La REP est en vigueur depuis le 1er janvier 2023, l’État veut déjà la modifier

Démolition en cours d’un bâtiment avenue Gambetta à Paris. © PP

La mise en place de la REP (Responsabilité Élargie du Producteur) est laborieuse. La gratuité de l’enlèvement des déchets pour les entreprises n’est pas encore une réalité. Un arrêté tente d’y remédier.




En modifiant l’article L. 541-10 du code de l’environnement, la loi AGEC (Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire) a institué la REP PMCB (Produits et Matériaux de Construction du Bâtiment). Pour la filière du bâtiment, la REP PMCB se caractérise notamment par le paiement d’une éco-contribution sur les achats de tous les matériaux de construction.

Quatre éco-organismes – Ecomaison, Ecominéro, Valdelia, Valobat - collectent cette taxe auprès des metteurs sur le marché et, en échange, doivent proposer des services aux entreprises : collecte des déchets, enlèvement gratuit pour les entreprises, multiplication des points de collecte sur le territoire, etc. Les entreprises, de leur côté, doivent trier leurs déchets. Mais voilà, si les éco-contributions sont bien acquittées, le nombre de points de collecte et leur répartition sur le territoire sont insuffisants et les entreprises ne se voient pas encore proposer la gratuité de l’enlèvement de leurs déchets de chantier, même triés.

 

Les entreprises du bâtiment considèrent que la reprise gratuite des déchets de chantier, aux frais des éco-organismes collecteurs des éco-contributions, tarde à se mettre en place. © PP

 

 

 

Un projet d’arrêté pour une application au 1er juillet

Le projet d’arrêté, mis en consultation par le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires jusqu’au 21 Mai 2024, comporte trois articles et deux annexes. Il veut globalement :

– prévoir un mécanisme de répartition des charges selon la contribution des différents produits et matériaux à l’atteinte des objectifs de collecte et de recyclage ;

– Prévoir la mise en œuvre d’un soutien financier permettant d’assurer la traçabilité des déchets collectés lorsque ces déchets sont déjà valorisés à hauteur des objectifs du cahier des charges ;

– Faciliter la reprise sans frais des déchets auprès des entreprises du secteur du bâtiment ;

– Revoir le délai de réalisation de l’étude sur la caractérisation de la présence de polluants organiques persistants afin de prendre en compte des premiers résultats d’une autre étude menée par l’ADEME ;

– Mettre en place un outil unique conjoint permettant aux détenteurs de déchets du bâtiment un accès simplifié aux points de reprise de leurs déchets ;

– Mettre en œuvre la réfaction prévue aux articles R. 543-290-10 et R.541-120 du code de l’environnement pour les producteurs assurant eux-mêmes des opérations de gestion de déchets du bâtiment.

 

Une fois approuvées, les dispositions du nouvel arrêté issu de cette consultation entreront en vigueur le 1er juillet 2024. © PP

 

 

 

Modification du cahier des charges des éco-organismes

L’Annexe 1 du projet d’arrêté instaure un abattement d’au minimum 50 % des contributions financières versées par les producteurs à l’éco-organisme pour les produits composés majoritairement de matériaux dont les taux de collecte et de recyclage sont supérieurs aux objectifs fixés dans le cahier des charges. Les charges liées à l’octroi de cet abattement sont réparties sur les produits n’atteignant pas ces objectifs. L’éco-organisme doit informer l’autorité administrative des projets de modifications des montants des éco-contributions en détaillant et justifiant les abattements appliqués. Cela concerne les produits listés au 2° du II de l’article R.543-289 du code de l’environnement. Il s’agit notamment des produits en métal, en bois, des mortiers, enduits, peintures, vernis, résines, produits de préparation et de mise en œuvre, y compris leur contenant, des menuiseries vitrées, des produits en plâtre, de la laine de verre, de la laine de roche, des produits de construction en plastique, des membranes bitumineuses, etc.

En gros, cela concerne tous les produits pour lesquels il existe des filières de recyclage déjà bien en place et qui font l’objet d’une forte demande par les producteurs : le verre pour faire du calcin et refabriquer du verre, la laine de verre pour fabriquer de la laine neuve, le PVC des menuiseries pour refaire du PVC, etc.

La même annexe précise : "Pour la reprise des déchets auprès des entreprises du secteur du bâtiment qui regroupent dans leurs installations des déchets du bâtiment issus de leur activité, lorsque l’entreprise dispose de ses propres contenants alors l’éco-organisme procède à la reprise sans frais de ses déchets dès lors que les contenants utilisés ont un volume supérieur à 8 m3, quelle que soit la fréquence d’enlèvement".

L’annexe 1 impose également la mise en place d’un outil unique conjoint, à destination des détenteurs professionnels de déchets du bâtiment, leur permettant un accès simplifié aux différents points de reprise de leurs déchets.

Si les producteurs assurent eux-mêmes une partie suffisante de la collecte des déchets issus de leurs produits, comme le prévoient l’article R543-290-10 et l'article R541-120 du Code de l’environnement, ils ont droit à une ristourne sur leur éco-contribution et les éco-organismes doivent la mettre en place.

Il semble bien, ne lisant les modifications proposées, que les pouvoirs publics estiment que les éco-organismes – à but non-lucratif, rappelons-le – encaissent les contributions, mais tardent à décaisser pour mettre en place les services contenus dans leur cahier des charges et qu’il faut accélérer le rythme.

 

Certains déchets sont devenus des matières premières très convoitées. On sent poindre des querelles de propriété, directement liées à leur monétisation. © PP

 

 

 

À qui appartiennent les déchets ?

Parmi les remarques que l’on peut lire en dessous du projet d’arrêté en consultation, l’une d’entre elles pose l’intéressante question de la propriété des déchets de déconstruction. Cette question survient parce que certains déchets sont devenus des ressources vendables pour lesquels il existe déjà une demande croissante : le métal, le verre, le PVC, etc. Les maîtres d’ouvrage, qui sont obligés de réaliser un diagnostic PEMD (Produits Équipements Matériaux Déchets) lors d’une opération de démolition, voient la propriété des déchets de leur opération leur échapper au profit des entreprises de démolition. Ce même maître d’ouvrage va ensuite acquitter (en tant que client) l’éco-contribution sur les matériaux de construction neufs en reconstruisant après démolition. Bref, les maîtres d’ouvrage veulent leur part du gâteau de la monétisation des déchets du bâtiment.



Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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