Le Décret applicable aux bâtiments tertiaires est publié

Au moins autant que la future RE2020, le décret tertiaire pèsera lourd dans l?évolution des consommations d?énergie des bâtiments. Il doit être accompagné de deux arrêtés qui préciseront son contenu.

 

A la faveur de la présentation de l’Observatoire de l’Immobilier Durable (voir notre article) le 21 janvier, Quentin Deslot, chef du bureau de la réglementation technique de la construction (DGEC) au Ministère de la Cohésion des Territoires et des Relations avec les Collectivité Locales, - tout nouveau, il est nommé depuis décembre 2019 – a présenté le calendrier des suites du fameux « Décret Tertiaire ».

 

Que contient le Décret Tertiaire ?

 

Entré en vigueur le 1er octobre 2019, le décret Tertiaire demande une réduction des consommations d’énergie des bâtiments tertiaires en trois étapes : -40% en 2030, -50% en 2040 et -60% 2050. Le but étant de contribuer à l’atteinte en 2050 de la neutralité carbone de la France, telle que la décrit la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC).

 

Les actions d’économie d’énergie à entreprendre ne sont pas limitées à la réhabilitation du bâti des bâtiments tertiaires, mais sont étendues à l’ensemble des actions susceptibles de réduire la consommation énergétique : qualité et exploitation des équipements consommateurs, comportement des usagers, etc.

 

Le décret tertiaire crée des « bâtiments assujettis » : tous les bâtiments existants au 24 novembre 2018 (l’heure n’est pas précisée). Les bâtiments ou partie de bâtiment ou partie de site concernés doivent avoir une surface d’au moins 1000 m², consacrée aux activités tertiaires. Toutes les activités sont concernées : soins, enseignement, bureaux, etc. Seuls sont exemptés, les lieux de culte, les constructions provisoires et les installations de défense, de sécurité civile et de sécurité intérieure du territoire.

 

Le décret prévoit divers leviers d’action, dont la performance énergétique des bâtiments, l’utilisation d’équipements performants et l’installation de dispositifs de gestion active de ces équipements (GTB, IoT, etc.), les modalités d’exploitation des équipements, l’aménagement des locaux de manière à favoriser un usage économe en énergie et le comportement des occupants.

 

Deux méthodes possibles

 

Chaque bâtiment assujetti pourra choisir entre deux méthodes pour atteindre ses objectifs de réduction de consommation d’énergie. Premièrement, les responsables du bâtiment choisissent une année de référence qui ne peut être antérieure à 2010 et réaliser les objectifs 2030, 2040 et 2050 par rapport à cette valeur de référence. Deuxièmement, un arrêté, en préparation et annoncé pour mai 2020, fixera des valeurs absolues de consommation en fonction de la catégorie du bâtiment.

 

Il est prévu une série de dérogations et de modulations à ces obligations. Tout d’abord, les consommations enregistrées seront ajustées en fonction d’une année climatique moyenne. Ensuite, des changements d’activité dans un bâtiment ou de destination du bâtiment pourront conduire à une modification des objectifs qui lui sont assignés. Les contraintes architecturales, de patrimoine – toutes deux appréciées par l’Architecte des Bâtiments de France local – pourront conduire à déroger à l’obligation de réduction ou à l’alléger significativement. Les servitudes règlementaires pourront conduire à moduler les obligations.

 

Enfin, si le temps de retour brut de l’investissement nécessaire à l’atteinte des objectifs est disproportionné, si cette disproportion est documentée par un dossier technique réalisé dès les premières années d’entrée en vigueur du décret tertiaire – maintenant, en gros - , accompagné d’un plan de travaux montrant clairement une impossibilité, dérogations ou modulations sont possibles également.

 

OPERAT joue l’ouverture

 

La plateforme Operat (Observatoire de la Performance Energétique, de la Rénovation et des Actions du Tertiaire), gérée par l’Ademe, est en ligne depuis le début du mois de janvier 2020. Les assujettis – propriétaires, bailleurs ou occupants des bâtiments – devront chaque année y saisir les consommations de leurs bâtiments.

 

Operat corrigera automatiquement les données pour les restituer en année climatique moyenne et établira la progression par rapport à l’objectif retenu par le bâtiment. Les non-assujettis (bâtiments < 1000 m²) volontaires pourront eux-aussi saisir sur Operat les données de leurs bâtiments.

 

Operat servira notamment à étalonner – benchmarker, comme on dit plutôt – les différentes catégories de bâtiments. Elle proposera une API (Application Programming Interface) ouverte de manière à ce que d’autres sites et applications puissent utiliser ses données.

 

Enfin, pour les occupants des bâtiments assujettis, l’objectif, les résultats et l’avancement devront être accessibles sur site. Dans le cas des ERP (Etablissements Recevant du Public), ces données seront accessibles au public sur site. Les objectifs passés et à venir, les résultats des 3 dernières années, la progression, devront être intégrés aux contrats de vente des bâtiments, ainsi qu’aux baux de location.

 

Une sanction administrative – une amende d’un montant maximal de 7 500 € correspondant à une contravention de 5ème classe - est prévue pour les récalcitrants. L’administration réfléchit également à une action de « Name & Shame », c’est-à-dire à une dénonciation publique des mauvais élèves.

 

Il est également prévu un signal visuel associé au bâtiment sur la plateforme : une feuille grise si la consommation augmente sans justification (sans demande de modulation liée à un changement d’activité, du nombre d’occupants, etc.), une feuille verte si la consommation se situe entre + 10% et -10% de l’objectif, deux feuilles vertes si la consommations est inférieure à objectif – 10% et enfin trois feuilles vertes si la consommation atteinte est inférieure à la consommation absolue affectée au bâtiment.

 

Et voilà le Crelat et le Cabs

 

Le premier arrêté d’application du décret tertiaire est en consultation publique jusqu’au 25 janvier 2020. Il précise un certain nombre de définitions, indique notamment que toutes les consommations considérées sont exprimées en énergie finale. Bonne idée : on évite la controverse sur les coefficients de conversion des énergies en énergie primaire. Il souligne aussi que toutes – Toutes ? Toutes ! – les consommations d’énergie sont prises en compte.

 

L’arrêté en préparation invente le Crelat ou niveau d’énergie finale exprimé en valeur relative par rapport à la consommation énergétique de référence (Créf). On verra trois Crelats : Crelat 2030 = (1 – 0,4) x Créf, Crelat 2040 = (1 – 0,5) x Créf et Crelat 2050 = (1 – 0,6) x Créf.

 

De son côté, le niveau de consommation maximale absolu sera noté Cabs et ses valeurs par type de bâtiment tertiaire devraient faire l’objet d’un arrêté ultérieur, prévu pour mai 2020.

 

Le Cabs sera la somme de CVC – les consommations énergétiques relatives « à l’ambiance thermique générale et la ventilation des locaux », définies par type d’activité, par zone climatique et en fonction de l’altitude – et de USE – « une composante de la consommation énergétique relative aux usages spécifiques énergétiques propres à l'activité ainsi qu'aux autres usages immobiliers tels que la production d'eau chaude sanitaire et d'éclairage » -, rien que de la simplicité.

 

USE servira notamment à la modulation des consommations d’énergie en fonction des activités tertiaires, des modalités d’occupation des locaux, des « intensités d’usage spécifiques à chaque catégorie d’activité » tertiaire, … L’article 5 du projet d’arrêté comporte toute une série de formules pour expliquer l’ajustement en année climatique moyenne, des consommations de chauffage et de rafraîchissement.

 

Les 10 autres articles de ce projet d’arrêté, qui en compte donc 15 en tout et sera suivi d’un second arrêté, détaille le fonctionnement des modulations des consommations de références en fonction des différents motifs de modulations, le fonctionnement d’Operat , les qualifications nécessaires des acteurs prêtant main forte aux assujettis à diverses étapes de leur parcours du combattant, etc.

 

L’article 15 du projet explique que si l’assujetti ne trouve pas son activité dans la liste figurant à l’annexe II, il se rabat sur l’activité la plus proche et explique son embarras dans le champ « observation » correspondant à la définition de l’activité. L’annexe II ne figure pas dans le document mis en enquête publique.

 


Source : batirama.com / Pascal Poggi

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