Les nouveaux matériels de chantiers urbains

Le marché des chantiers urbains serait la niche idéale pour développer les équipements innovants? La crise sanitaire a freiné le mouvement.

Malgré les fortes chutes de ventes enregistrées par toutes les familles de produits au cours de l’année écoulée, les industriels poursuivent leurs investissements dans les innovations en matière de maîtrise ou changement d’énergie.

 

Après des mois de discussion sur les niveaux d’émissions des moteurs d’engins – les normes européennes Phase V du règlement UE 2016/1628 –, les industriels se sont lancés dans la production des moteurs et se donnent plusieurs années pour bénéficier d’un retour sur leurs investissements.

 

Peu d’innovations en énergie électrique

 

Si tous les acteurs mondiaux disent bien travailler sur d’autres énergies que le gazole et les moteurs thermiques en général, dans les faits, très peu d’entre eux lancent des innovations en énergie électrique.

 

JCB, Volvo, Wacker Neuson, Mécalac et quelques autres ont certes des références dans leurs catalogues. Mais pour le plus grand nombre, il n’est pas évident que cette énergie ressorte à terme comme la plus intéressante, la pression mondiale sur le marché des batteries créant déjà des difficultés pour conduire les innovations vers une économie d’échelle en cas de production en série.

 

L’essence, énergie de transition

 

Les seuls marchés qui trouvent grâce sont ceux des petits équipements, comme les pelles de moins de 2 t, les plaques de terrassement, les nacelles articulées… Une autre raison expliquerait le fait que le marché des chantiers urbains ne soit pas aussi ouvert que l’on peut le croire à l’électrique : une fois la grue alimentée, le poste électrique ou le groupe électrogène n’est souvent pas suffisant pour proposer de l’énergie pour d’autres usages.

 

À cela, un fournisseur comme AtlasCopco apporte une réponse intéressante : un gros accumulateur – le ZenergiZe – qui peut travailler de manière autonome ou en binôme avec le groupe électrogène, ce dernier étant tantôt épaulé par les batteries, tantôt exploité pour leur recharge.

 

Les promesses du gaz

 

Surtout, après plus d’un siècle d’ingénierie sur les moteurs thermiques, ces derniers n’ont peut-être pas dit leur dernier mot. Sur des pompes à mortier, des fournisseurs tentent même – fin de l’aide fiscale sur le gazole non routier aidant – le moteur à essence.

 

Les premiers tests seraient positifs : moins de bruit, un bon rendement, et pas de dérives de consommations de carburant comme on aurait pu le penser. Par ailleurs, pour les adeptes du zéro énergie fossile, les moteurs à gaz restent un sujet de développement.

 

Ce secteur n’échappe pas non plus au discours sur l’hydrogène : comment utiliser cette énergie, comment alimenter les chantiers ? Sauf qu’il n’y a actuellement que très peu d’offre, malgré l'apparition des premiers groupes électrogènes pour les chantiers...

 

             

  

Marché des matériels compacts : Une prévision de rebond au niveau des années 2017-2018

 

Malgré des chutes spectaculaires, la moyenne des ventes des cinq dernières années reste supérieure à 50 000 unités.

 

Le marché des équipements de TP et de carrières a chuté de 17 % en 2020, cédant 10 000 unités sur les 60 000 vendus en 2019. Un écart surtout lisible au 1er semestre avec des pointes à -49 % et -60 % respectivement en mars et avril. Les ventes de matériels compacts ont accusé une baisse de volume des ventes de 16 % : 16 125 unités contre 19 111 en 2019. Les loueurs ont de leur côté réduit leurs achats de 30 % (3 117 unités, passant de 25 % de part de marché en 2019 à 21 % l’an passé).

 

Les petits engins pour les travaux routiers ont aussi souffert de la crise sanitaire, notamment les rouleaux et la famille des pilonneuses et plaques. Plus emblématique, la famille des matériels pour le béton affichent une chute de -38 %, dont -40 % pour les toupies, et s’est retrouvé au niveau du marché des années 2014-2015. Le marché de la manutention et du levage s’est réduit de -26 %.

 

Le Seimat table sur une reprise moyenne des ventes de l’ordre de +8 % cette année, soit 52 700 unités. Le terrassement lourd afficherait une croissance de +9 % (de +2 à +8 % selon la FNTP) ; les matériels compacts, de +8 % (+11 % selon la FFB) ; les matériels routiers, +10 % (+7 % selon Routes de France) ; les matériels béton, +3,5 % (+1 % selon le SNBPE) ; la manutention et le levage, +6 % (+11 % selon la FFB). Si ces prévisions se confirment, les ventes de 2021 se situeraient dans la moyenne de ces dernières années.

 

Marché des matériels compacts

 

Matériels

Ventes en 2020

Évolution 2020/2019

Chargeuses pneus < 5 500 kg

1 628

- 16 %

Pelles pneus < 11t

722

- 33 %

Midi pelles (p-chenilles de 6 à 12 t)

1 766

- 15 %

Minipelles

10 885

- 13 %

Chargeuses pelleteuses

323

- 22 %

Chargeuses compactes

801

- 27 %

Rouleaux à guidage manuel

1 148

- 11 %

Rouleaux autoportés

1 734

- 25 %

Pilonneuses et plaques

11 059

- 10 %

Bétonnières portées

692

- 40 %

Chariots télescopiques

7 042

- 27 %

Nacelles

5 288

- 26 %

Grues mobiles

194

- 25 %

Pelles « Industrie »

290

- 22 %

Source : Seimat

 

 

  

Pascal Petit-Jean* : « Il existe une demande sociétale, mais peu de contrainte »

 

*Délégué général du Seimat, Syndicat des entreprises internationales des matériels de TP, mines et carrières, bâtiment et levage

 

 

Pascal Petit-Jean : « Après avoir beaucoup investi pour se conformer au Phase V, motoristes et constructeurs sont dans un cycle de production et de vente. »

 

Batirama : Quelles évolutions observez-vous sur le marché des matériels pour les chantiers urbains ?

 

Pascal Petit-Jean : Il existe bien une demande sociétale sur ce sujet. Certaines villes et régions ont annoncé qu’elles mettraient en place des contraintes dans certaines zones de travaux pour limiter les nuisances. Mais il n’y a pas encore d’évolution des contraintes. Pour ce qui concerne les ventes, tous les constructeurs travaillent sur des solutions alternatives même si aujourd’hui peu d’entre eux proposent des équipements électriques ou à moteur gaz, et les volumes sont encore faibles.

 

Existe-t-il des incitations à choisir ce type d’équipement ?

 

Il faut citer le dispositif de suramortissement de 40 % contenu dans la loi de finance 2020 et applicable au BTP jusqu’ à fin 2022 sur les engins non routiers au gaz – naturel ou biométhane –, électriques, à hydrogène ou hybrides – essence et GNV ou GPL –, ainsi qu’aux engins équipés de moteurs à la norme Phase V… s’ils remplacent des matériels de plus de cinq ans. Par ailleurs, le changement de fiscalité sur le gazole non routier engagé depuis juillet 2020 fait aussi réfléchir les investisseurs sur les alternatives.

 

Comment percevez-vous l’attitude des constructeurs ?

 

Motoristes et constructeurs ont très lourdement investi pour se conformer au règlement européen de 2016 sur les moteurs à la norme Phase V introduits sur le marché en 2019 et 2020. Ils sont maintenant dans un cycle de production et de vente. Quant à savoir s’il faut passer à l’électrique… ? Pour une même performance, ces engins coûtent deux fois plus cher. Et les retours que l’on a du secteur automobile posent question : serait-ce un leurre ? D’autant que le moteur thermique présente encore du potentiel de développement. En associant biocarburant et post-traitement, à terme, il est peut-être envisageable qu’il atteigne un niveau zéro émission.

 

 

  

 


Source : batirama.com/ Bernard Reinteau

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