BTR 497

28 BATIRAMA N°497 I JUIN - JUILLET 2021 DOSSIERS PATRIMOINE ET RÉNOVATION Répondre au marché de la rénovation L’expression toiture d’exception renvoie immédiatement aux monuments histo- riques. Si les entreprises capables de répondre aux demandes bien strictes des architectes des bâtiments de France ou des propriétaires de demeures classées sont peu nombreuses, leur savoir-faire est le plus souvent bien mis en valeur. Il est généralement transmis par une formation interne, entre compagnons, de père en fils ; les formations conti- nues existent, mais ne suffisent géné- ralement pas à connaître toutes les astuces de pose. Quant aux matériaux de couverture plus locaux – lauze dans les régions montagneuses, chaume de roseaux, blé ou seigle en Bretagne et Normandie – leur restauration peut être réalisée par des entreprises très locales et de forte notoriété, voire, dans le cas du chaume, confiés à des intervenants allemands ou des hollandais plus cou- tumiers. Aussi exceptionnels, les chan- tiers sur sites complexes tels que ceux classés Séveso ou à caractère sensible – prisons, hôpitaux psychiatriques – demandent des moyens techniques (levage, accès…), un management de chantier (propreté, sécurité) et des réponses administratives que seuls des acteurs structurés sont en mesure de présenter. Une offre industrielle complète En revanche, pour ce qui concerne la fourniture de produits, les signaux sont au vert. Les industriels de la tuile en terre cuite rivalisent en matière de développement de références rustiques (canal chez Bouyer-Leroux, plate chez Terreal…) ; les ardoisiers espagnols, notamment Cupa Pizarras, Samaca ou Rathscheck-Schiefer – marque alle- mande de produits espagnols – ont pris le relais des carrières d’Angers. Certains poseurs recherchent aussi des teintes originales – vertes, violettes – sur le continent américain (dans le Vermont, en Argentine, au Brésil) ou au Pays de Galles. L’offre de toiture en zinc, qu’elle vienne de Rheinzink ou VMZinc, très for- tement travaillée depuis quarante ans, permet de répondre à l’ensemble des cas de figure. Même l’offre de toiture en plomb, qui sera mise en avant à l’avan- cement de la reconstruction de la toiture de la cathédrale Notre-Dame à Paris, est disponible. En France, l’entreprise Le Plomb Français propose des feuilles laminées traditionnelles et des réfé- rences spécifiquement destinées aux monuments historiques. 4 000 des 7 000 t de sa production annuelle sont consommés en bâtiment. BERNARD REINTEAU Entreprise familiale, fondée par Bernard Battais venu de la région angevine, Battais Couverture traites des monuments historiques et des demeures privées. Qui sont vos clients ? Olivier Battais : Nous répondons à beaucoup d’appel d’offres, et sur ces chantiers, nous suivons les demandes des architectes. Nous traitons tous types de bâtiments – religieux, civil, militaires – avec des matériaux très différents. En marchés publics, les choix sont préala- blement validés. Avec les particuliers, la démarche est toute différente : veut-on un prix ou une prestation ? La question que l’on se pose lorsque l’on arrive sur un chantier est : « Et si c’était chez vous, que feriez-vous ? ». L’important est de fournir une prestation exigeante, cohé- rente entre les parties courantes et les détails, et à un prix honnête. Comment se déroule une prestation? Nous avons une réputation de partenaire. Ce qui signifie que nous pouvons travail- ler durant 4 à 5 ans sur un chantier, en opérant par phases successives que nous décrivons dans un guide spécifique pour traiter la toiture de façon rationnelle. Ce qui n’empêche pas que, parfois, le client cherche à réaliser en urgence les parties les plus ostentatoires… Comment se transmettent les connaissances ? Nous travaillons dans un esprit familial, et les connaissances sont transmises de père en fils, entre frères, aux apprentis. C’est important, car dans ce domaine des toitures d’exception, les normes ne sont pas adaptées ; ce que l’on fait n’est parfois pas décrit dans les DTU, et il faut aussi maîtriser les techniques que l’on appliquait à l’époque. Comment gérez-vous votre catalogue de produits ? Nous avons développé une bibliothèque de l’ensemble des matériaux proposés. Par exemple, pour les ardoises, nous avons des références espagnoles, mais aussi les produits du continent américain très spécifiques – des ardoises vertes extraites dans le Vermont, des violettes du Pays de Galles ou du Canada (à la même longitude que Saint-Pierre-et- Miquelon). L’intérêt des ardoisiers amé- ricains est de proposer un très large choix et de sélectionner les meilleurs produits et les teintes originales. Quant aux tuiles, les classiques figurent rare- ment sur les toits d’exception ; il faut rechercher des tuiles flamandes non mécaniques, des vernissées de Flandre ou de Bourgogne… En revanche, nous travaillons les métaux : le zinc, de haute technicité et durable, le cuivre, le plomb. Comment percevez-vous votre métier ? D’un côté, nous voyons bien se dessiner une crise, avec une baisse des budgets pour les monuments historiques, une désaffection pour les églises… Mais, depuis quelques années, le succès des émissions sur le patrimoine redonne une image à nos métiers. Des jeunes viennent vers nous avec envie. Lors des visites scolaires sur le chantier du beffroi de Béthune, les élèves deman- daient : comment on se forme ? Nous devons intéresser les jeunes, c’est un message que nous essayons de porter avec le Groupement Monuments Histo- riques de la FFB. INTERVIEW Olivier Battais, PDG de Battais Couverture, à Haubourdin (Nord) Une question que l’on se pose : « Et si c’était chez vous, que feriez-vous ? »

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