Interclima 2019 : les effets du Règlement F-Gaz et du nouveau CH35 français

Interclima 2019 : les effets du Règlement F-Gaz et du nouveau CH35 français

Diminution des charges de fluides, fort développement des mini-DRV, promesses de nouveaux fluides pour 2020, sont autant d’effets directs de la réglementation




Commençons par le contexte, européen avec le règlement F-Gaz et français avec les articles CH35 et GH37. Depuis 2014, le Règlement Européen F-Gaz impose des limites quantitatives aux quantités de HFC mises sur le marché européen, avec un gel des volumes en 2015, puis une réduction progressive de 2016 à 2030.

 

Le but est de parvenir en 2030 à un GWP (Global Warming Power ou contribution au réchauffement de l’atmosphère) moyen des fluides frigorigène du parc des équipements de climatisation et de froid installés égal à 400 en 2030.

 

 

Depuis juin 2019, Daikin propose deux gammes VRV IV utilisant du R410A régénéré. Le fluide régénéré n’est pas comptabilisé dans les quotas alloués à chaque fabricant par le règlement F-Gaz. Les gammes concernées sont le VRV IV-U 3 tubes à récupération de chaleur, de 22 à 63 kW, et le mini-VRV IV série T, de 12 à 18 kW. Le R410A régénéré est conforme au standard américain AHRI700 : équivalent à du R410A vierge. ©PP

 

Le Règlement Européen F-Gaz

 

Le règlement F-gaz, outre un calendrier de réduction du GWP des fluides mis sur le marché en Europe jusqu’en 2030, contient un certain nombre d’interdictions. Par exemple, l'interdiction de recharger des équipements de réfrigération à l'aide d'un HFC de GWP supérieur à 2500 à compter du 1er Janvier 2020, si leur charge est supérieure à 40 t eq. CO2.

 

Avec son GWP de 2700, le R-404A est concerné au premier chef et le couperet des 40 t eq. CO2 correspond aux systèmes contenant plus de 10,8 kg de R-404A. Ou encore, l'interdiction de mise sur le marché des climatiseurs portables ou à roulettes autonomes (systèmes hermétiques) contenant des HFC de GWP supérieur à 150 à partir du 1er Janvier 2020.

 

Le règlement F-Gaz, pour encourager le recyclage des fluides frigorigènes, prévoit que les fluides recyclés échappent aux quotas de mise sur le marché. Pour l’instant, seul Daikin s’est engouffré dans cette brèche et propose un DRV fonctionnant essentiellement avec du R410A recyclé.

 

Un DRV ou Débit de Réfrigérant Variable est une installation de climatisation centralisée avec un groupe extérieur alimentant plusieurs dizaines d’unités intérieures. Les gammes DRV de Daikin sont des VRV pour Variable Refrigerant Volume, celles de la plupart des autres constructeurs sont des VRF pour Variable Refrigerant Flow.

 

Les conséquences de la nouvelle réglementation

 

Le règlement F-Gaz s’est traduit par deux conséquences principales. Premièrement, tous les constructeurs ont modifié leurs équipements pour, à puissance égale, utiliser nettement moins de fluide frigorigène. Par exemple, la dernière version du DRV de Toshiba, le SMMSU présenté à Interclima en première mondiale et qui sera commercialisé en 2020, embarque un nouveau compresseur à trois étages de compression qui, à puissance égale, réduit de 30% la charge de R410A.

 

Dans les machines froid seul, les condenseurs à air à microcanaux en aluminium extrudés augmentent l’efficacité et réduisent la charge de fluide de près de 40%. Depuis au moins dix ans, les fabricants promettent que ces échangeurs à microcanaux arriveront sur les pompes à chaleur et sur les machines réversibles très bientôt. Pour l’instant, aucun n’a franchi le pas. Il semble que le problème de la prise en gel des échangeurs en mode chauffage soit plus difficile à résoudre qu’ils n’imaginaient.

 

 

 

La reconception des gammes de VRF Toshiba a abouti à une réduction de 30% au minimum de la charge de R410A, à puissance égale. ©PP

 

 

Comme tous les spécialistes de la climatisation, une bonne partie de la réponse de Toshiba aux nouvelles contraintes de l’article CH35 limitant les charges de réfrigérant par circuit, est le le mini-VRF : au lieu d’un grand VRF, installez plusieurs mini-VRF dans les bâtiments ERP soumis à l’article CH35. ©PP

 

Le développement du R32 et des fluides HFO

 

La seconde conséquence du Règlement F-Gaz a été le développement de nouveaux fluides à GWP plus faible. Le plus présent est le R32 avec un GWP de 675, contre 2088 pour le R410A et 1430 pour le R134a.

 

Viennent ensuite les fluides HFO, dont le R1234ze avec un GWP de 6, le R1234yf avec un GWP de 4. Les fluides naturels, dont le R290 (propane) avec un GWP de 3 seulement, Le R717, l’ammoniaque, avec un GWP = 0  et le R744 (dioxyde de carbone ou CO2) avec un GWP de 1, sont également candidats au remplacement du R410A et du R134a.

 

En échange de leur GWP réduit, ces fluides présentent des inconvénients spécifiques. Le CO2 fonctionne avec des pressions très élevées (> 100 bar) qui le rendent difficilement généralisable dans des installations de climatisation et le place souvent sous l’emprise de la Directive Européenne Machines en Pression qui impose des mesures de sécurité particulières. Daikin a pourtant développé un DRV au R744, qui donne semble-t-il d’excellents résultats, mais ses coûts d’installation et de maintenance le cantonnent à des opérations de démonstration.

 

Le R717 est toxique et ne peut être installé dans un bâtiment. Tous les autres sont inflammables : franchement en ce qui concerne le R290, classé A3, légèrement inflammable et classés A2L pour les nouveaux fluides. Ce classement des fluides vient de la norme internationale ISO 817 : 2014.

 

Elle classe les fluides en fonction de leurs risques d’installation, en fonction de leur toxicité – A faiblement toxique, B toxique - et leur inflammabilité : 1 non-inflammable, 2 inflammable, 2L légèrement inflammable et 3 très inflammable. Le R410A, le R134a et le R513A sont classés A1, tandis que le R32, le R1234ze et le R1234yf sont classés A2L.

 

La norme européenne NF EN 378:2017 a été modifiée pour reprendre ces nouvelles catégories et traite de la mise en œuvre des appareils de climatisation et de froid commercial. Mais au-delà des normes d’installation européennes, chaque état membre de l’Union demeure compétent quant aux règles de sécurité. En France, ce sont les fameux articles CH35 et GH37, ainsi que le « Guide M ».

 

 

 

Panasonic a transformé tous ses mono- et multisplits au R32. Pour les surfaces commerciales, il propose des monosplits au R32 de forte puissance. ©PP

 

 

 

Comme tous ses concurrents, Panasonic renforce son offre de miniDRV avec un tout nouveau modèle de ECOi, déjà au R32. ©PP

 

 

Pour le froid commercial, Panasonic a fait le pari du CO2. La marque s’efforce de renforcer son chiffre d’affaires en réfrigération pour atteindre au moins 30% de son CA global en France. Panasonic réalise déjà une à deux installations par semaine, dans des puissances de 2, 5, 7 ou 12 kW. ©PP

 

Les règles de sécurité : les articles CH35 et GH37, le « Guide M », les ERP, IGH et IMH

 

Les règles de sécurité en ERP (Etablissements Recevant du Public) relèvent de l’Arrêté du 25 juin 1980 et plus précisément de son article CH35. Pour les IGH (Immeubles de Grande Hauteur), l’Arrêté du 30 décembre 2011 et son article GH37 renvoient à l’article CH35. Le cas des IMH ou Immeubles de Moyenne Hauteur, n’est pas parfaitement clair mais semble renvoyer aux mêmes dispositions que pour les IGH.

 

Les IMH, créés par la loi Elan n°2018-1021 du 23 novembre 2018, sont définis par le décret n°2019-461 du 16 mai 2019 comme « tout immeuble à usage d’habitation dont le plancher bas du logement le plus est situé à plus de 28 m au-dessus du niveau dus sol le plus haut utilisable par les engins des services publics de secours et de lutte contre l’incendie ».

 

L’article CH35 ne traite que de la climatisation des locaux. L’aspect froid commercial est pris en compte page 24 du « Guide Pratique relatif à la sécurité incendie dans les magasins de vente et dans les centres commerciaux », dit « Guide M », édition Décembre 2017, publié par la Direction Générale de la Sécurité Civile et de la Gestion des Crises.

 

Dans tous les cas, la charge maximale de fluide à ne pas dépasser est la variable clef. Elle varie selon le type de local et de fluide. Dans le cas du froid commercial, le Guide M autorise la présence dans les locaux de meubles réfrigérés indépendants (non reliés à une production de froid centralisée), dont la charge en fluide respectera simultanément les deux conditions (a) et (b) suivantes : (a) dans tout local, la charge en kg par circuit frigorifique – chaque meuble pouvant contenir un ou plusieurs circuits – devra demeurer < 20% de la Limite Inférieure d’Explosivité (LIE en kg/m3) x volume de la salle en m3, (b) jusqu’à 1,5 kg de fluide classé A2, A3 s’ils sont installés en RDC ou en étage, jusqu’à 1 kg s’ils se trouvent en sous-sol.

 

De plus, le circuit frigorifique de ces meubles doit être scellé, inaccessible au public, et le meuble doit porter un marquage CE. Le Guide M fournit un exemple pour des meubles chargés en propane (R290) installés en RDC dans un magasin de 2000 m³. La condition (a) donne 20 % × 0,038 × 2000 = 15,2 kg. Mais pour respecter simultanément la condition (b), la charge sera limitée à 1,5 kg.

 

Le CH35, pour sa part, porte sur les équipements thermodynamiques pour le chauffage, le conditionnement d’air, la climatisation et la production d’Eau Chaude Sanitaire. Il autorise l’emploi de fluides inflammables et toxique dans les ERP, moyennant des précautions importantes. Il interdit notamment les raccords démontables, sauf pour le raccordement des unités intérieures et extérieures. Tous les raccords sur le réseau doivent être soudés ou brasés.

 

Ensuite, la quantité maximale de fluide frigorigène inflammable dans le circuit doit être inférieure au résultat de la formule mmax = 2,5 x LII5/4 x h0 x A1/2, dans laquelle mmax en kg est la charge maximale de fluide inflammable admissible, LII en kg/m3 est la limite inférieure d’inflammabilité du fluide considéré, h50 est un coefficient lié à la hauteur d’installation de l’équipement dans le local  et vaut 0,6 pour un équipement installé au sol, 1,1 pour un montage sur fenêtre, 1,8 pour une unité murale et 2,2 pour un montage au plafond, quelle que soit la hauteur réelle du plafond, A en m² est la surface du local.

 

Par exemple, dans le cas du R32, pour un local de 50 m², avec une unité au plafond, la charge totale dans le circuit est limitée à 8,9 kg de R32. Le calcul repose sur la plus petite pièce climatisée par un même circuit de fluide. S’il s’agit de climatiser à l’aide d’une unité intérieure installée au plafond, un local serveur de 15 m², par exemple, la charge totale du circuit qui alimente ce local baisse à 4,8 kW.

 

Voilà, tout cela forme le contexte règlementaire européen et français auquel sont soumis les fabricants de machines de froid commercial et de climatisation, ainsi que les installateurs et les Maîtres d’Ouvrage.

 

 

 

L’offre Samsung en DRV demeure au R410A pour l’instant. Un autre fluide – lequel ? Mystère ! – devrait arriver en 2020. ©PP

 

 

En attendant, Samsung généralise sa solution WindFree – un perçage de milliers de micro-trous qui supprime toute sensation de courant d’air – sur plusieurs de ses unités intérieures en détente directe. ©PP

 

Les conséquences sur les systèmes de climatisation et de froid commercial exposés à Interclima 2019

 

Conséquence immédiate, les solutions de climatisation mono- et multisplit mise en avant à Interclima utilisent le R32, dont le GWP est plus faible. Chez Toshiba, toutes les gammes de mono- et multisplits Digital Inverter et SuperDigital Inverter ont basculé vers le R32, même si des modèles au R410A demeurent encore disponibles.

 

Pour les plus grandes installations, les constructeurs tentent de minimiser les charges de fluides. Tous les exposants en climatisation à Interclima, sans exception, ont donc mis en avant de nouveaux « miniDRV », des systèmes qui acceptent le raccordement de 6 à 35 unités intérieures au maximum et embarquent donc des charges de fluide réduites par rapport aux grands DRV. L’idée, pour minimiser les charges de fluides par installation, consiste à préconiser l’installation de plusieurs miniDRV au lieu d’un grand DRV.

 

Les miniDRV existent depuis longtemps, mais les nouvelles générations présentées à Interclima introduisent la récupération de chaleur avec des systèmes trois tubes et voient leurs longueurs maximales de canalisation et la hauteur maximale entre l’unité intérieure la plus éloignée et le groupe externe nettement augmentées.

 

Chez Toshiba, par exemple, le nouveau MiniVRF de 32 kW contient de base une charge de 4 kg de R410A, contre 11 kg à puissance et configurations égales pour la gamme précédente. Toshiba réfléchit à un passage à un autre gaz, sans encore vouloir dire duquel il s’agit. Toshiba indique simplement que les tests conduits avec le R466A - développé par Honeywell pour remplacer le R410A, classé A1 avec un GWP de 733 - ne sont pas concluants. Et que ce ne sera vraisemblablement pas son futur fluide.

 

Chez GREE, le GVM5 Mini au R410A fonctionne en chauffage jusqu’à une température extérieure de -20°C avec des puissance chaud de 14 à 18,5 kW et en mode froid jusqu’à -5°C extérieur avec des puissances de 12,1 à 14 kW. Les unités extérieures GVM5 Mini 121 de 12,1 kW froid et de 13 kW chaud acceptent jusqu’à 6 unités intérieures et 300 m de longueur de canalisation. Le GM Mini 160 (16 kW fropid, 18,5 kW chaud) acceptent jusqu’à 9 unités intérieures.

 

Panasonic a pour sa part introduit à Interclima un miniDRV au R32, le Mini ECOi LE de 7 à 15 kW, destiné aux petits hôtels, aux bureaux et aux commerces en remplacement des monosplits de grosse puissance et des multisplits. Il sera disponible en 2020 et atteindra une longueur maximale de canalisations de 120 m. Tandis que pour le froid commercial, Panasonic a fait le choix du R744.

 

Samsung, pour sa part, a basculé ses mono et multisplits vers le R32. Mais en ce qui concerne ses gamme DRV – des DVM chez Samsung -, le fluide est toujours le R410A. La marque annonce un autre fluide pour 2020, sans vouloir en dire davantage.

 

Hitachi montrait à Interclima son nouveau miniDRV, le MiniSetFree. Il offre une architecture trois tubes pour la récupération de chaleur, alimente jusqu’à 39 unités intérieures, dont les toutes nouvelles d’une puissance de 1,1 kW. Il sera disponible avec des unités extérieures de 6, 7,3 et 9 kW et des longueurs de canalisation de 90 m. Hitachi annonce des solutions DRV au R466A d’ici 2 à 3 ans sur le marché européen. Pour l’instant, la marque conserve le R410A en DRV.

 

 

 

Hitachi dévoile à Interclima 2019 ses miniDRV à ventilateurs horizontaux trois tubes et ses unités intérieures de 1,1 kW seulement. ©PP

 

Le retour de l’eau glacée

 

Dernière conséquence bien en évidence à Interclima, pour les installations tertiaires, la plupart des marques de climatisation offrent désormais aussi bien des solutions à détente directe – miniDRV et DRV – que des groupes d’eau glacée réversibles. Si Daikin présente depuis un an environ un groupe à condensation par air au R32, d’autres marques introduisaient à interclima de nouveaux groupes d’eau glacée au R410A, notamment Panasonic et Hitachi.

 

Il s’agit certainement d’occuper le terrain en proposant des solutions qui conservent le fluide confiné soit à l’extérieur, soit dans une salle des machines au lieu de le transporter à travers le bâtiment. Tous prévoient de basculer vers d’autres fluides, dont probablement le R32 d’ici 2021 au plus tard.

 

 

 

Les premiers refroidisseurs de liquide au R32 sont disponibles chez Daikin depuis octobre 2018. Leur efficacité énergétique progresse de 10% par rapport à la précédente génération au R410A. Du coup, les groupes froids Daikin EWAT série B – de 80 à 700 kW – sont également conformes à l’étape 2021 de la directe européenne ecoDesign Lot 21. Ils permettent aussi la récupération de chaleur pour une production d’ECS. ©PP

 

 

La gamme de chillers froid seul et réversibles d’Hitachi s’étend de 11 à 2 880 kW. Ces grouypes restent au R410A pour l’instant. ©PP

 



Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
1 Commentaire
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  • par Nomis
  • 21/05/2020 19:16:26

Joli article, merci, même si il y a de la pub ;-)

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