, Focus n°103 - janvier 2024. Sources citées : Crédit Mutuel Alliance Fédérale, Ademe et calculs auteurs.

 

Pourquoi cette différence ?

 

Les auteurs de l'étude émettent plusieurs explications.

 

Premièrement, les différences comportementales des ménages, qui varient d'un logement à l'autre. Les auteurs de l'étude expliquent : "le DPE fait l’hypothèse que la demande de confort thermique est fixe : quelles que soient les caractéristiques du ménage, le confort thermique visé est de 19 °C en hiver et 28 °C en été. Cependant, les usagers peuvent avoir tendance à ajuster leur demande au-dessus ou en dessous de ce niveau fixe de confort, et ce, en fonction de l’étiquette DPE du logement. En effet, la demande de confort thermique est une fonction inverse de son coût. Or ce dernier diminue avec la performance thermique du logement. Il en découle que moins le logement est performant, plus ses occupants auront tendance à limiter leur consommation par rapport à leur consommation théorique, par un effet de sobriété. À l'inverse, dans les logements très performants, les occupants auront tendance à consommer au-delà de la consommation théorique."

 

En d'autres termes, les habitants d'une passoire thermique vont avoir tendance à adopter un comportement plus sobre, "sans doute en raison de leur contrainte budgétaire, notamment pour les plus modestes", tandis que les habitants d'un logement très performant, dont la facture est moins haute, auront, pour certains, tendance à moins faire attention à leurs consommations.

 

Second critère cité pour expliquer ces différences, le modèle 3CL en lui-même, qui n'est pas parfait en tous points : "la performance conventionnelle attribuée au bâti et aux équipements peut surestimer leur performance réelle, notamment en raison de malfaçon techniques, comme le suggèrent certaines études. De plus, la performance énergétique peut être difficile à évaluer lorsque les caractéristiques physiques du logement ne sont pas homogènes du fait de différentes phases de rénovation. Enfin la méthode 3CL conduit à noter différemment deux logements aux caractéristiques semblables mais de superficie différente. En effet, comme les besoins énergétiques sont calculés en fonction de la surface déperditive du logement (sol + murs extérieurs), puis rapportés à la surface au sol, cela produit mécaniquement une étiquette DPE plus faible pour les petites superficies où le rapport surface déperditive/surface au sol est plus élevé." D'où la nécessité de fiabiliser les DPE, dont la marge d'erreur a déjà été démontrée et a même été reconnue par les syndicats de diagnostiqueurs.

 

Enfin, l'étude mentionne un dernier critère : "le DPE est manipulable du fait d'une trop grande subjectivité dans l'appréciation des paramètres (...). Ainsi les enquêtes de consommateurs alertent sur l'incohérence des diagnostics pour un même logement, lequel peut se voir attribuer différentes classes énergétiques allant de B à E selon le diagnostiqueur". Les enjeux de valorisation immobilières sont tels qu'on remarque une "surreprésentation des logements affichant une consommation à la frontière des seuils d'attribution des étiquettes"

 

Incitation à la sobriété pour tous

 

Les auteurs de l'étude soulignent donc l'importance d'inciter tous les ménages, y compris ceux vivant dans les logements les mieux classés, à avoir des comportements plus sobres. En effet indiquent-ils, "si la rénovation permet d'améliorer la qualité énergétique des bâtiments avec des bénéfices importants en termes de confort énergétique et de santé, la réduction des émissions de gaz à effet de serre associés dépend étroitement de la façon dont les ménages ajustent leur consommation à la suite des rénovations."

 

L'étude suggère également qu'il y a des pistes d'amélioration et d'homogénéisation sur lesquelles travailler afin de faire en sorte que le DPE devienne un meilleur indicateur de la qualité énergétique des logements

 



Source : batirama.com / Emilie Wood / Photo © Freepik

L'auteur de cet article

photo auteur Emilie Wood
Journaliste, photographe, vidéaste, Emilie Wood travaille depuis 2010 pour la presse, qu’elle soit professionnelle dans les domaines du BTP et de l’agriculture, ou généraliste. Pour Batirama, elle écrit sur des sujets aussi variés que la conjoncture BTP, l’évolution de la réglementation, la rénovation énergétique, les réformes, les innovations, ou encore l’actualité de l’immobilier. Elle apprécie particulièrement réaliser des portraits d’entreprises et révéler les femmes et les hommes qui, chacun à leur manière, font une différence, qu’ils soient entrepreneurs ou collaborateurs d’entreprise.
6 Commentaires
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  • par Sylvain27
  • 17/01/2024 19:32:54

Le DPE ne peut pas être un indicateur fiable de consommation des occupants puisque lorsque vous avez un chauffage électrique et que vous consommez 100kWh, le DPE déclare que vous avez consommé 230kWh .... et je ne vous parle pas des autres travers des calculs...

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  • par RVL42600
  • 15/01/2024 18:09:06

Selon l'association de consommateur les fraudes sont tellement nombreuses que le système du DPE est décrié. En effet, les marchands du 1€ font établir des DPE sous estimés pour obtenir un gain supérieur et ainsi justifier des travaux plus importants et plus chers bien entendu !

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  • par Aranne
  • 15/01/2024 17:32:08

Bonjour, Habitant Lyon, j’ai choisi le Cabinet Agenda Diagnostics de Villeurbanne pour réaliser le DPE de mon appartement. Surface 119m², situé au 5ème et dernier étage d’un immeuble de 1970, chauffage individuel, eau chaude et plaque cuisine au gaz (Chaudière à condensation). Climatisation air/air utilisé l’été. Absent 5/6 semaines l’été. Le cumul en kWh/an gaz et électricité du diagnostiqueur est de 32981 (respectivement 31534 et 1447) Mes consommations réelles annuelles (factures) s'élèvent à17216 kWh (14484 et 2732). Le DPE est classé E (277kWh/m²) alors que mon réel me classerait en C (145kWh/m²) De plus les calculs du Cabinet sont donnés pour « une température de chauffage de 19°C réduite à 16°C la nuit ou en cas d’absence » alors que moi je chauffe respectivement à 21°C et 19°C. Et les consommations tels que four, électroménager, tv…ne sont pas prise en compte par le diagnostiqueur ni les consos de cuisine au gaz ! Suite échange avec Agenda Diagnostics, après analyse aucune erreur n’est repérée sur ses relevés et les compétences de l’intervenant ne semble pas mis en cause… Reste le logiciel de calcul. Comment peut -il y a voir une telle erreur (presque du simple au double)? Salutations

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  • par JPH
  • 15/01/2024 16:48:46

Comparer les dépenses effectives de chauffage à un calcul normatif reposant sur le postulat que le confort thermique d'un logement se situe à 19° C en moyenne, sans avoir fait une étude statistique de la réalité des températures moyennes dans les logements, ne peut conduire qu'a de pareilles constatations. En effet la norme de 19 ° C me parait tout à fait irréaliste et l'observation du Conseil d'analyse économique selon laquelle le niveau de chauffage dépend aussi (mais sans qu'on ait pu chiffrer cet "aussi") du niveau de revenu des ménages me semble justifier la réalisation d'études moins technico-théoriques et davantage appuyée sur le comportement des agents économiques.

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  • par Mich64
  • 15/01/2024 16:41:46

On compare des déperditions de logements avec avec des coûts au m², sans tenir compte de l'énergie utilisée, du système de chauffage utilisé et on ne regarde pas la consommation réelle du logement qui bien entendu va être fonction des températures programmées, du nombre de personnes et des temps d'utilisation...au final on aura toujours des écarts très variables!

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  • par Diagnostiqueur
  • 15/01/2024 16:39:27

Attention : vous partez d'un écart théorique de consommation d'énergie en kWh/m²/an(premier graphique) pour le comparer ensuite aux écarts constatés sur les coûts (en €) (second graphique) Cette approche est trompeuse car tous les logement n'ont pas les mêmes sources d'énergie et donc pas les mêmes coûts en €/kWh: les logements A et B sont souvent en tout électrique avec des pompes à chaleur alors que les logement F ou G sont souvent sur des chaudières fioul. Les deux sont difficilement comparables. Notamment en fioul ou la note DPE est déterminée par la production de gaz à effet des serre alors que ce n'est pas du tout le cas pour l'électricité.

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