Westinghouse en dépôt de bilan et le nuclaire mondial tousse

Westinghouse en dépôt de bilan et le nuclaire mondial tousse

Acteur dominant de la construction et de la maintenance des centrales nucléaires dans le monde, Westinghouse vient de déposer le bilan.




On ne peut sous-estimer l’empreinte de Westinghouse sur l’industrie nucléaire mondiale. L’entreprise a construit au moins 90 centrales nucléaires dans le monde.

 

Les centrales françaises en fonctionnement sont toutes construites sous licence Westinghouse. Westinghouse était spécialisé dans la conception, la fabrication et l’entretien des chaudières nucléaires.

 

Westinghouse a été acheté par le groupe Toshiba, autre poids lourd mondial du nucléaire, en 2005 pour un montant de 5,4 milliards de dollars, considéré comme beaucoup trop élevé par les analystes financiers au moment de la transaction.

 

Un modèle de chaudière nucléaire non-testé

 

En 2009, Westinghouse a remporté deux contrats de construction de centrales nucléaires aux Etats-Unis, dans les états de Géorgie et de Caroline du Sud. Il s’agissait d’utiliser pour la première fois un nouveau concept de réacteur baptisé AP1000 pour 1000 MW de puissance.

 

Construire de nouvelles centrales à l’aide d’un modèle jamais testé auparavant, cela ne vous rappelle rien ? Areva a fait la même chose avec son EPR en construction en Finlande depuis 2004. Résultat pour Areva : 7 ans de retard et, pour l’instant, déjà 5 milliards d’Euros de surcoût. Le contentieux entre Areva et son client finlandais TVO n’est pas bouclé et pourrait se traduire par de nouvelles pénalités financières.

 

Côté Westinghouse, l’entreprise a acheté pour 229 millions de dollars en 2015, CB&I Stone & Webster, une sorte d’entreprise générale, capable pensait Westinghouse de lui permettre d’avoir un contrôle global – conception + béton + chaudière nucléaire – sur la construction de nouvelles centrales atomiques.

 

Les compétences ont disparu

 

Lors de ce rachat, Westinghouse a fait preuve d’une rare incompétence. CB&I Stone & Webster avait en effet négocié la construction du gros-œuvre des deux chantiers de réacteurs nucléaires en Georgie et en Caroline du Sud pour un prix fixe. Il s’est avéré qu’il ne possédait plus la compétence nécessaire pour mener des projets d’une telle envergure.

 

Résultat, ces deux chantiers ont déjà 3 ans de retard. Les surcoûts atteignent 1,3 milliard de dollars et les analystes de la Banque Morgan Stanley estiment qu’ils pourraient monter à 8 milliards de dollars au bout du compte. La similitude avec les aventures d’Areva en Finlande et dans la construction de l’EPR de Flamanville est particulièrement frappante.

 

Première conséquence, les tumultes juridiques de la faillite de Westinghouse ne seront sans doute pas clarifiés avant plusieurs années. Mais dans l’immédiat, la construction des deux centrales américaines est compromise.

 

La centrale anglaise d’Engie est compromise

 

Le fait que Westinghouse recherche la protection du « Chapitre 11 » comme le prévoit la loi américaine, pourrait entrainer la rupture des contrats de construction des deux centrales. Il faudra quelques semaines pour éclaircir ce point.

 

Seconde conséquence, plus drôle en quelque sorte, la construction d’une centrale nucléaire dans le comté de Cumbria au nord-ouest de l’Angleterre est compromise également. Cette centrale devait en effet être réalisée par NuGen, une joint-venture entre Engie (40%) et Toshiba (60%). Westinghouse devait construire les chaudières nucléaires de la nouvelle centrale selon son modèle AP1000.

 

Tout cela, selon les mots de Toshiba, devient « très incertain » et Toshiba se retire de toute activité nucléaire hors du Japon. Chez Engie, on doit chercher frénétiquement d’autres investisseurs pour NuGen et, surtout, se demander qui pourrait bien remplacer Westinghouse dans la construction de chaudières nucléaires de 1000 MW.

 

Le groupe Toshiba est en péril

 

L’aventure Westinghouse, la catastrophe de Fukushima et une sombre histoire de fausse comptabilité conduite durant plusieurs années pour embellir les exercices financiers du groupe, ont fortement plombé Toshiba. Pour l’année fiscale 2016 qui se termine vendredi 31 mars, le groupe annoncera une perte de 9 milliards de dollars, dont 6,3 Md$ directement attribués à Westinghouse.

 

Cette situation financière assez catastrophique – à nouveau tout parallèle entre Areva/Westinghouse et Toshiba/EDF est parfaitement justifié – conduit Toshiba à vendre les bijoux de famille. Le groupe a officiellement mis en vente sa division fabricant des memory chips, la plus rentable du groupe. Par la taille, c’est la seconde dans le monde dans cette activité, après Samsung.

 

Areva et les constructeurs chinois, bénéficiaires dans l'affaire ?

 

Le groupe Toshiba espère en tirer 18 Md$ et plusieurs acquéreurs potentiels sont déjà sur les rangs. Il tentera également de vendre Westinghouse, s’il parvient à restructurer l’entreprise. Des entreprises russes, chinoises et sud-coréennes sont intéressées.

 

Si Westinghouse disparaît, l’espoir d’un renouveau du nucléaire dans le monde sera sévèrement douché. Mais, paradoxalement, en réduisant la concurrence mondiale, cela pourrait faire l’affaire d’Areva et des constructeurs chinois.




Source : batirama.com / Pascal Poggi

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