Quand l'exosquelette débarque sur les chantiers de Colas

Quand l'exosquelette débarque sur les chantiers de Colas

Tirer de l’enrobé au râteau demande force physique, endurance et savoir-faire. Pour faciliter la mise en œuvre, Colas va équiper ses compagnons d’un ExoPush, outil d’assistance high-tech.




ExoPush ? Une sorte de râteau du futur qui porte bien son nom : « Exo » désigne la structure externe, ou exo-structure, dont s’équipe l’opérateur. « Push » rappelle le mouvement de poussée imprimé au râteau dans la mise en place de l’enrobé sur une chaussée ou un trottoir. Le râteau est aussi utilisé dans l’autre sens, pour tirer le matériau, dans un mouvement de va et vient qu’on a souvent pu observer au hasard des chantiers urbains.

 

Ce curieux outil d’assistance est issu de la robotique collaborative (ou « cobotique »), qui construit des robots pour aider les hommes dans leur tâche. Il a pour but de soulager le tireur, en allégeant considérablement les efforts à développer pour casser les tas d’enrobé et les étendre de façon précise et homogène dans les moindres recoins.

 

« Nous avons co-construit et fait évoluer cet appareil avec la start-up auxerroise RB3D, avec laquelle nous collaborons étroitement depuis 2010 », précise Bernard Sala, Directeur Général Ajoint Prospective Développement et Recherche de ‎Colas. Le groupe français est leader mondial de la construction et de l'entretien des infrastructures de transport.

 

 

De g à d : Philippe Simarik (directeur prévention, santé et sécurité au travail de Colas), Bernard Sala (DGA prosepctive, R&D de Colas) et Serge Grygorowicz (RB3D) manipulant Exopush

 

Comment ça marche ?

 

L’opérateur s’équipe en moins d’une minute : il enfile un harnais de type classique. A son côté (droit au gauche selon son habitude de travail) il fixe une « jambe télescopique » au niveau de la hanche et l’accroche à son pied par le biais d’une rotule aimantée fixée à sa semelle de chaussure.  Ce bras télescopique se règle seul à la bonne taille. Parallèle à la jambe du manipulateur, il sert à reporter les efforts au sol, de façon à améliorer la posture et le confort de ce dernier.

 

Un « actionneur » est fixé par une attache rapide au bras télescopique. Cette sorte de rampe  concentre toute la mécatronique : la partie proche de la hanche porte le bloc batterie-moteur. Le moteur électrique brushless de 250 W actionne une courroie crantée. Dans le manche en aluminium, un système de vérin transmet la force appliquée horizontalement : jusqu’à 500 N, ce qui permet de pousser 50 kg d’enrobé sans effort.

 

Le râteau proprement dit est solidarisé à l’actionneur. Son manche en fibre de carbone est clipsé à la partie terminale de la rampe, qui dispose d’un capteur. Situé près du sol, celui-ci détecte l’intention de l’utilisateur et amplifie son geste, multipliant son effort par 5. L’extrémité du râteau, en bois, permet à l’opérateur d’adapter facilement l’outil de son choix, généralement une raclette métallique.

 

L’ensemble est parfaitement silencieux, n’émet aucune vibration. Aspect est très important pour que les opérateurs s’approprient l’engin, la « sensation du granulat » reste étonnamment intacte pour le compagnon, qui maitrise son geste comme à son habitude, l’effort en moins.

 

 

Sur le côté de l'opérateur, (droit au gauche selon son habitude de travail) il fixe une « jambe télescopique » au niveau de la hanche et l’accroche à son pied par le biais d’une rotule aimantée fixée à sa semelle de chaussure.

 

Amélioré sur la base des retours du terrain

 

« Nous avons constamment collaboré avec les compagnons tireurs pour améliorer Exopush au fur et à mesure de leurs indications », précise Serge Grygorowicz, président de RB3D. « Ils ont notamment souhaité plus de flexibilité pour bouger et se défaire de l’engin en quelques secondes, donc nous avons allégé et compacté la machine. Ils ont aussi demandé à pouvoir débarrasser l’outil terminal des restes d’enrobé collés.»

 

Intervenues fin 2017, ces évolutions majeures ont permis d’abaisser le poids à 8,4 kg et de réduire l’encombrement total à 1,50 m de long pour qu’Exopush tienne dans un coffre de petit utilitaire. Et la raclette est désormais facilement nettoyée au racloir par le manipulateur. Le « râteau-robot » ne nécessite par ailleurs aucun entretien.

 

Sans arrêt amélioré, l’Exopuch de série sera fixé à la chaussure par le crochetage de l’exosquelette à un anneau fixé à l’arceau vissé à la chaussure (l’anneau étant moins encombrant que la rotule aimantée présentée ici). La rampe alu sera aussi plus ergonomique, avec des angles arrondis. Et le boitier moteur-batterie sera encore plus compact.

 

 

Dans un souci d'ergonomie et pour faciliter la vie des opérateur, la machine a été compactée et allégée, au fur et à mesure de l'expérimentation, et tient dans un coffre de petit utilitaire.

 

Du militaire au civil

 

L’Exopush qui équipera les premiers tireurs au râteau de Colas dans les mois à venir est bien éloigné du premier prototype de 42 kg né en 2014 ! Retour sur la genèse du projet avec Serge Grygorowicz. Tout jeune, cet ingénieur dessinait des robots. Il fonde son entreprise en 2001 pour réaliser son rêve d’ado : Hercule. L’ancêtre d’Exopush est un prototype conçu pour l’armée dans le but de créer le fantassin du futur.

 

« Parallèlement à Hercule, nous développons des applications civiles pour assister les gestes des opérateurs dans divers secteurs de l’industrie. En collaborant avec Colas, nous avons découvert le monde du BTP et ses contraintes. » Colas travaille depuis des années à l’amélioration des conditions de travail de ses collaborateurs mais certains métiers, comme ceux liés à la mise en oeuvre des enrobés, ont peu évolué. Ses experts pressentent dans Hercule une piste à explorer.

 

Sept ans plus tard, les résultats sont là : avec Exopush, la posture du tireur est meilleure, son dos se redresse et son rythme cardiaque reste normal ; alors que l’effort fourni avec un râteau classique sollicite largement le cœur et que la fatigue induit une inclinaison de plus en plus prononcée du dos.

 

 

Bernard Sala évoque quelques millions d’euros pour la mise au point de l'équipement et précise que son groupe ne revendique aucune exclusivité sur l’appareil, qui sera développé à sa guise par RB3D. Toutes les entreprises peuvent donc bénéficier de cette innovation technologique bluffante

 

Prêt pour une diffusion mondiale

 

La version 4.2 est prête pour la fabrication en série. Les 30 premiers exemplaires, assemblés dans l’usine de RB3D à Auxerre, seront bientôt livrés dans chaque antenne régionale de Colas en France,  ainsi qu’au Danemark et en Australie, dans un premier temps. « Chaque Exopush sera associé à un seul tireur. Les compagnons prennent ainsi contact avec l’appareil, qui peut encore recevoir quelques perfectionnements en fonction de leurs retours, avant une diffusion plus large», indique Bernard Sala.

 

C’est qu’à raison de 25 000 € pièce, le déploiement d’Exopush reste un investissement important, même pour le groupe Colas, présent dans plus de 50 pays sur les 5 continents.  Et même si avec l’augmentation des volumes de vente, le prix baisse. Cette année, RB3D envisage de fabriquer 60 machines supplémentaires et pourra en produire 200 à 300 par an dès 2019.

 

Sans chiffrer précisément l’investissement réalisé par Colas pour la mise au point d’Exopush, Bernard Sala parle de millions d’euros et précise que son groupe ne revendique aucune exclusivité sur l’appareil, qui sera développé à sa guise par RB3D. Toutes les entreprises peuvent donc bénéficier de cette innovation technologique bluffante.

 

« Colas s’est engagé dans cette aventure dans le but d’améliorer les conditions de travail de la profession dans son ensemble, en réduisant la pénibilité et les risques pour la santé. A terme, il y aura certainement un gain de temps sur chantier. Un aspect primordial est aussi qu’en devenant plus technologique, le métier sera plus attractif pour les jeunes. »

 

De son côté, la start-up, qui a obtenu le Prix Innovation Intermat 2018 avec Exopush, a déposé trois brevets mondiaux sur cet outil futuriste. Elle envisage d’innover dans d’autres secteurs du BTP et travaille déjà sur un outil qui assistera les manutentionnaires dans le soulèvement de charges d’environ 30 kg.

 

 

Testé sur gravillon, ce prototype de démonstration, finalisé en janvier 2018, démontre sa maniabilité, sa précision et confirme que toute la sensation du contact avec le produit est intacte.

 



Source : batirama.com / Emmanuelle Jeanson

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