Le biosourcé, avenir de la construction durable selon Olivier Gaujard

Le biosourcé, avenir de la construction durable selon Olivier Gaujard

Président tde l’interprofession Fibois Sud, l’ingénieur-charpentier-bois Olivier Gaujard suit de près les conséquences du choc sanitaire, sans se départir de son optimisme quant à l’avenir de la construction durable.




Photo : Centre de loisirs Jacques Chirac à Rosny-sous-Bois : la direction de la recherche et de l’innovation territoriale de la ville de Rosny-sous-Bois (Charlotte Picard et Emmanuel Pezrès) s’inspire du travail déjà accompli, en collaboration avec Olivier Gaujard, dans le cadre du projet scolaire des Boutours. © P. Arcadius Quillet - Rosny

 

Depuis une vingtaine d’année, Olivier Gaujard est un acteur-clé de la construction bois en France. Crée puis cédée à ses employés sous forme de scop, Gaujard Technologie, à Avignon, compte parmi les bureaux d’études bois les plus réputés de France, toujours en pointe en matière d’approche environnementale.

 

Actuellement AMO-formateur-conseil (Constructions régénératrices), l’homme ne s’est jamais départi de son parti-pris alternatif initial. Mais il fait partie de ceux qui ont dépassé la confrontation avec l’industrie du bois, au profit d’un long dialogue qui porte actuellement ses fruits.

 

En témoigne le développement spectaculaire de la construction paille en France, ou l’intérêt croissant pour la valorisation du bois local, préfigurée par le travail qu’il a animé autour de la construction décisive de l’espace culturel de La Boiserie à Mazan (architecte : DE-SO) livré en 2012.

 

 

Olivier Gaujard, second à partir de la gauche, honoré dans le cadre de la remise des Fibra Awards lors du 1er Sommet International de la Construction Biosourcée à Paris en novembre 2019, notamment pour son rôle dans le projet de la Boiserie à Mazan (2012). De gauche à droite : François Defrain (DE-SO), Olivier Gaujard, Caroline Maritan et Aimé Navello, le Maire de Mazan.© JT

 

De nouveaux fronts avec AdivBois

 

Après avoir accompagné la refonte du DTU 31.2, Olivier Gaujard a ouvert ces derniers mois plusieurs nouveaux fronts, en soutenant notamment de toutes ses forces le développement local d’une filière autour du pin d’Alep.

 

Acteur engagé de la certification Bois des Alpes, son action principale porte sur une participation très active à l’atelier Incendie d’AdivBois. La situation est délicate : AdivBois était censé susciter la construction de démonstrateurs de la construction bois multi-étages de dix étages ou plus.

 

Non seulement ces démonstrateurs tardent à émerger, mais leur évocation conjuguée avec le drame de Grenfell à Londres en ont fait le cénacle d’une remise en cause profonde de la réglementation et des pratiques de la protection contre l’incendie en construction bois. Cependant, Olivier Gaujard est de ceux qui affrontent ce défi en gardant bien en tête la protection de l’utilisateur des bâtiments en bois.

 

« AdivBois a accompli des pas de géants en cinq ans. La construction biosourcée ne se développe pas en un claquement de doigts. Il suffit de voir le temps qu’ont mis les filières acier et béton pour s’établir dans le passé », insiste-t-il. A cette échelle, la crise sanitaire n’est qu’un épiphénomène, voire une pause de réflexion bénéfique.

 

Les lourdes conséquences de la crise sur la filière

 

Pour autant, Olivier Gaujard suit de près, comme président de Fibois Sud, les lourdes conséquences d’une crise dont la violence ne lui échappe pas : « On a du mal à imaginer un événement qui aurait sur la filière bois un effet comparable, sinon une déclaration de guerre. Il ne s’agit d’ailleurs en aucune façon de minimiser le risque sanitaire qui le sous-tend.

 

On n’avait pas le choix, comme le montrent les conséquences terribles dans les pays qui ont pris l’épidémie à la légère. Depuis l’écroulement pur et simple de l’activité en semaine 12, Fibois Sud contacte hebdomadairement par téléphone plus de 80 entreprises de la filière et fait remonter à l’association France Bois Régions, mais aussi à la DRAAF et à la Région PACA les données relatives au niveau d’activité.

 

On estime actuellement que l’activité pourrait redémarrer en juin mais il semble bien que l’on restera en mode « dégradé » au moins jusqu’à la rentrée de septembre. On ne sait pas qui va payer quoi, on attend les masques, les tests. Pour l’heure, le guide OPPBTP impose un maximum de deux personnes par véhicule, où trouver les véhicules supplémentaires ?

 

Les entreprises manquent de stock, les questions de responsabilités ne sont pas démêlées. Certains évoquent un plan de relance à l’automne avec une commande de 40 000 logements, mais si l’on tient compte des aspects juridiques, tout cela ne se débloquera pas avant 2021 dans le meilleur des cas ».

 

 

La petite équipe de Fibois Sud (il manque Claire Harmand, chargée de la prescription de la construction bois), de gauche à droite : Léane Quernec, accompagnement des entreprises aval, Florent Bigo, délégué général, Olivier Gaujard, Hayeth Sidhoum, accompagnement des entreprises amont.© ICambos-CVotreCom.

 

Des vidéoconférences sur la sécurité incendie

 

Il n’y a pas de quoi croiser les bras. Ainsi, le 16 avril, Olivier Gaujard a démarré pour FBR une série de vidéoconférences sur la sécurité incendie appliquée à la construction bois. Il s’agit à la fois d’un travail didactique largement nourri par des connaissances pratiques mais aussi un aperçu de la démarche de réflexion au sein de l’atelier Incendie d’Adivbois.

 

Ainsi, on apprend par exemple que le développement de la construction bois multi-étages doit prendre davantage en compte l’effet délétère des gaz chauds. Nul doute que les vidéoconférences orchestrées par Hervé Boivin d’Abibois (interprofession du bois en Bretagne) avec Olivier Gaujard vont faire date et permettre à toute la filière de repenser ses pratiques selon l’esprit de la protection incendie, et pas seulement la lettre.

 

Exosquelette en bois pour éviter le recours à des noyaux en béton

 

Le cataclysme sanitaire repose la question de l’autonomie économique et l’émergence d’une filière courte du pin d’Alep s’inscrit parfaitement dans cette optique. Il en va de même pour la construction paille, qui ne cesse d’étendre son champ d’application, notamment à l’occasion d’essais de résistance au feu réalisés par le CSTB (essais du Réseau Français de la Construction en Paille, financés par la DHUP). Ils ouvrent la voie à l’utilisation de la paille pour l’isolation de bâtiments jusqu’à une hauteur de 50 mètres.

 

Parallèlement, Olivier Gaujard rédige actuellement, pour l’association Bois des Alpes, un rapport sur la construction de moyenne hauteur qui s’efforce de penser l’évolution de ce marché dans la perspective d’un recours au bois local : « Sur le modèle scandinave, il me semble que l’approche technique qui sous-tend le développement de ce marché ne doit pas se cantonner à la construction en panneaux CLT.

 

Les ressources de l’ossature bois sont loin d’être pleinement exploitées en termes de construction de moyenne hauteur. S’ajoute, sur le modèle scandinave, cette approche constructive encore peu usitée en France, qui se traduit par le recours à des exosquelettes.

 

En gros, la structure tient par un squelette extérieur périphérique, quitte à mettre en évidence, comme en Norvège, des diagonales en lamellé-collé massives. L’exemple scandinave nous montre d’ailleurs que ces méga-structures se prêtent bien à l’incorporation de lamelles de résistance mécanique courante (C24) largement disponibles localement dans les Alpes.

 

L’exosquelette permet de ne pas recourir à des noyaux centraux en béton, toujours trop longs à réaliser en comparaison de la rapidité de montage des ouvrages en bois. Par ailleurs, l’exosquelette dispose d’atout en termes de construction parasismique, notamment en comparaison avec la construction en panneaux de CLT, qui sont par trop rigides ».

 

 

18 étages intégralement en bois à Brumunddal en Norvège, la référence internationale de l’approche exosquelette en bois avec une hauteur de 85,4 mètres, achevée en mars 2019.© Olivier Gaujard

 

Ne pas perdre le Sud

 

Isolation biosourcée, protection incendie adaptée aux risques de propagation des gaz chauds, construction de moyenne hauteur en bois local, et pourquoi pas d’autres idées comme l’évolution vers le dormant structurel ?

 

Le choc sanitaire est rude, mais la pause est bienvenue pour repenser la construction bois afin de ne pas sacrifier l’essentiel de ce qui la justifie à notre époque de bouleversement climatique.

 


Source : batirama.com/ Jonas Tophoven

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