Récession dans la construction : la FFB pronostique une chute brutale

Ouvriers du BTP sur un chantier dans le brouillard

L’agacement et le dépit étaient perceptibles lors de l'intervention d’Olivier Salleron, président de la FFB, qui présentait à la presse le 13 septembre les derniers chiffres de l’activité du BTP.




Veut-on "exclure les Français de l’accession à la propriété ?", "leur dire : nous interdisons de construire des maisons individuelles dans l’ensemble de la France ?" Ou encore, à propos du Haut-commissariat au Plan : "Faudrait quand même qu’il se mette au boulot sur le logement !" Orateur de la conférence de presse de rentrée de la Fédération française du bâtiment (FFB), son président Olivier Salleron n’a pu s’empêcher d’émailler son exposé de petites phrases acerbes.

 

Perspective récession

 

Depuis juin dernier, date à laquelle l’organisation professionnelle calculait encore une croissance de +0,7 %, les perspectives du secteur de la construction se sont dégradées. Le bilan projeté pour la fin de l’année 2023 serait un passage à -0,2 %. Soit pratiquement un point d’écart qui signe l’entrée en récession. À noter que 2022 s’était soldée par une croissance de 2,2 %.

 

Après avoir repris les dernières données disponibles, les économistes de la FFB ont révisé ce début septembre leurs statistiques pour établir une activité en baisse de -3,1 % en construction neuve, notamment -5,1 % pour le logement et -0,2 % pour le non-résidentiels.

 

Ils fondent notamment leur analyse sur les baisses d’autorisations de construction de logements neufs qui s’établissent à -26,3 % sur les trois derniers mois et -28,3 % sur les sept derniers écoulés ; les autorisations de maisons individuelles s’effondrent de -33,4 % sur les 7 derniers mois.

 

L’euphorie des bâtiments administratifs

 

Planche de salut en 2022, le non-résidentiel montre un niveau d’autorisation en évolution contrastée : une croissance de +2 % sur les trois derniers mois, mais une baisse de -1,5 % sur les sept derniers. En fait, relève-t-on à la FFB, les chiffres sont quelque peu bousculés par l’activité sur le secteur des bâtiments administratifs : les autorisations augmentent de 8 % sur les trois derniers mois, et de 8,4 % sur les sept derniers… Ce que l’on explique par un effet d’anticipation des projets des collectivités, trois ans avant les municipales.

 

De même, le segment des bâtiments industriels et assimilés (notamment la logistique) montre toujours son dynamisme (+4,2 % sur sept mois, +14,5 % sur trois mois). Mais de manière globale, Olivier Salleron souligne que le non-résidentiel aussi déçoit.

 

L’amélioration-entretien, qui compte pour 54 % de l’activité, progresse encore de +2,4 % au second trimestre ; la part dévolue à la rénovation énergétique est un peu plus dynamique : +2,3 % au deuxième trimestre 2023. Un taux tendanciellement en croissance, même s’il reste très faible.

 

La rénovation énergétique est depuis plusieurs années la locomotive de l'amélioration entretien.

 

 

Un tableau très noir pour 2025

 

Cette crise s’exprime à travers la baisse, en un an, de 35 % des ventes de logements neufs aux particuliers : 154.000 fin juin contre 234.900 en juin 2022. Pour caractériser la situation, la FFB la rapproche de celle du début des années 90. L’organisation syndicale établit aussi des lendemains particulièrement sombres avec une perte d’activité de 14 Mds€ d’ici 2025 (-20 Mds€ dans le neuf) et une réduction de 150.000 emplois ; le niveau d’activité de 2023 devrait être légèrement inférieur à celui de 2022 (165,515 Mds€), et ceux de 2024 et 2025 sont promis à une forte baisse : respectivement, 157,9 Mds€ (-5 %) et 151,8 Mds€ (-4 %). Corolaire inévitable, la FFB s’attend à de nombreuses défaillances d’entreprises au cours des prochains mois.

 

Lever les contraintes

 

Olivier Salleron dit bien qu’il n’est plus temps de remettre en question les principes environnementaux débattus jusqu’à il y a peu. Plus de climatoscepticisme et acceptation du Zan (zéro artificialisation nette)…, mais il demande à lever les contraintes qui se profilent à travers les discussions sur le prochain projet de loi de finances. En premier lieu, la FFB demande à revoir la restriction du prêt à taux zéro sur les seules zones tendues, soit actuellement quelque 200 communes. "93 % du territoire en seraient exclus". Il milite aussi pour le maintien du dispositif Pinel sur l’investissement privé locatif jusque fin 2024 ; il propose aussi de "booster" cette mesure et de travailler sur le statut du bailleur privé, thème qui avait été abordé dans une commission de travail à l’issue Conseil national de la refondation-Logement… et dont on n’a plus de nouvelles.

 

Il s’interroge aussi sur fait que les investisseurs institutionnels ne viennent plus dans ce secteur ; ainsi que de l’absence de grande sociétés foncières. En commentant ces observations, Olivier Salleron dit comprendre que la rénovation énergétique prend le pas sur le neuf, mais il demande à prendre en compte les grands enjeux du moment : une démographie qui oblige à proposer des logements abordables et confortables, des objectifs de réindustrialisation et de relocalisation qui iront de pair avec une offre non tendue.

 

Autres sujets de négociation : la fiscalité sur la rénovation. La FFB s’élève contre le relèvement de la TVA à 20 % sur les opérations non-énergétiques : "C’est deux tiers des travaux… Ce serait catastrophique pour les entreprises et les usagers." Même griefs envers la sortie des chaudières à condensation du champ de la TVA à 5,5 %. Il demande à ne pas passer à 20 % du jour au lendemain.

 

Si ce syndicat a bien entendu les annonces sur le renforcement de MaPrimeRenov’ de 2 Mds€ en 2024, en revanche, il reste dubitatif sur le dispositif de maintien des personnes âgées à domicile avec MaPrimeAdapt’. La FFB dit "attendre un contour plus précis" et demande une planification.



Source : batirama.com/ Bernard Reinteau / Photo © stockgiu sur Freepik

L'auteur de cet article

photo auteur Bernard REINTEAU
Après un parcours de formation en histoire, Bernard Reinteau s'est orienté vers le journalisme au début des années 80. Entré en presse professionnelle bâtiment fin des années 80, il a passé plus de quinze ans dans le groupe Moniteur, puis s'est orienté vers la presse spécialisée en génie climatique. Indépendant depuis 2015, il intervient sur plusieurs titres de la presse bâtiment, essentiellement sur des sujets techniques.
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