MaPrimeRénov' : une prime efficace dont l'avenir mérite d'être éclairci, dit la Cour des Comptes

MaPrimeRénov' : une prime efficace dont l'avenir mérite d'être éclairci, dit la Cour des Comptes

MaPrimeRenov affiche de bons retours pour l'instant, dit la Cour des Comptes. Mais, l’avenir du dispositof mérite d’être éclairci dès maintenant si l’on veut réussir la massification de la rénovation énergétique




Lancé en Janvier 2020, réellement activé en Avril 2020, le dispositif MaPrimeRénov’ a été confié à l’Anah (Agence nationale de l'habitat) et est devenu la principale aide de l’Etat à la rénovation énergétique des logements.

 

D’abord réservée aux ménages les plus modestes, elle est depuis janvier 2021, avec le soutien des crédits France Relance, ouverte à tous les propriétaires, quels que soient leurs revenus, qu’ils soient occupants ou bailleurs, ainsi qu’à tous les copropriétaires. Depuis le 1er juillet, les propriétaires bailleurs peuvent également demander leur aide.

 

Au bout de 18 mois, que dit l’Anah?

 

L’Anah rappelle que MaPrimeRénov’ connait une très forte dynamique qui ne faiblit pas. 382 442 demandes ont déjà été déposées depuis le début de l’année, 195 000 l’ont été au 2e trimestre contre 185 000 au 1e trimestre 2021. Avec un délai moyen de réponse de 11,5 jours ouvrés, 297 003 dossiers ont été acceptés, pour un montant total de 862 millions d’euros de primes.

 

MaPrimeRénov’ est ensuite versée à l’issue des travaux. Selon l’Anah, 184 215 demandes de paiement ont été reçues et, fin juin 2021, près de 146 124 ont déjà été payées.

 

MaPrimeRénov’ finance les travaux d’isolation (murs, planchers, combles, fenêtres), d’amélioration du chauffage, de la ventilation, ainsi que des audits énergétiques. Selon l’Anah, le changement de système de chauffage représente 64% des dossiers déposés, suivi par les travaux d’isolation (32%). Les autres travaux (ventilation, audit, etc.) et l’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO) représentent seulement 4% des demandes.

 

A l’issue de ces travaux, dit l’Anah, 97% des bénéficiaires sont satisfaits du confort de leur logement. Les ménages modestes et très modestes restent les principaux bénéficiaires de MaPrimeRénov’, avec 63% des dossiers déposés depuis le début de l’année. MaPrimeRénov’ rencontre également un fort succès auprès des ménages aux revenus intermédiaires (33%).

 

Devant le succès de MaPrimeRénov’, le gouvernement a fixé de nouveaux objectifs à l’Anah avec 700 000 à 800 000 primes distribuées en 2021, contre 500 000 initialement prévues. Par ailleurs, le budget prévisionnel alloués à MaPrimeRénov’ a été augmenté à 2,4 milliards d’euros, contre 1,7 milliards en début d’année, afin de répondre à l’engouement des Français pour la rénovation énergétique.

 

Qu’en pense la Cour des Comptes ?

 

 

En Mars 2021, environ un an après le lancement du dispositif MaPrimeRénov’, des membres de la Cinquième Chambre de la Cour des Comptes, celle qui traite notamment du logement, se sont installés à l’Anah pour l’évaluer. Cet « audit flash » a duré jusqu’au début du mois de Mai 2021. Dans le langage de la Cour, un « audit flash » est une procédure accélérée d’analyse d’une nouvelle mesure d’aide publique, qui permet de poser des constats et observations utiles à sa poursuite. ©PP

 

Le rapport final de la Cour des Comptes sur MaPrimeRénov’ a été approuvé le 15 juillet 2021. La Cour rappelle que MaPrimeRénov, contrairement aux dispositifs antérieurs comme le programme « Habiter mieux agilité » de l’Anah, ne vise pas en priorité à faire disparaître les passoires thermiques, ni même à réduire la précarité énergétique des propriétaires très modestes, mais plutôt à soutenir très largement la rénovation énergétique des logements.

 

L’Anah dit la Cour, avait l’habitude de traiter 75 000 rénovations de logements à travers les programmes « Habiter mieux agilité » et « Habiter mieux sérénité ». Avec MaPrimeRénov’, l’Anah est passée avec succès à près de 400 000 dossiers au cours des 6 premiers mois de 2021 et devrait pouvoir atteindre ou dépasser 500 000 dossiers cette année, estime la Cour des Comptes.

 

Le rôle des mandataires

 

L’Anah, dit la Cour, a su anticiper les besoins en personnel, recruter et sous-traiter des activités clefs, notamment la création et la maintenance des applications informatiques et web nécessaires. L’Anah a également sous-traité une partie de l’activité – traitement des dossiers, etc. - à Docaposte, société du groupe La Poste.

 

L’Anah s’appuie aussi sur des mandataires, qu’elle habilite, et qui sont choisi par les bénéficiaires pour les accompagner dans les démarches administratives et financières : réunion des pièces nécessaires, choix des travaux, collecte des devis, des factures, demandes de paiement, …

 

Ces mandataires, souligne la Cour des Comptes, n’ont aucun rôle d’accompagnement social auprès des ménages très précaires, comme c’était le cas dans le programme « Habiter mieux sérénité ». Les mandataires se rémunèrent en prélevant une partie de la prime versée dans le cadre du programme MaPrimeRénov’.

 

Il existe deux types de mandataires : les mandataires simples et les mandataires habilités. Les mandataires simples étaient environ 5 500 fin juin 2021. L’ANAH reçoit environ 200 demandes par semaines d’entreprises, privées pour l’essentiel, qui souhaitent devenir mandataire simple. Un mandataire simple peut recevoir les paiements à la place des particuliers, une fois les travaux achevés.

 

Les mandataires habilités, une possibilité ouverte depuis le 8 avril 2021 seulement, ont accès à des processus de validation des dossiers plus simple, plus digitalisé en échange de contrôles a posteriori et de sanctions sévères. Fin avril 2021, un seul mandataire était habilité.

 

Un déploiement rapide, des délais brefs, en pleine crise sanitaire

 

La Cour des Comptes estime que l’Anah a réussi à déployer MaPrimeRénov’ dans des délais brefs, engageant plus de 140 000 dossiers au cours de l’année 2020, en pleine crise sanitaire. Selon la Cour, les délais d’instruction des dossiers et de paiement ont été stabilisés en Avril 2021 : 17 jours en moyenne pour l’instruction des dossiers et paiement en 15 jours. Docaposte, de son côté, s’engage à traiter en cinq jours au moins 80% des demandes qui lui parviennent.

 

 

En s’appuyant sur le réseau de l’Anah et sur le nouveau réseau Faire, 5000 appels téléphoniques sont traités par jour. En 2020, dit la Cour des Comptes, le site MaPrimeRénov’ a reçu 4,2 millions de visiteurs et vu la création de 270 000 comptes. En 2020, près de 200 000 dossiers ont été déposés et plus de 140 000 engagés. ©Anah

 

 

 

Par comparaison, tous les autres programmes d’aide de l’Anah confondus ont porté sur un peu plus de 80 000 logements seulement. Les travaux engagés grâce à MaPrimeRénov’ en 2020 ont engendré un peu plus de 1,5 Md€ de travaux, pour 570 M€ de primes versées, une reversion de TVA de l’ordre de 82 M€ et des recettes accrues pour les collectivités à travers la Contribution Foncière des Entreprises.

 

Plusieurs pages Facebook consacrées à MaPrimeRénov’ brossent cependant un tout autre tableau, évoquant des demandes sans réponses des mois après leur dépôt, l’impossibilité de joindre quiconque au téléphone, etc. La Cour indique que l’Anah traite manuellement environ 200 dossiers par mois, qui n’ont pas abouti par le circuit digital habituel.

 

De nombreux contrôles

 

En 2020, sur l’ensemble des demandes de paiement transmises, 18 431 dossiers ont été contrôlés (35% du total), avec un taux de rejet de 8,7%. L’Anah a également diligenté Bureau Veritas Exploitation et Qualiconsult pour effectuer des contrôles sur site. Au cours des six derniers mois de 2020, 2 514 dossiers faisant l’objet d’une demande de paiement (4,8% du total) ont été soumis à un contrôle sur site.

 

Deux principaux types d’anomalies ont été relevés : la surévaluation des surfaces dans le cas des gestes « isolation thermique » (50% des anomalies) et, loin derrière, l’inéligibilité de certaines prestations (7%). Depuis la fin du second semestre, 190 procédures de recouvrement ont été initiées par l’Anah dans le cadre de dossiers non-conformes.

 

En 2021, l’objectif de contrôles sur site est de 31 000 chantiers (environ 5 à 8% des chantiers) pour un volume estimé de 30 000 dépôts de paiement par mois. Ces contrôles visent principalement les propriétaires, précise la Cour des Comptes.

 

L’Anah n’a pas comme rôle de vérifier la qualification des entreprises qui réalisent les travaux, souligne la Cour des Comptes, notamment leur qualification RGE. C’est le rôle de l’Etat, notamment du ministère des Finances et du ministère de la Transition écologique.

 

Et maintenant ?

 

Le budget du dispositif MaPrimeRénov’ est sacralisé jusqu’en 2022, dans le cadre du Plan France Relance. Pourtant, souligne la Cour des Comptes, pour être efficace, notamment pour atteindre une vraie massification de la rénovation, un tel dispositif doit perdurer de manière stable pendant une longue période. Aucune visibilité, souligne la Cour, n’existe quant à la poursuite de MaPrimeRénov’ en 2023.

 

L’objectif de 500 000 dossiers MaPrimeRénov’ traités en 2021 – porté à 800 000 pour 2022 – correspond à dix ans de rénovation dans le cadre des programmes « Habiter Mieux » de l’Anah. La Cour n’est pas incrédule, mais elle souligne que MaPrimeRénov’ cannibalise l’activité de l’Anah qui doit lui consacrer de plus en plus de ressources, au détriment de ses autres programmes.

 

L’objectif de massification de la rénovation, dit la Cour, n’est pas assorti de la vérification de l’efficacité des travaux engagés. MaPrimeRénov’ affiche des gains théoriques qui devront être vérifiés. C’est, souligne la Cour, une différence sensible avec le programme « Habiter Mieux », dont les résultats sont fondés sur des diagnostics énergétiques obligatoirement réalisés avant et après les travaux.

 

Avec 86% de dossiers portant sur un seul geste, la Cour constate que MaPrimeRénov’ porte pour l’instant avant tout sur des changements de mode de chauffage (72%) et sur un renforcement de l’isolation thermique (26%). Mais, Bruno Lemaire a déclaré devant l’Assemblée Nationale, le 15 juillet dernier, que plutôt que des gestes de travaux uniques, MaPrimeRénov’ devra à terme privilégier la rénovation globale, dont l’efficacité énergétique est plus grande.

 

Vers la rénovation globale

 

A cet égard, la Cour recommande d’ailleurs de fusionner le programme « Habiter Mieux sérénité », qui porte sur une rénovation globale avec accompagnement social, financier et technique des ménages modestes, avec MaPrimeRénov’ pour simplifier les procédures. Tout en conservant l’accompagnement multiforme prévu par « Habiter Mieux sérénité ».

 

La Cour recommande aussi d’unifier la communication en direction des usagers, soulignant que les sites internet publics qui en parlent comportent des informations différentes. Dans sa réponse à l’audit flash, le Premier Ministre se déclare d’accord avec cet objectif. Le Premier Ministre se déclare également d’accord avec l’objectif de pérenniser le programme au-delà de 2022, sans toutefois préciser ce qu’il envisage.

 

Enfin, le Premier Ministre confie à l’Observatoire de la Rénovation Energétique constitué au sein du Ministère de la Transition écologique, avec l’appui des services statistiques du Commissariat Général au Développement Durable (CGDD), le soin d’évaluer l’efficacité énergétique de MaPrimeRénov’.

 

Le Premier Ministre approuve la recommandation de la Cour des Comptes de procéder à une évaluation globale du dispositif MaPrimerRénov’ au plus tard en 2023.



Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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