Le 85e congrès de l’USH se réunit une nouvelle fois à Paris dans un moment de flou quant à l’avenir de la RE2020, malgré une compréhension de plus en plus claire des conséquences du réchauffement global accéléré.
Face à la crise de l’immobilier de logement consécutive à la hausse des taux et du fonciers encouragés par la loi ZAN, Valérie Létard, ministre du Logement du gouvernement Bayrou, avait mandaté une sorte de grande revoyure de la RE2020 concentrée sur un expert choisi, Robin Rivaton, alors même que le premier petit seuil carbone de la RE2020, début 2025, arrivait.
Tout avait pourtant été fait pour préparer le marché à ce franchissement de petit seuil du 1er janvier 2025, cinq ans après l’année 2020 qui devait précédemment sceller – disait-on depuis 2011 – la généralisation de la construction BEPOS en France et en Europe. Présentée au milieu de l’été, les recommandations de Robin Rivaton n’ont finalement pas remis en cause l’existence de la RE2020, mais conduit à des aménagements que Guillaume Meunier, le très influent consultant Bas Carbone de l’Institut Français pour la Performance du Bâtiment, recalcule comme une diminution par deux des objectifs carbone de la RE2028 qui est par ailleurs déjà largement appliquée sous sa forme actuelle par les collectivités averties.
Image d'ouverture opération Philippon-Kalt à St Barthélémy d'Anjou pour Podeliha. © Philippon-Kalt
Une situation réglementaire jamais vue
Entre temps, le gouvernement est tombé, les recommandations de Robin Rivaton n’ont pas été transposées et la situation politique est troublée. Les bailleurs sociaux peuvent se demander comment ils vont se financer et comment ils doivent construire, puisqu’ils ont d’un côté, pour le neuf, une RE2025 dont l’application dépasse souvent leurs moyens, et une révision non entérinée. On comprend que dans cette situation, le congrès préfère se concentrer dans son programme de conférence sur la notion de qualité, exactement comme le 2e congrès de la construction paille à Paris au début de l’année.
L'Atelier Régis Roudil ose une configuratin circulaire à Cornebarrieu, une banlieue de Toulouse qui devient ainsi, avec la médiathèque d'Associer (Philippe Madec) une municipalité architecturale. CDC Habitat Social. © Atelier Régis Roudil
La crise climatique avant la crise tout court
En février 2025, lorsque Robin Rivaton était mandaté, le 14e Forum International Bois Construction présentait au Grand Palais le 8e atelier consécutif dédié aux logements sociaux sous le thème "Logement social et crise climatique", un atelier de 2 heures avec six présentations de projets que l’on retrouve sur la chaîne YouTube du Forum Bois Construction en playlist dossier conférences FBC 2025 pour l’atelier dit B3. Une magnifique démonstration, sous la verrière du Grand Palais, de savoir-faire des bailleurs Aquitanis, Coopérative HLM de la Boucle de Seine, RIVP, CDC Habitat, Immobilière 3F montrant des opérations de rénovation hors site, de surélévation, de transformation de parking et d’utilisation de solutions biogéosourcées.
WRA/Litotes livre le seul immeuble social biosourcé de taille conséquence à Paris pour l'année 2025, et ce pour Paris Habitat OPH. © WRA/Litotes
Pépinière de l’architecture nouvelle responsable
Bien sûr, cette sélection de projets faisant honneur à l’USH ne représente pas la règle, le virement de projets biosourcés vers le béton est courante chez les bailleurs comme chez les promoteurs qui construisent pour eux. Mais elle témoignait, par exemple dans le cas de CDC Habitat, de la re-création d’une cellule maîtrise d’ouvrage en interne. Plutôt que de s’en remettre aux promoteurs qui bouclent leurs projets avec une mixité sociale, les organismes HLM renouent parfois avec leur glorieux passé de constructeurs innovants et responsables. Pour la construction bois et biosourcée, le logement social devient ainsi qui sait une passerelle vers la massification de la construction de logements durables, tandis que les agences d’architecture durables diversifient leur savoir-faire au-delà du scolaire et des gymnases. Le logement social devient une pépinière de l’architecture et contribue à ce que la France soit aux avant-postes européens.
Vivarchi réussit pour Logéo, à Varennes une réévocation d'un bâtisse irrécupérable en créant un ensemble de quatre habitations accolées. © Vivarchi
Shortlist
Les prix régionaux de la construction bois ne mettent pas en avant le segment social, ni les autres prix foisonnants et vite oubliés qui germent en permanence sur un marché spectacle.
Depuis fin mai, le Forum International Bois Construction a lancé son appel à projets annuel et compte bien proposer le 25 février 2026 un atelier de 2h consacré au logement social à l’aube de l’année fatidique de 2030. Une fois de plus, l’accent est mis sur des réalisations de dernière actualité, les projets en cours étant mis en relief dans la Galerie de l’architecture bois/biosourcé du 21e siècle.
Canal rénove Bion Fûté avec des modules et constitue l'un des chantiers actuels les plus intéressants des parcours de visites des Rencontres de la Frugalité Heureuse et Créative de vendredi 26 septembre 2025 en Île-de-France. Batigère Résidences Sociales. © Canal Architecture
R+11 passif
Une petite dizaine de réalisations sociales se démarquent des appels à projets. Le plus voyant est le projet Carnot du Toit Vosgien avec un R+11 à noyau béton, avec du bois entièrement encoffré, de la paille hachée Ielo en façade (ASP Architecture). La tour s’élève à un jet de poutre de celle élevée par le même bailleur il y a dix ans, un R+7 passif isolé avec de la paille, alors que depuis, chaque projet franchissant un petit étage de plus depuis le R+1 d’un collège d’Issy-les-Moulineaux en 2012 est casqué d’une coûteuse démarche d’Atex.
Mixité ou hors-site ?
Si on laisse de côté quelques rares chantiers expérimentaux comme celui présenté par Aquitanis en février au Forum au sujet d’une opération à Bigaros avec l’agence Dumont Legrand, les projets sociaux n’évoluent pas comme ils devraient vers le zéro carbone et le recours massif aux solutions biogéosourcées.
La réalité est plutôt l’intégration d’une partie de plus en plus importante de béton, ou bien dans certain cas d’un recours au modulaire. La situation actuelle étant que la mixité défie le hors-site, reste malgré tout complexe et coûteuse, que le hors-site n’a jamais eu la réputation d’être plus économique, et qu’il n’existe pas de solution convaincante permettant de réduire les coûts sans sacrifier la qualité vécue par l’usager.
La qualité impossible
Nous voici donc revenu vers le thème des conférences de ce congrès USH parisien. La mise en avant de cette notion de qualité s’expliquant justement par l’incapacité de la préserver concrètement. De sorte que le mouvement HLM n’est pas seulement confronté au chaos gouvernemental, mais fait aussi face à sa propre incapacité constructive. Et cette dernière se révèle encore plus criante dès lors qu’il est désormais question "d’adapter" les logements au changement climatique. Dans ce contexte, la non qualité devient vite le vecteur de troubles sociaux qui remettent en cause le mouvement en lui-même. Au moins sur le marché de la rénovation, la prise en compte de l'adaptation se passe indépendamment de la RE2020.
Et si c’était quand même le biogéosourcé ?
La situation est grave, non pas à cause des taux, de la gouvernance ou des impasses constructives techniques, ni à cause du risque social engendré, mais aussi à cause de pratiques générales qui ne cessent de produire massivement du carbone, à un point qui ôte tout son sens à la notion d’adaptabilité. Les expériences biogéosourcées sont aujourd’hui des objets de recherche, voire des diversions qui empêchent de voir en face la réalité de la construction et de la rénovation actuelle. Il n’y a pas de massification, pas de standardisation, pas de recette constructive durable. Et pourtant, il faut la chercher. Et les projets présentés au Forum ne sont pas, dans le contexte climatique terrible, des danseuses. Ce sont plutôt les vrais prototypes du futur dont nous avons un besoin vital.
Source : batirama.com / Jonas Tophoven / © Philippon-Kalt