Pas de lien entre l'extraction de sable en mer et l'évolution du trait de côte en France

Pas de lien entre l'extraction de sable en mer et l'évolution du trait de côte en France

Selon une étude réalisée à la demande de l'UNPG, il n'y a pas de lien avéré entre l'évolution du littoral et la pratique de l'extraction de granulats marins telle qu'elle est pratiquée en France.




Dans une conférence de presse le 13 octobre, l'Union nationale des producteurs de granulats (UNPG) a présenté à la presse une étude sur l'activité d'exploitation de granulats en mer et ses éventuelles conséquences sur l'érosion et l'évolution du trait de côte.

 

En guise d'introduction, Laëtitia Paporé, présidente de la commission granulats marins de l'UNPG, a rappelé que la pratique de cette activité est très réglementée en France et ne peut pas être comparée aux pratiques d'extraction illégales dans certains pays d'Asie et d'Afrique du Nord. Dans un contexte de méconnaissance du grand public, l'étude, réalisée en 2021 par Artelia et le Cerema, a pour double objectif de mieux comprendre les phénomènes à l’origine de l’évolution du trait de côte et de présenter une synthèse des connaissances scientifiques sur les différents processus hydrosédimentaires pouvant amener un impact des extractions de granulats marins sur le trait de côte avec un retour d’expérience en France.  

 

En France, 17 concessions sont en activité en 2022 en Manche, en Bretagne et en Atlantique. 7 millions de tonnes de granulats y sont extraits.

 

 

Une exploitation indispensable sur le plan économique

 

 

"Vendre des granulats, c'est répondre à un besoin. En France, 446 millions de tonnes par an sont nécessaires, majoritairement pour des travaux d'infrastructure", a rappelé Laetitia Paporé. Si de plus en plus de granulats sont issus du recyclage (environ un quart), il n'en reste pas moins 324,6 millions de tonnes de granulats naturels, qui doivent être extraits dans des carrières terrestres ou des concessions marines. 

 

Les granulats marins, qui devraient être appelés pour plus d'exactitude, "sables et graviers en mer", résultent de dépôts vieux de plusieurs centaines de milliers d'années, alors que le trait de côte n'avait pas le même emplacement qu'aujourd'hui sur le territoire du fait des niveaux des mers plus bas qu'actuellement. "Ces matériaux ont été déposés puis immergés par la suite. C'est le même matériau que l'alluvionnaire terrestre, avec la même origine, les mêmes caractéristiques, et par conséquence, les mêmes usages."

 

Les granulats marins sont principalement destinés à l'approvisionnement local. Majoritairement utilisé pour la construction (béton prêt à l'emploi), ils peuvent aussi être utilisés en agriculture en Bretagne, en maraîchage en région Nantaise, ainsi qu'à l'aménagement et la protection des littoraux (voir photo de une), bien que cette pratique ne soit que peu utilisée en France. 

 

 

Une réglementation très stricte

 

 

Il faut en moyenne 10 ans pour faire valider un nouveau projet de concession, parfois plus, indiquait la présidente, qui a même mentionné un cas où l'accord avait été donné 20 ans après la demande initiale. En effet, deux à trois autorisations indépendantes sont nécessaires pour avoir le droit d'extraire les sables et graviers en mer, de deux ou trois autorités différentes. Le titre minier, qui est délivré par le Ministre en charge des mines, l'ouverture de travaux miniers en mer, délivré par le Préfet (demande à l'occasion de laquelle une étude d'impact est réalisée), et une autorisation domaniale qui doit être demandée soit au Préfet, soit au Grands Ports Maritimes, en fonction de l'emplacement. Ces autorisations sont soumises à enquête publique. 

 

Une étude d'impact conforme au Code de l'environnement est un document indispensable à l'obtention de ces autorisations. Cette étude évalue l'impact du projet sur l'environnement, notamment le trait de côte, et établit des mesures d'évitement et de réduction de ces impacts.

 

A noter, l'exploitation d'une concession engendre une redevance pour l'Etat ou le Grand Port Maritime quel que soit l'endroit de la concession.

 

 

Phénomène à l'origine de l'évolution du trait de côte

 

 

Le Cerema est un acteur indépendant, expert en ingénierie territoriale, bâtiment, mobilité, infrastructures de transport, environnement et risques, mer et littoral. Le Cerema a notamment publié de nombreux documents de référence sur les aléas et risques littoraux et la gestion du trait de côte.

 

Amélie Roche, directrice de projet en gestion des territoires littoraux à la direction technique risques, eau et mer du Cerema, a tout d'abord rappelé que le trait de côte évoluait constamment de manière naturelle : vents, niveaux marins, vagues, courants, précipitations, mais aussi tempêtes... sont autant de facteurs, qui ont plus ou moins d'impact par rapport à sa nature (une côte sableuse subira plus d'erosion qu'une côte rocheuse). Elle rappelle que "30 km² de côte ont disparus en 50 ans en France." Les côtes basses meubles (sableuses) sont les plus en recul que les autres types de côtes.  

 

L'artificialisation du littoral, la construction d'ouvrages, les aménagements fluviaux, côtiers et portuaires, les activités maritimes sont autant de facteurs qui s'ajoutent et qui doivent être pris en compte. Les impacts cumulés sont difficiles à quantifier et doivent faire l'objet d'études au cas par cas à l'échelle de la cellule hydro sédimentaire.

 

De très nombreux facteurs doivent être pris en compte afin de déterminer les causes du recul du trait de côte. Source : Développer la connaissance et l'observation du trait de côte. Contribution nationale pour une gestion intégrée (© Medde, 2015)

 

 

L'étude a finement analysées toutes les activités, l'urbanisme et autres changements en place sur cinq zones d'exploitations différents. Aucune de ces analyses n'ont pu mettre en évidence la responsabilité de l'extractions en mer pour le recul du trait de côte.

 

De même, il est pour l'heure impossible de conclure à un recul du trait de côte plus important en lien avec le changement climatique. Si ce phénomène s'accentue cependant, l'élévation du niveau moyen des mers et l'augmentation de l'intensité et de la fréquence des tempêtes pourraient aggraver la situation, a indiqué Amélie Roche. 

 

 

Comment extraire le sable et gravier en mer sans affecter le trait de côte?

 

 

L'extraction doit se placer au large de la zone littorale, dans la zone côtière © Artelia

 

 

Luc Hamm, directeur technique de Artelia, a indiqué les règles de base à respecter afin d'extraire du granulat en limitant au maximum les risques : se placer au large de la zone littorale pour éviter tout impact direct, ne pas interférer avec les transports transversaux dans la zone littorale, ne pas intercepter la dérive et le transit littoral. Toutes ces méthodes sont déjà scrupuleusement respectées en France.

 

En effet l'extraction provoque une modification de la propagation de la houle à l'approche de la côte qui est susceptible de modifier la nature du transit littoral et donc les évolutions du trait de côte. Grace à des modélisations numériques détaillées des processus océanographiques, il est désormais possible de simuler numériquement plusieurs situations et de visualiser s'il y a une conséquence sur le trait de côte à long terme.

 

Cette première étape de partage de connaissance sera suivie d’un guide méthodologique d’évaluation des impacts des exploitations de granulats marins sur l’évolution du trait de côte dont la rédaction, en cours, est pilotée par le Ministère de la Transition Ecologique et de la Cohésion Territoriale (MTECT).

 

Artelia est en ce moment en train de rassembler et d'analyser les éléments scientifiques et techniques disponibles afin de rédiger un guide méthodologique unifié d'évaluation des impacts potentiels sur l'évolution du trait de côte, transposable à tous types de projets d'extraction le long des côtes Atlantique, Manche, ou Mer du Nord. Ce guide est soumis à la validation d’un comité de lecture composé d’experts sur le sujet. Les porteurs de projets pourront l'utiliser pour mieux cibler leurs études et les services instructeurs pour vérifier la conformité des études d'impact avec ce nouveau référentiel. Un outil qui sera donc bénéfique à toutes les parties prenantes.

 

 

Ici, vous pouvez lire l'étude complète.

 




Source : batirama.com / Emilie Wood / Photo © Compagnie Armoricaine de Navigation (Can)

L'auteur de cet article

photo auteur Emilie Wood
Journaliste, photographe, vidéaste, Emilie Wood travaille depuis 2010 pour la presse, qu’elle soit professionnelle dans les domaines du BTP et de l’agriculture, ou généraliste. Pour Batirama, elle écrit sur des sujets aussi variés que la conjoncture BTP, l’évolution de la réglementation, la rénovation énergétique, les réformes, les innovations, ou encore l’actualité de l’immobilier. Elle apprécie particulièrement réaliser des portraits d’entreprises et révéler les femmes et les hommes qui, chacun à leur manière, font une différence, qu’ils soient entrepreneurs ou collaborateurs d’entreprise.
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