Cool-roofing : attention aux risques !

Peintre appliquant de la peinture reflective sur une toiture plate.

La Chambre syndicale française de l'étanchéité de la FFB indique que le cool-roofing n'est efficace que sur 5% des bâtiments et peut même comporter des risques pour la toiture. Covalba répond et nuance ces propos.




Nous avons déjà parlé du "cool-roofing", une technique qui consiste à appliquer une peinture ou un revêtement blanc sur les toitures des bâtiments afin de faire baisser de manière notable la température pendant les plus chauds mois de l'année et de gagner considérablement en confort d'été. Une technique qui peut aussi potentiellement permettre de réaliser des économies d'énergie, grâce à un moindre besoin de recourir à la climatisation.

 

Remise en question du cool-roof

 

Seulement voilà. Cette technique qui a beaucoup fait parler d'elle, a pourtant été dénoncée par la Chambre syndicale française de l'étanchéité (CSFE) de la FFB dans une vidéo qui non seulement remet en question ses bienfaits dans certains cas de figure, mais qui surtout tire la sonnette d'alarme sur les dangers potentiels qu'une mauvaise mise en œuvre peut entraîner.

 

En effet, indique la CSFE dans cette vidéo, il existe une possibilité d'incompatibilité chimique entre certaines peintures utilisées et la membrane d'étanchéité. Ce qui peut entraîner les risques suivants :

 

  • Mise en péril de l'étanchéité à l'eau, de l'isolation thermique et de la sécurité ;
  • Risque de décollement de la peinture ;
  • Remise en cause de la sécurité incendie ;
  • Détérioration de la toiture ;
  • Difficultés voire impossibilités d'effectuer des réparations de l'étanchéité.

 

De plus, la CSFE indique que l'assurance décennale ne s'applique pas forcément sur les produits cool-roof, une raison supplémentaire de faire le choix de membranes posées par des professionnels de l'étanchéité.

 

Une vidéo qui a fait le buzz. ©CSFE

 

Des publicités trompeuses, voire mensongères

 

Interrogé par Batirama, Gérald Faure, président de la Chambre syndicale Française de l'Etanchéité, explique : "La médiatisation autour du cool-roofing est telle qu'on est à la limite de la tromperie. Je constate en cette période estivale une recrudescence de communications incomplètes, voire mensongères."

 

"Il est mis en avant les bienfaits pour l’environnement et les économies d’énergies. De nombreuses entreprises communiquent sur des économies d’énergie pouvant aller jusqu'à 30%, sur des baisses de température à l’intérieur des bâtiments jusqu’à -10 degré, etc…. Ces affirmations sont trompeuses car le 'jusqu’à' inclut toutes les valeurs inférieures. Il est fort regrettable de faire croire au grand public que les revêtements réflectifs constituent une solution générale et efficace pour économiser de l’énergie. Cette affirmation ouvre la porte à des interventions abusives de fabricants et d’entreprises opportunistes.  En effet, les revêtements réflectifs ne sont pas une solution générale permettant une économie d’énergie dans toutes les situations. Dans certains cas, l’impact peut même être négatif et induire une augmentation de la consommation d’énergie pendant l’hiver. Des rapports français et internationaux précisent que la solution 'cool roof' est bénéfique pour des configurations très restreintes de bâtiments (moins de 5 %)."

 

D'où l'importance, indique Gérald Faure, de faire appel à des spécialistes de l’étanchéité et à des bureaux d'études thermique pour évaluer l'intérêt de la technique en fonction du bâtiment, de sa localisation géographique, de son environnement proche, ou encore de l’état de son étanchéité. L’étude doit être réalisée en macro sur un cycle complet et non en micro sur les seuls mois d’été.

 

Edwige Parisel, déléguée générale de la CSFE, précise : "En 2021, dans le cadre de la création de la fiche CEE BAT EN 112 "Revêtements réflectifs", la CSFE n’avait malheureusement pas été consultée. De plus, l’Ademe avait émis un avis défavorable avec la justification suivante : la solution est intéressante pour réduire la consommation énergétique dans certains cas, et n’a aucun impact (voire un impact négatif) dans d’autres. Les bâtiments pour lesquels la solution est intéressante sont les bâtiments avec de gros besoin de climatisationmal isolés, très peu vitrés, en zone climatique 'chaude' de type H3 et ou DOM, dont le chauffage est assuré par une pompe à chaleur… Voilà pourquoi il est si important de faire de la pédagogie pour que les élus, les maitres d’ouvrage, les particuliers aient conscience que la pose d’un revêtement blanc sur une membrane d’étanchéité n’est pas une solution miracle."

 

Elle poursuit : "La pose de peinture blanche sur une membrane d’étanchéité n’a pas fait l’objet d’une évaluation intégrée au complexe d’étanchéité de la toiture. Elle n’est donc pas reconnue comme une 'technique courante'. Par conséquent, la couverture de cette activité par l’assurance décennale n’est pas garantie."

 

La Chambre évoque également le problème de l'encrassement des surfaces, car en fonction de la pente de la toiture, pour que l'effet réflectif perdure, il faut nettoyer la surface régulièrement. Et lorsque l'entretien est fait avec un jet d'eau trop fort de type karcher, l'étanchéité et la résistance au feu peuvent être compromis.

 

Par ailleurs la Chambre s'inquiète également de la sécurité des travailleurs : "les vidéos sur les réseaux sociaux, dans les médias montrent souvent des personnes appliquant de la peinture sur des toits sans formation adéquate et parfois, sans garde-corps. Les risques de chute, qui sont le premier risque d'accident au travail dans le BTP, ne doivent pas être pris à la légère. C'est aussi pour leur expliquer qu'ils peuvent se mettre en difficulté qu'on a réalisé cette vidéo."

 

Le cool-roofing bénéfique... pour certains bâtiments

 

Mise en place d'un revêtement cool roof

Mise en place d'un revêtement cool-roof (Sika, Sarnafil). Contrairement à la peinture ces revêtements sont plus simples à entretenir. © Sika

 

En revanche, pour les configurations de bâtiments dont cette solution est bénéfique, la Chambre est favorable à un cool-roofing "bien pensé". Les membranes synthétiques de couleur claire, les membranes bitumineuses avec une finition de surface de couleur claire et les solutions d’étanchéité liquide (S.E.L.) de couleur claire existent depuis des dizaines d'années, sont couverts par l’assurance décennale et peuvent être aisément réparés.

 

Gérald Faure relate : "Je suis basé à Marseille et je peux témoigner de l'exemple du Decathlon de Bouc-Bel-Air réalisé par un confrère, où, l’apport d’un isolant n’était techniquement pas possible, il a été donc mis en œuvre une membrane d’étanchéité PVC-P "cool roof" dont la réflectivité est équivalente, voire supérieure, à celle des peintures. Aujourd’hui l’utilisateur bénéficie d’une garantie décennale pour l’étanchéité à l’eau et voit réduire sa consommation d'énergie de 30% pour les 6 mois de l’année les plus chauds. L’hiver le bâtiment n’étant quasiment pas chauffé, on peut considérer que son économie d’énergie annuelle est supérieure à 15%. Je ne suis pas aussi convaincu que toutes les toitures traitées en cool-roofing atteignent ces résultats."

 

Pour Covalba, le cool-roofing prolonge la vie de l'étanchéité

 

Maxime Bourassin, pdg de Covalba

 

Maxime Bourassin, fondateur et président de Covalba, entreprise française qui a commercialisé son premier revêtement liquides cool-roof dès 2018, (deux ans après l'importation du concept en France par l'entreprise Cool-Roof France) a souhaité réagir à la vidéo de la CSFE: "Nous sommes parmi les précurseurs de cette technologie et nous avons du recul depuis 5 ans. Nous avons aussi créé le premier réseau d'applicateurs national de revêtements liquides cool-roof." L'entreprise, basée à Orléans, compte des applicateurs également dans les départements d'outre-mer, en Belgique, en Suisse et dans certains pays d'Afrique. Son marché : les industries, les bâtiments tertiaires, la grande distribution et également quelques collectivités.

 

Le chef d'entreprise commente la vidéo de la CSFE : "Je trouve que la démarche est bonne, parce qu'il faut que le secteur se professionnalise. Mais cette vidéo n'est pas neutre : elle a pour objectif clair de favoriser les fabricants de membranes d'étanchéité."

 

Au sujet des risques évoqués dans la vidéo, M. Bourassin s'indigne : "La vidéo, ainsi que des interviews qui ont été réalisés en parallèle de celle-ci, indiquent que les peintures cool-roof pourraient mettre en péril l'étanchéité à l'eau de la toiture. C'est complètement faux. Au contraire, nous constatons que notre peinture cool-roof ne dégrade pas l'étanchéité, elle prolonge sa durée de vie. Et c'est peut-être ça que la CSFE redoute : que certains fassent le choix des peintures cool-roof pour prolonger la durée de vie de toiture plutôt que de la remplacer. "

 

Maxime Bourassin n'a pas manqué de remarquer que le nombre d'entreprises qui se lancent à la conquête de ce marché est en augmentation depuis un an, certaines sans véritable savoir-faire. "Des fabricants généralistes de peinture et de ravalement de façade proposent des solutions cool-roof qui ne sont que moyennement compatibles, avec trop peu de quantité, donc trop peu durables. Cela peut créer des problèmes surtout avec certains revêtements d'étanchéité bitumeuse."

 

Un cadre réglementaire pour la profession ?

 

"On voit des artisans qui travaillent habituellement chez les particuliers se lancer à la conquête de ces chantiers industriels et commerciaux. C'est un nouvel Eldorado. Mais ce n'est pas le même métier," regrette Maxime Bourassin. "Des peintres font des travaux sans connaître l'étanchéité de la toiture, et ne préparent pas les travaux correctement. Je pense que ce métier s'adresse aux professionnels de la toiture. Ils sont capables de s'assurer de son étanchéité, de son état, avant d'appliquer les revêtements liquides. Sur ce point-là je suis d'accord avec la CSFE, chacun son métier."

 

En parallèle de son activité de fournisseur, l'entreprise Covalba créé et anime des formations techniques. Ces dernières sont obligatoires pour rejoindre le réseau d'applicateurs et d'être habilité à acheter et appliquer les produits Covalba. "On offre aussi une assistance au premier chantier pour être sûr que tout le protocole est suivi correctement." Le matériel d'application est composé d'un pistolet airless, de machines qui ne sont pas montées sur la toiture et restent au sol. Les applicateurs travaillent sur le toit grâce à des longueurs de flexibles suffisantes, sans que le poids de leur matériel ne puisse endommager voire faire effondrer la toiture.

 

Alors quelle solution pour s'assurer que les professionnels du cool-roof travaillent correctement ? "Actuellement, il n'y a pas encore de DTU, pas d'avis techniques, pas de référentiels en ce qui concerne cette technologie encore nouvelle. Il y a donc un grand flou juridique qui l'entoure. Il faut trouver un moyen de professionnaliser cette pratique pour éviter les dérives." Covalba souhaiterait échanger avec la Chambre syndicale française de l'étanchéité afin de discuter de l'évolution de la profession.

 

Pour la CSFE, l'isolation est primordiale pour des économies d'énergie

 

Gérald Faure conseille : "Pour le confort d’été et pour faire des économies d'énergie, la première chose à faire est de bien isoler sa toiture et ses façades, pour limiter les transmissions et les déperditions calorifiques, que ce soit en hiver comme en été. Mettre en œuvre une étanchéité, apparente, réflective, ou claire, a surtout pour effet de diminuer la dilatation du produit et donc de la pérenniser."

 

La Chambre syndicale Française de l'étanchéité souhaite également faire évoluer la profession. Edwige Parisel évoque le besoin de travailler sur les mesures du SRI (Solar reflectance index). "A ce jour, il n’existe pas de norme d’essai européenne pour la mesure de l’indice "SRI" après encrassement. Concernant cet indice, la plupart des fabricants se réfèrent aux normes standardisées américaines, d’autres avec des valeurs correspondant à des produits de façades, il est donc important de standardiser les méthodes d’évaluation. Le cadre normatif est aujourd’hui une priorité pour ce type de produit afin de connaître réellement leurs performances, adopter des protocoles d’essais et mesurer leur efficacité. La CSFE a commencé à échanger avec le CSTB sur ce sujet. Des travaux seront prochainement engagés pour travailler sur la définition de méthodes normalisées de mesure du SRI à l’état neuf et à l’état vieilli encrassé."

 

Un sujet qui n'est pas encore clos !

 




Source : batirama.com / Emilie Wood / Photo © Covalba

L'auteur de cet article

photo auteur Emilie Wood
Journaliste, photographe, vidéaste, Emilie Wood travaille depuis 2010 pour la presse, qu’elle soit professionnelle dans les domaines du BTP et de l’agriculture, ou généraliste. Pour Batirama, elle écrit sur des sujets aussi variés que la conjoncture BTP, l’évolution de la réglementation, la rénovation énergétique, les réformes, les innovations, ou encore l’actualité de l’immobilier. Elle apprécie particulièrement réaliser des portraits d’entreprises et révéler les femmes et les hommes qui, chacun à leur manière, font une différence, qu’ils soient entrepreneurs ou collaborateurs d’entreprise.
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