Fluides frigorigènes, rebondissement au Parlement Européen

Fluides frigorigènes, rebondissement au Parlement Européen

Dans le cadre de la révision du Règlement Européen F-Gaz, le rapporteur de la Commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire prend une position radicale.




La procédure de révision du Règlement Européen F-Gaz, qui organise une réduction de l’emploi des fluides fluorés dans les systèmes thermodynamiques en Europe, est simple : la Commission Européenne propose un texte, le Parlement et le Conseil Européens s’en saisissent séparément, le trilogue – des représentants de la Commission, du Parlement et du Conseil – se réunit et parvient à un compromis.

 

Normalement, selon divers représentants de la Commission, le trilogue se réunit fin janvier ou début février 2023 et tout ce travail de révision doit être achevé en 2023, pour une publication du Règlement révision à la fin de 2023 et une application en 2024.

 

 

Une proposition plus sévère issue du Parlement

 

 

Mais, coup de théâtre, selon le site coolingpost.com, Bas Eickhout, député au Parlement Européen et vice-président de la Commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire (ENVI) a, en tant que rapporteur sur la proposition de révision du Règlement F-Gaz au sein d’ENVI, publié un document plus sévère que la proposition initiale de la Commission Européenne.

 

Le document de Bas Eickhout contient 113 propositions de modifications (amendments dans la version en anglais) du texte issu de la Commission Européenne. Sa proposition 7 met l'accent sur la nécessaire et complète formation de tous les acteurs qui manipulent des HFC et des fluides alternatifs. La proposition 9 introduit les PFAs dans le règlement F-Gaz et vise à décourager la production et l'utilisation des gaz dont la production ou la décomposition engendrent des PFAs.

 

La proposition 9 demande que les règlementations nationales soient harmonisées avec la norme internationale IEC 60335-62-89 et IEC 60335-62-40 en ce qui concerne les charges limites des réfrigérants inflammables. La proposition 14 demande un prix pour le quota de CO2eq mis sur le marché et une augmentation de ce prix dans le temps, de manière à ce que les recettes financent les coûts du suivi du Règlement F-Gaz et les coûts de formation des acteurs à la manipulation des fluides.

 

La proposition 37 insiste sur le fait que les opérateurs doivent être certifiés aussi bien pour la manipulation des fluides HFC que des fluides naturels. Tandis que la proposition 38 rend obligatoire la recertification tous les cinq ans. La proposition 44 estime que le GWP des fluides doit être indiqué à la fois pour une période de 100 ans et pour une période de 20 ans. L'idée étant que de nombreux HFC ont un GWP calculé sur 20 ans très nettement supérieur à leur GWP calculé sur 100 ans. Indiquer les deux augmentera l'information sur l'impact à court terme de ces gaz.

 

Proposition 47 : à compter du 1er janvier 2024, l'emploi de fluides dont le GWP est supérieur à 2500 est interdit pour la maintenance des équipements en réfrigération, en conditionnement d'air et dans les pompes à chaleur. Les propositions 87 à 89 interdisent la mise sur le marché d'équipements de réfrigération et de congélation stationnaires, domestiques et commerciaux contenant des fluides fluorés au plus tard au 1er janvier 2025, voire au 1er janvier 2024 pour certains équipements de congélation, par exemple.

 

La proposition 90 interdit la mise sur le marché de climatiseurs monoblocs et de pompes à chaleur contenant des GES fluorés à compter du 1er janvier 2025. La proposition 91 va nettement plus loin. Elle interdit tout d'abord la mise sur le marché des monosplits contenant moins de 3 kg des fluides fluorés à compter du 1er janvier 2025, quel que soit le GWP de ces fluides fluorés. Ensuite, à compter du 1er janvier 2027, dans 4 ans, est interdite :

- la mise sur le marché des splits jusqu'à 12 kW utilisant des fluides fluorés, quel que soit le GWP du fluide, sauf lorsque des règles de sécurité interdisent de faire autrement,

- la mise sur le marché des splits de 12 à 200 kW utilisant des fluides fluorés, dont le GWP est supérieur ou égal à 750, sauf lorsque des règles de sécurité interdisent de faire autrement,

- la mise sur le marché des splits de plus de 200 kW utilisant des fluides fluorés, quel que soit le GWP du fluide, sans autre considération.

 

 

Bas Eickhout propose notamment d’interdire les HFC et les HFO dans les systèmes de climatisation en split et dans les pompes à chaleur bibloc d’une puissance inférieure à 12 kW, dès l’entrée en vigueur du Règlement F-gaz modifié. ©Bas Eickhout

 

 

Ces proposition signifient la fin des monosplits et multisplits au R32 jusqu'à 12 kW le 1er janvier 2025 pour les premiers et d'ici le 1er janvier 2027 pour les seconds. Les mini-DRV et les DRV sont autorisés jusqu'à 200 kW avec un fluide dont le GWP est inférieur à 750, le R32 par exemple, sans limite dans le temps pour l'instant. Mais les grands DRV de plus de 200 kW seront interdits à compter du 1er janvier 2027 s'ils sont chargé en gaz fluoré, quel que soit le GWP de ce gaz. La Commission ENVI du Parlement Européen considère en effet dans son pré-rapport que l’ammoniac (NH3, R717) et le CO2 (R744) constituent des substituts possibles aux HFC et aux HFO.

 

Bas Eickhout, dans sa proposition 112, veut accélérer un peu la décroissance des gaz fluorés – le fameux "phase-down" du Règlement F-Gaz – et surtout aboutir à une grosse marche entre 2048 et 2049, soit zéro gaz fluorés en 2049, au lieu des 4 200 133 de tonnes CO2eq proposées par la Commission Européenne. Sa proposition 113 donne un prix au quota de CO2eq : 10 €/t pour la période 2024 - 26, puis une augmentation régulière jusqu'à parvenir à 86,05€/t pour la période 2045 - 47 et enfin 99,28 €/t à partir de 2048.

 

Ce texte de Bas Eickhout doit d’abord être débattu et voté par ENVI, puis par le Parlement Européen en séance.

 

Nous ne savons pas si les propositions de Bas Eickhout seront suivies. Nous ne savons pas non plus ce qu'en pense le gouvernement français. Petit indice cependant, Bas Eickhout était invité et a assisté au lancement du CNR Climat et Biodiversité par la Première Ministre et un aéropage de membres du gouvernement, le 21 octobre à La Recyclerie, Porte de Clignancourt à Paris. ©PP

 

 

L’industrie l’a mal pris

 

 

Les fabricants de climatiseurs et de pompes à chaleur refusaient la proposition de la Commission sur la révision du Règlement F-Gaz, la jugeant trop rapide dans son calendrier. Avec le texte de Bas Eickhout, ils ont une frousse bleue. Nous pouvons nous attendre à un lobbying survolté pour que la proposition de Bas Eickhout n’aboutisse pas. EPEE considère que cela encouragerait la persistance des chaudières gaz et irait à l’encontre des buts de développement des pompes à chaleur énoncés dans REPowerEU. L’AFCE (Alliance Froid Climatisation Environnement) estime que le texte de Bas Eickhout est une provocation.

 

 

Ce qui est sûr, c’est qu’avec l’augmentation des charges de R290 dans les logements, les pompes à chaleur bisplit et les climatiseurs mono et multiplits deviennent possible jusqu’à près de 50 kW. Ce qui, certainement au prix d’une formation approfondie des installateurs et des entreprises de maintenance, convient pour les maisons individuelles et le petit tertiaire. ©PP

 

 

Pour les grandes installations tertiaires, la réponse probable sera un retour de l’eau glacée – fluide confiné dans les groupes extérieurs, distribution d’eau chaude et d’eau glacée pour le chauffage et la climatisation et retour des ventiloconvecteurs sous diverses formes, de la console à la cassette en passant par les gainables et les muraux – plutôt que la généralisation de DRV au CO2.

 

L’industrie européenne de la climatisation, qui pour les DRV se repose entièrement sur des systèmes conçus et fabriqués en Asie, va naturellement défendre son marché.

 



Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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