Un stade pour décrocher l’or

La ville de Pantin a fait de la rénovation de son stade Charles Auray une priorité de la mandature, avec une volonté d’excellence qui doit se traduire par une démarche de bâtiment durable (BDF) niveau or.

Jamais achevé, le stade du quartier de La Seigneurie de Pantin, baptisé Charles Auray avant la guerre, se complète désormais :

– d’une halle sportive avec un plateau multisports,

– De trois salles de boxes ;

– D'une salle d’escalade ;

– D'un dojo et des salles associatives.

 

Plus de 4000 m2 pour des travaux de 15 millions HT, une belle bête. L’agence dyonisienne Atelier d’architecture Ramdam s’impose dès 2020 en concours devant des pointures comme Encore Heureux et le Nantais Raum. Le charpentier ACDF mobilise ensuite tout son savoir-faire industriel, avec l'entremise du BE bois ECSB, habitué aux grands chantiers comme celui de Notre-Dame.

 

La doctrine des sapeurs-pompiers fait floquer le bois apparent et dégrade les émissions des projets. © Jonas Tophoven

 

La doctrine des sapeurs-pompiers de la préfecture de police de Paris, toujours en électron libre quatre ans après sa publication, est interprétée par les doctrinaires dans un sens restrictif qui mène à floquer puis recouvrir l’essentiel des éléments porteurs en bois. Pour autant, l’équipe de construction menée par GCC devrait atteindre une performance exceptionnelle E3C2 et l’ouvrage revendiquer ses partis-pris climatiques par un bardage en châtaignier.

 

 

 

Pantin avec un P comme patrimoine

Bertrand Kern, maire de Pantin, veut livrer ce projet en décembre 2025, en illustration du travail d’une mandature. Il ne s’agit pas que de faire quelque chose pour le sport dans une mandature marquée par les JOP de 2024. Il s’agit surtout de boucler un centenaire de travaux inaboutis pour ce stade de la Seigneurie niché dans un quartier classable par l’UNESCO tant son patrimoine historique et architectural est riche, à l’image de l’école de Plein Air et de la Maison des vieillards. Le projet à traîné pour des questions de budget. Hélène Dabo, la directrice générale adjointe Patrimoine Bâti et Cadre de vie chez Ville de Pantin, assure la maîtrise d’ouvrage.

 

Un "pont" impressionnant bien dans les cordes d'ACDF. © Jonas Tophoven

 

 

 

RamDam et la doctrine des pompiers

Atelier Ramdam, c’était l’extension Au Bon Coin en bord de canal de St Denis, puis plein de projets atypiques, une scierie qui fera la couverture du catalogue du Prix National de la Construction Bois, les logements sociaux Lathuille pour Elogie Siemp, la caserne Mellinet avec ses façades en chanvre préfabriqué (WUP).

De fait, Mellinet a été signé presque au même moment que le stade de Pantin : quatre ans de résistance pour que le projet ne bascule pas vers le béton. Quant au stade, la lutte principale se rapporte à la doctrine des pompiers, qui stipule unilatéralement un flocage des structures quand le plancher haut est à plus de 8m. Or, dans le cas du stade, le dispositif architectural amène de la terre en façade ouest, de sorte que le dernier plancher est facile à atteindre à moins de 8m. Mais non, disent les pompiers qui évoquent la distance avec le rez-de-chaussée et imposent le flocage et le masquage induit des impressionnantes structures en bois. Vous allez voir, à la fin, les gymnases avec des charpentes en glulam seront-elles aussi floquées et habillées, un gros marché de rénovation …

 

Solution de coupe feu pour plancher en CLT par ACDF. © Jonas Tophoven

 

 

 

Une transparence millimétrée

Ramdam l’emporte apparemment avec une approche qui permet de sauver les arbres mitoyens en bordure sud de la parcelle, qui résisteront même à la mise en place des immenses poutres en lamellé-collé.

L’alignement de la halle directement sur le petit coin sud du terrain de sport principal permet aux athlètes et footballeurs d’observer la pratique sportive de la halle en contrebas, tout en utilisant la terrasse surplombant la halle comme gradins extérieurs. Des poteaux en douglas placés à l’extérieur et supports d’une grille de protection contre les impacts de ballons ne sont pas encoffrés et filent devant la façade vitrée.

 

Salle d'escalade avec masquage de la paroi en COB, mais belle charpente apparente car pas de locaux au-dessus. © Jonas Tophoven

 

 

 

Le genre de chantier idéal pour ACDF

La halle sportive est une sorte de pont qui prend appui sur deux noyaux en béton donnant l’accès aux salles de boxe et au dojo en ossature bois. D’immenses poutres triangulées en métal surplombent le terrain de sport central abrité (42 m de portée), associées à des méga-poutres en BLC. Les plateaux sont en CLT (Stora Enso) avec l’option du raccordement coupe-feu développé par ACDF.

 

Mock-up avec bardage en chätaignier. Ramdam voulait du claire-voie mais les pompiers ont exigé du rainure et languette. © Jonas Tophoven

 

 

 

Stockage massif de carbone

Avant le flocage, les parties apparentes de la structure porteuse en bois sont pourvues d’une résille d’accrochage à laquelle il va falloir s'habituer. Ce qui constitue l’un des plus gros chantiers actuels en volume de bois de la région parisienne contribue à ancrer le projet, quoique de très peu, dans la difficile catégorie C2. En fait, les études de projet indiquaient que le but est tangent, mais le quotidien du chantier permet de rejoindre pas à pas la barre, dans un contexte où la performance BDF Or est souhaitée. Les isolants biosourcés (Biofib où c'est possible) doivent y contribuer, tout comme le bardage en châtaignier (Rahuel), encore assez inhabituel sur la place de Paris, sinon sur d’autres chantiers comme la rue Lathuille par Ramdam, où l’agence joue le changement de teinte par les UV, pour atteindre ce que Olivier Misischi de Ramdam affectionne comme une belle patine grise durable. Le recours affiché au "béton bas carbone" n’est pas systématique, ce procédé à séchage lent travaillant mal en flexion.

 

 

 

Ekopantin

Il se trouve que Pantin a hébergé Ekopolis et que Ramdam a été l’un des pionniers franciliens de la démarche BDF. L’approche BDF ne se limite pas au carbone et se caractérise par des séances de présentation menant à des perfectionnements permanents. D’ailleurs, Pantin est en train d’appliquer à la taille d’un quartier entier une nouvelle démarche BDF destinée aux projets de rénovation de grande échelle. La grande aventure de la prochaine mandature en cas de réélection, traduisant une approche élargie permettant de mieux répondre aux impératifs drastique de réduction des émissions de carbone des municipalités françaises.


Source : batirama.com / Jonas Tophoven / © Jonas Tophoven

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