À l’occasion de la rénovation lourde du 100 rue Amelot à Paris, Bouygues Bâtiment Île-de-France optimise la transformation de parkings en chantier de l’économie circulaire.
Le passage Saint-Pierre-Amelot dans le 11e à Paris, dix ans après. Le 13 novembre 2015, une caméra filmait des heures durant en direct les rescapés hagards échappant du Bataclan et fuyant vers la Bastille. En 2018, au moment de la découverte de La jeune fille triste de Banksy, le bas du passage, ancien garage Renault de part et d’autre de la ruelle avec une halle à fine charpente métallique, rivetée, de l’âge de la tour Eiffel, fait l’objet d’une adjudication dans le cadre restreint et complémentaire de Réinventez Paris II.
Gaëtan le Penhuel est lauréat avec la jeune agence SAM qui avait signé avec CBS-Lifteam l’école Charlie Chaplin de la Courneuve à l’époque justement de "Je suis Charlie". Boris Schneider est alors le premier à tester en France la Baubuche, le LVL de hêtre, notamment en coursive, tandis que Gaëtan Le Penhuel livre début 2017 l’immense résille Kerto du groupe sportif du Petit-Clamart.
Pour Réinventer Paris II, deux archis qui connaissent le bois d’ingénierie, se retrouvent.
Renforcement des planchers du parking existant par des bandes de carbone. © Jonas Tophoven
Phase 5, 7 ans après
2018, on est trois ans avant la livraison de la rue Petit (Paris 19e) par Encore Heureux. Le projet de réhabilitation lourde du passage Saint-Pierre-Amelot est développé comme un projet de non destruction, à la fois pour le parking silo et pour la grande halle à charpente métallique. Il est lancé pour une livraison fin 2022, à présent, livrer fin 2026 serait une performance. On est aujourd’hui au tout début de la 5e phase sur 7. C’est notamment la phase de la surélévation de l’ancien parking, deux étages en béton pour supporter un jardin d’agriculture urbaine (mais Agripolis a disparu entre temps). Il s’agit aussi de créer des baies dans la façade orientale en pierre de la grande halle. Et de finir la dalle d’un bâtiment complémentaire.
Sous une verrière largement ventilée, des logements avec FOB. © Jonas Tophoven
Le métal au secours du climat
En mai 2023, Albert&Co publie encore que la surélévation et le bâtiment complémentaire seront en structure bois. Au final, il ne reste du bois que quelques poteaux et des façades traitées Woodenha. La performance écologique de cette opération pour créer 134 logements se trouve plutôt dans l’expérimentation de puits canadiens en plein Paris. C’est la première fois pour Bouygues Bâtiment Île-de-France, même si une autre division a déjà livré le marché des casernes.
PAM Building cédé il y a un an par Saint-Gobain au fonds d’investissement français Aldeberan et à la BPI dispose d’un avis technique pour des conduits de puits canadiens et vient d’en obtenir un second pour des conduits moins longs permettant d’élargir les possibilités d’utilisation.
Arrivée d'air pour la ventilation en puits canadien de la salle d'escalade. © Jonas Tophoven
Le puits canadien sort du puits
Si l’on mesure à partir du diamètre des conduits qui alimentent les salles souterraines d’escalade qui recyclent les étages inférieurs du parking, et si l’on prend en compte que le système fonctionne à partir de la réutilisation de terre d’excavation du site afin de recréer un sol en pleine terre, le projet de la rue Amelot est un sommet pour Albert&Co, BET Environnement, thermique.
L’organisation d’une conférence sur les puits canadiens dans le cadre de l’exposition de l’agence La Compagnie à la Galerie d’architecture, par Marc Serieis d’Albert&Co, en préfiguration d’une visite sur le site proche de la rue Amelot le 28 novembre pour inspecter les arrivées et sorties d’air ainsi que les conduits en attente, est bien jouée.
Marc Serieis, Albert&Co (premier plan), montre les arrivées d'air qui seront masquées dans le jardin, dans le cadre de la visite consécutive à la table ronde de la Galerie d'Architecture. © Jonas Tophoven
No clim’ please, we are from Paris
Le puits canadien est une vieille lune, généralement pratiqué à petite échelle avec de la terre cuite. Si ce n’est que l’efficacité est décuplée par la fonte bonne conductrice, mais générant de la condensation qui doit être évacuée grâce à une pente parfaite, tandis que la terre d’excavation doit recréer un enrobage sans vides d’air. Rien que pour alimenter la ventilation de la salle d’escalade, on est à 12 000 m3/heure, éventuellement réchauffés, mais pas climatisés.
La dernière étape des travaux sur le site de la rue Amelot sera la création d’un puits canadien dans la ruelle Est qui longe la grande halle. PAM building fait de son côté des efforts pour réduire son empreinte carbone industrielle. Globalement, il n’existe sans doute pas de meilleur usage de la terre d’excavation sur site, sinon son utilisation en enduit terre.
PAM Building équipe l'opération La Passerelle du 100 rue Amelot à Paris en conduits de puits canadiens. © Jonas Tophoven
Gratte-terre au lieu de gratte-ciel
Si le puits canadien fonctionne, il faut arrêter d’empiler des étages. On peut faire des écoles E4C2 comme l’agence La Compagnie, des lieux qui fonctionnent l’été, donc potentiellement des ALSH mais pour ne pas parquer les jeunes pauvres dans des écoles toute l’année, il faut transformer les écoles en village de vie. De fait, dès que Albert&Co tire sur la ficelle du puits canadien, comme précédemment sur celle du réemploi, l’architecture se recompose, change de nature et d’expression. Dans cette équation, le bois n’est qu’une résultante, et le calcul de l’empreinte carbone des opérations de rénovation devrait devenir une discipline pointllleuse. Ce ne sont pas les camions évités virtuels qui vont permettre au Bâtiment de remplir ses objectifs climatiques (+0,5 Mt d'émissions dans le Bâtiment au premier semestre 2025), mais bien les camions réels comptabilisés.
Superbe maquette de l'école Frida Kahlo de Bruges au Nord de Bordeaux, révélée dans le cadre du véritable festival "Salut la Compagnie" de l'agence Compagnie en exposition à la Galerie de l'Architecture de la rue des Blancs-Manteaux à Paris. © Jonas Tophoven
Source : batirama.com / Jonas Tophoven. / © Jonas Tophoven