Remise des documents de fin de contrat, la même faute qui peut être sanctionnée différemment, etc. : François Taquet, avocat, revient sur toutes les nouveautés en matière juridique de ce mois de novembre 2025.
Remise des documents de fin de contrat, la même faute qui peut être sanctionnée différemment, etc. : François Taquet, avocat, revient sur toutes les nouveautés en matière juridique de ce mois de novembre 2025.
La remise des documents de fin de contrat
La remise des documents de fin de contrat… c’est au terme du contrat (Cass soc., 3 septembre 2025, n° 24-16546) ! Rappelons qu’il existe au moins trois types de documents remis à la fin d’un contrat de travail :
– le certificat de travail qui atteste de l’expérience professionnelle acquise ;
– le reçu pour solde de tout compte qui dresse l’inventaire des sommes dues au salarié
– et l’attestation France Travail destinée à lui permettre de faire valoir ses droits à l’assurance chômage.
D’autres documents existent dans certaines situations, comme un état récapitulatif de l’épargne salariale, ou dans certains secteurs (ex : le certificat de congés payés dans le BTP). Logiquement, ces documents sont tenus à disposition du salarié à la fin du contrat, c’est-à-dire au terme du contrat de travail (même si ce dernier est en milieu de mois). En cas de manquement de l’employeur, le salarié peut obtenir ces documents sous astreinte et demander des dommages et intérêts s’il a subi un préjudice (comme par exemple une difficulté à toucher les prestations de chômage) .
Motif et refus de l’employeur de répondre
Les ordonnances Macron de 2017 ont donné la possibilité au salarié de demander des précisions sur le motif de son licenciement dans les 15 jours qui suivent sa notification par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. L’employeur peut aussi, de sa propre initiative, apporter des précisions sur les motifs de licenciement, dans le même délai et les mêmes formes. On sait toutefois que l’employeur n’a pas à informer le salarié de ce droit (Cass soc., 29 juin 2022, n° 20-22220).
Certes, l’employeur dispose de 15 jours à compter de la réception de la demande pour apporter des précisions au salarié. Mais, si le chef d'entreprise estime la lettre de licenciement suffisamment motivée et refuse d’apporter des précisions, c’est son droit le plus strict. Dans une affaire récente, une cour d’appel a ainsi rappelé que le fait que l'employeur n'ait pas entendu répondre à la demande du salarié de préciser les motifs du licenciement n’a pas de conséquence sur l'appréciation de la motivation de la lettre de licenciement.
Possibilité pour le salarié de demander des précisions sur le motif et refus de l’employeur de répondre : nouvelle précision (Versailles, 11 septembre 2025, RG n° 23/01824). © Freepik
Et encore
Une même faute peut être sanctionnée différemment (Cass soc. 17 septembre 2025 n° 23-22456)
En d'autres termes il ne saurait y avoir de discriminations dans la mise en œuvre de sanctions disciplinaires (exemple, salariés qui se battent dans l’entreprise). La solution est logique. En effet la décision de sanctionner le salarié n’est pas liée uniquement aux faits fautifs. D'autres éléments peuvent être pris en compte (ancienneté, antécédents disciplinaires, fonction, comportement général…).
Un accident de trajet n’est pas un accident de travail (Cass soc. 24 septembre 2025, n° 24-16960)
La Cour de cassation rappelle cette évidence en droit du travail. Même si l’accident de trajet est reconnu, le salarié ne bénéficie pas d’une protection particulière contre le licenciement, il n’a pas droit à l’indemnité spéciale de licenciement égale au double de l’indemnité légale sauf dispositions plus favorables, il ne peut prétendre à une indemnité destinée à compenser le préavis sauf dispositions plus favorables. En effet, ces "suppléments" sont liés à la qualification d’accident du travail ou de maladie professionnelle.
Titres restaurant et télétravail (Cass soc. 8 octobre 2025. nº 24-12373)
L'employeur ne peut refuser l'octroi de titres restaurant à des salariés au seul motif qu'ils exercent leur activité en télétravail. La seule condition à l'obtention du titre restaurant est que le repas du salarié soit compris dans son horaire journalier.
La frontière entre sanction et ce qui n’est pas sanction ! (Cass soc. 1er octobre 2025, n° 24-14048)
L’enjeu principal tient au fait que les doubles sanctions sont interdites en droit du travail. Or, certaines remarques émises par l'employeur ressemblent parfois étrangement à des sanctions. Ainsi, une lettre dans laquelle l’employeur formule des reproches précis à la salariée, et l’invite instamment à changer radicalement et sans délai de comportement sous peine de licenciement (Cass. soc., 6 novembre 2019, n° 18-20.268). Dans cette affaire, l'employeur rappelait à une salariée qu'elle devait respecter son planning de travail et utiliser son badge…faute de quoi son attitude constituerait une faute pouvant être sanctionnée disciplinairement et entraîner son licenciement. Pour la Cour de cassation, le fait que l’employeur ait formulé des reproches sous peine de licenciement disciplinaire constituait une sanction disciplinaire ! Le chef d'entreprise ne pouvait donc utiliser les mêmes faits dans le cadre d'un licenciement.
Avant l’heure, ce n’est pas l’heure !
La simple demande de reconnaissance de maladie professionnelle permet-elle au salarié de bénéficier de la protection contre le licenciement ? (Cass soc. 24 septembre 2025, n° 22-20155). En droit du travail, la protection spécifique contre le licenciement existe uniquement si la maladie professionnelle est effectivement reconnue par la CPAM. Mais, avant l’heure, ce n’est pas l’heure ! En d’autres termes, avant cette reconnaissance, le salarié est soumis au régime normal et ne bénéficie pas de la protection spécifique prévu par le code du travail en faveur des salariés victimes d'accident du travail ou de maladies professionnelles.
Une fois la maladie reconnue professionnelle, une protection spéciale s’appliquera alors : l’employeur ne pourra licencier que pour faute grave ou impossibilité de maintenir le contrat (art. L.1226-9 du Code du travail).
Côté URSSAF
Lors d’un contrôle URSSAF, un inspecteur, afin d’obtenir des pièces, peut-il s’adresser directement à un salarié sans mandat du dirigeant ? Dans l’immense majorité des situations, l’URSSAF ne procède à aucun formalisme et invoque la notion de mandat apparent. Et pourtant : est nul un redressement dès lors qu’un inspecteur du recouvrement a utilisé des documents qui lui ont été transmis par des salariés qui n'avaient pas le pouvoir d'engager l'entreprise (Cass civ. 2°. 11 juillet 2013. n° 12-17939 et 12-17940, Pau. Chambre sociale. 22 février 2024. RG n° 21/04175).
Récemment la 2° chambre civile a mis fin à toute hésitation en la matière : "les inspecteurs du recouvrement ne sont pas autorisés à solliciter des documents d'un salarié de l'employeur qui n'a pas reçu délégation à cet effet" (Cass civ.2°. 28 septembre 2023. n° 21-21633). Encore faut-il que l’URSSAF prouve une délégation expresse.
La Cour d’appel d’Amiens vient de réitérer cette situation somme toute fréquente : dès lors que les renseignements pris en compte par l’URSSAF pour opérer le redressement litigieux n’ont pas été obtenus auprès de l’entreprise contrôlée, la procédure de contrôle est irrégulière. Le contrôle étant irrégulier, la lettre d’observations et la mise en demeure décernées sur le fondement des opérations de contrôle, sont elles-mêmes nulles (Amiens.2° protection sociale. 30 septembre 2025. RG 24/00403)
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